Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 19 octobre 2016 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur pour avis :

Quoi qu'il en soit, s'agissant des cotisations vieillesse, nous avons pris des mesures qui feront effet progressivement. Surtout, nous avons augmenté les cotisations de 0,6 point au total – dont 0,3 pour les salariés, ce qui explique en partie la stabilisation des prélèvements obligatoires en 2017 ; quant aux employeurs, la hausse a été neutralisée par la baisse des cotisations d'allocations familiales : nous en avons discuté il y a trois ans à propos d'un amendement, que j'avais combattu, déposé par celle qui m'a précédé dans mes fonctions.

Toujours à propos de la branche vieillesse, j'aimerais m'attarder un instant sur la baisse de CSG pour les retraités.

La mesure sera financée dans le cadre global qui ressortira des débats sur le PLF et sur le PLFSS. Nous en avons parlé hier. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, elle ne pourra évidemment l'être que par compensation par le budget de l'État – à moins que nous ne trouvions 250 millions d'économies au titre de la protection sociale, mais je ne les ai vus gagés nulle part… Pour l'instant, la mesure est donc gagée sur la fiscalité du tabac.

Je le dis ici comme je le dis à l'extérieur : avec une balle pour plusieurs objectifs, on rate toujours sa cible. On a parlé de financer la disposition par une mesure sur les AGA ; il n'y a aucune raison de le faire puisqu'il n'y a aucun rapport entre ces deux sujets. De toute façon, nous avons un équilibre global du PLF à atteindre et, pour avoir été rapporteur général pendant dix ans, vous savez bien, monsieur le président, qu'à ce stade de la discussion il est normal qu'il y ait encore un milliard ou un milliard et demi d'euros qui se baladent. Ça, on sait faire ! Au terme de la discussion parlementaire, il restera 500 à 700 millions d'euros à financer ; nous verrons alors comment ils le seront, par des mesures diverses.

Quant à ce qui se dira dans l'hémicycle, je ferai les remarques suivantes.

On peut en demander beaucoup à un membre de la confrérie des concepteurs de la CSG, mais pas de renier les principes fondateurs de celle-ci. Pourquoi ne puis-je, par principe, qu'être réticent vis-à-vis de mesures concernant la CSG des retraités ? Je rappelle que la CSG a été conçue comme un impôt de rendement destiné à assurer le financement à long terme de la protection sociale. De ce point de vue, la réussite fut parfaite. D'ailleurs, si MM. Bérégovoy et Charasse s'y sont opposés à l'époque, c'est parce qu'ils anticipaient l'efficacité de l'outil, qui n'allait pas inciter à maîtriser la dépense. Voilà d'ailleurs pourquoi je suis hostile à sa fusion avec l'impôt sur le revenu : on ne peut pas durablement combiner un impôt de rendement et un impôt de redistribution et de progressivité sans partir dans le décor et finir par devoir créer des exonérations.

L'assiette de la CSG était la plus large possible. Sans parler des retraités, je me souviens des discussions d'alors sur les primes des diplomates.

Enfin, un euro devait être égal à un euro. Un jeune actif débutant en contrat d'intérim avec un salaire de 1 000 euros cotise à 7,5 %. Le taux normal de CSG pour les retraités, soit 6,6 % n'est donc pas très éloigné du taux des actifs, tout en lui restant inférieur. Je n'ai jamais compris pourquoi un retraité se verrait appliquer un taux de CSG inférieur à celui d'un actif, à pouvoir d'achat équivalent. Je ne peux donc pas approuver des mesures qui creuseraient cet écart.

Quoi qu'il en soit, la CSG retraités existe et la gauche n'en est pas entièrement responsable : tout le monde s'y est mis, notamment avec la déductibilité, véritable prime à ceux dont le taux marginal d'imposition est déjà élevé. Je me prépare maintenant à l'adoption de la mesure à 250 millions d'euros sur le taux zéro de CSG.

Mais pourquoi des retraités paient-ils plus de CSG que d'autres alors qu'ils ont le même avis d'imposition ? À ce phénomène, il y a deux raisons cumulatives.

Le véritable déclencheur est la modification des règles d'éligibilité des retraités au taux réduit ou au taux nul de CSG : ce n'est plus l'impôt dû qui fait foi, mais le revenu fiscal de référence. Auparavant, à revenu égal, les retraités ne payaient pas la même CSG selon qu'ils bénéficiaient ou non de crédits et réductions d'impôt. Aujourd'hui, à revenu égal, la cotisation est la même.

À cette réforme s'est ajouté l'effet sur le revenu fiscal de référence de l'intégration au revenu imposable de la majoration de 10 % des pensions, soit un milliard d'euros qui représentent la contribution des retraités à l'équilibre des régimes de retraite. On pourrait objecter que les retraités n'ont pas à contribuer à celui-ci, mais c'est cette option qui a été retenue.

Les dispositions en discussion suscitent un débat politique ; au vu des marges de manoeuvre budgétaires globales en matière de dépense publique, il me paraît raisonnable d'en rester à la mesure à 250 millions d'euros. Je lisais encore ce matin que, selon certains, il serait possible, à condition de trouver des gages, d'opter pour l'autre mesure envisagée, plus coûteuse ; encore faudrait-il trouver le premier des 250 millions d'euros, ce qui n'est pas fait à l'heure où nous parlons. Je confirme néanmoins ce que j'ai dit hier : le groupe Socialiste, écologiste et républicain soutiendra cette mesure. J'ai simplement tenu à prendre le temps de rappeler les questions de principe en jeu.

Monsieur le président, le fait que l'évolution tendancielle des dépenses d'assurance maladie atteigne 4,3 % est l'effet conjoint de la dynamique des volumes et des prix, de l'évolution du point d'indice, de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention médicale et des médicaments innovants. On peut s'interroger sur les économies que l'on affiche, mais, en réalité, la question est de savoir quelles dépenses il va être possible d'assurer ; et nous avons été plutôt honnêtes en estimant que le tendanciel ne pouvait que progresser vu les mesures prises. Vous le dites vous-mêmes en nous reprochant d'alourdir les dépenses de l'assurance maladie, quand ce n'est pas la faute du tiers payant…

Il est vrai qu'il existe des déficits cumulés dans les hôpitaux, mais il y a globalement moins d'hôpitaux déficitaires, les déficits se concentrant sur un petit nombre d'établissements : en 2015, les déficits cumulés atteignent 411 millions d'euros pour 25 hôpitaux. Quant à la dette des hôpitaux, qui résulte de leur investissement, elle atteint 30 milliards d'euros en 2015. Il n'y a donc pas 30 milliards de déficit, mais 411 millions. On le verra dans mon rapport, et certainement aussi dans celui de nos collègues : il y a un problème d'ajustement.

J'ai contribué à l'instauration, entre autres mesures, de l'enveloppe globale et de la marge progressive lissée pour les pharmaciens. Je le dis à Eva Sas : si une augmentation exponentielle des dépenses de santé permettait à la population d'être en meilleure santé, cela se saurait ! La bonne santé de la population passe d'abord par la prévention ; or les politiques en ce sens sont insuffisantes.

Ensuite, notre système ne s'autorégule pas. Il faut dire qu'il est financé à 88 % soit par les régimes de base, soit par les régimes complémentaires. Il y a toujours eu des gens pour soutenir – je me souviens d'en avoir parlé en 2009 ou 2010 avec le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) – qu'il fallait responsabiliser les patients en augmentant le reste à charge ; cela n'a jamais vraiment fonctionné nulle part et ce n'est pas vraiment le problème. Comment réguler une économie associant un prescripteur qui dispose de la liberté d'installation et de prescription – que nous tentons sans grand succès d'encadrer à grand renfort de bonnes pratiques, d'indices, d'indicateurs de performance, mais rarement par des sanctions –, un consommateur qui peine à rester rationnel dans ces matières, comme nous tous lorsque nous sommes confrontés à un gros ennui de santé, et un tiers payeur – et même deux, puisqu'à l'assurance maladie s'ajoutent de plus en plus les régimes complémentaires. Dans ce dernier domaine, nous allons d'ailleurs être témoins d'une évolution ; le passage à l'économie numérique, en particulier, ne sera pas sans effets sur la manière dont on va soutenir les patients en fonction sinon de leur consommation, du moins de leurs efforts pour prévenir la maladie.

Quoi qu'il en soit, ces trois intervenants ne sont pas en relation directe ; toute une série d'acteurs économiques s'interposent entre eux. Voyez la manière de maîtriser les prix dans l'industrie du médicament, dans l'appareillage médical. Voilà pourquoi nous avons instauré les taux L, W, etc. Un laboratoire pharmaceutique travaille, sort un produit sur le marché, arrive en France et annonce un prix. Quel pouvoir politique refusera de mettre un médicament sur le marché au motif que le laboratoire en demande trop cher ? On l'a bien vu il y a deux ans à propos de l'hépatite C. Je me souviens aussi de la négociation sur la marge dégressive lissée : auparavant, les pharmaciens étaient payés proportionnellement aux prix et aux volumes, mais le prix des médicaments augmentait structurellement avec l'innovation et la rémunération des pharmaciens n'avait aucune raison d'augmenter d'autant. On voit combien la régulation est complexe.

La dépense hospitalière, c'est 78 milliards d'euros ; la dépense incluse dans l'ONDAM, 185 milliards ; les charges nettes de l'assurance maladie du régime général, 200 milliards. Dans ce contexte, je crois malheureusement que nous n'avons guère d'autre choix que de renforcer nos instruments de pilotage et de nous montrer rigoureux. Rien ne remplace la responsabilité politique !

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