Fondé en 1916, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) célèbre, cette année, son centenaire. Depuis 2011, cet office est le point unique d'accueil des anciens combattants et victimes de guerre dans les départements. Il délivre les cartes et titres de combattant et victime de guerre ainsi que les cartes d'invalidité des pensionnés anciens combattants. L'Office assure le versement des pensions et retraites attachées à ces cartes. Les crédits votés à ce titre représentent en 2016 près de 2,5 milliards d'euros.
Au sein de ces crédits, l'ONACVG dispose d'une enveloppe dite de solidarité qui était d'un peu plus de 25 millions d'euros en 2016, et qu'il peut répartir entre ses ressortissants en fonction de leurs difficultés financières sur la base de critères individuels.
Le rapport de la mission d'information parlementaire présidée par Marie-Christine Dalloz, que nous vous présentons ce matin, porte sur l'évolution récente de la politique d'aide sociale de l'ONACVG dont les crédits ont connu une forte progression – plus de 30 % depuis 2012 – pour atteindre dans le projet de loi de finances pour 2017 un montant de 26,4 millions d'euros.
En application de l'article 134 de la loi de finances pour 2016, le Gouvernement a remis le 1er octobre 2016 un rapport au Parlement dressant le bilan, sur les six premiers mois de l'année, du remplacement de l'aide différentielle aux conjoints survivants (ADCS), supprimée le 1er janvier 2015, par une nouvelle procédure d'attribution des aides financières au bénéfice de l'ensemble des ressortissants de l'Office.
La commission des finances de l'Assemblée nationale a souhaité disposer à travers ce rapport de sa propre appréciation de la mise en oeuvre des nouveaux critères d'aide sociale définis lors d'un conseil d'administration de l'ONACVG le 27 mars 2015. Pour cela, la mission s'est déplacée, début octobre, dans deux services de l'ONACVG des départements de la Loire et du Jura afin de vérifier sur place que l'application de ces nouveaux critères ne pénalisait pas les ressortissants concernés, en particulier les conjoints survivants qui bénéficiaient de l'ADCS, et ne modifiait pas substantiellement le nombre de bénéficiaires ou le montant moyen des aides versées.
En effet, la suppression de l'ADCS n'a pas toujours été comprise. Lors de sa création en 2007, celle-ci avait été saluée comme une forte mesure de justice en faveur des conjoints survivants d'anciens combattants. Cette prestation était versée trimestriellement aux veuves âgées d'au moins 60 ans, résidant en France et dont le niveau de ressources mensuelles était inférieur au seuil de pauvreté. À ce titre, elle a fait chaque année l'objet de propositions d'augmentation lors des débats au Parlement sur la loi de finances. Le plafond de ressources est ainsi passé de 550 euros par mois en 2007 à 987 euros en 2015.
Or, l'ADCS a disparu du fait d'un jugement du tribunal administratif de Paris du 27 octobre 2014 : le tribunal a en effet considéré que ni l'ONAC ni son directeur n'avait le pouvoir de créer une telle allocation, quelle que soit la générosité qui avait présidé à sa création. En vérité, l'ADCS n'avait pas de base légale.
Pour rassurer les ex-bénéficiaires de l'ADCS, le secrétariat d'État chargé des anciens combattants a créé en 2015, de façon transitoire, l'allocation complémentaire spécifique au conjoint survivant (ACCS), permettant de maintenir les prestations versées sous un autre nom. Versée en une seule fois, l'ACCS était calculée selon les mêmes règles que l'ADCS. En revanche, elle était alignée sur le modèle des autres aides versées par l'ONACVG et définie comme un secours exceptionnel, subsidiaire, facultatif et limité par les crédits disponibles.
Cette solution ne pouvait être que provisoire, en attendant une refonte de l'aide sociale de l'ONACVG intervenue courant 2015.
Outre sa fragilité juridique, l'ADCS, prestation de guichet versée sur critères d'attribution, présentait l'inconvénient de suivre une logique différente de celle des prestations versées par l'ONACVG au titre de la solidarité. En effet, les crédits affectés par l'ONACVG à des actions de solidarité viennent en complément des aides de droit commun que peuvent par ailleurs percevoir leurs bénéficiaires.
Par ailleurs, le budget que l'ONACVG affecte à des actions de solidarité est un budget contraint : son montant est fixé à l'occasion de chaque loi de finances, il est limitatif et n'a pas vocation à évoluer en fonction du nombre de bénéficiaires ou de l'accroissement du montant de ladite prestation.
Dans ces conditions, de par sa logique même, l'ADCS avait progressivement, au fil de ses augmentations successives, déséquilibré l'action sociale de l'ONACVG. Le budget étant contraint, la priorité donnée aux conjoints survivants a de plus en plus pesé sur les secours attribués aux autres catégories de ressortissants de l'ONACVG et notamment – paradoxe souligné par les associations d'anciens combattants que nous avons auditionnées – sur les secours attribués aux anciens combattants eux-mêmes.
Ainsi, entre 2005 et 2015, alors que le montant des aides accordées aux anciens combattants s'accroissait de 20 %, celui des aides aux conjoints survivants augmentait de 240 % grâce à l'ADCS. En 2014, alors que les anciens combattants représentaient près de 50 % des ressortissants, ils ne bénéficiaient que de 25 % du total de l'aide sociale de l'Office et surtout étaient exclus du dispositif de l'ADCS, alors même que le code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre ne fait aucune différence entre catégories de ressortissants pour l'attribution de l'aide sociale.
En outre, comme l'a indiqué à la mission la directrice de l'ONACVG lors de son audition, le versement trimestriel de l'ADCS a pu être regardé par certains organismes sociaux comme un revenu régulier, à ce titre intégrable dans l'assiette de calcul de certaines aides de droit commun, avec pour conséquence de priver des conjoints survivants du bénéfice de la couverture maladie universelle (CMU) ou de l'aide à la complémentaire santé.
À la suite du jugement du tribunal administratif de Paris, il était logique de rendre aux prestations accordées aux conjoints survivants le même statut que celui des prestations accordées aux autres ressortissants de l'ONACVG, celui de secours, accordé en fonction de la situation globale de chaque demandeur, examinée individuellement. La refonte de la politique sociale a eu le mérite d'unifier le statut des prestations accordées par l'ONACVG.
Les grands principes de la politique sociale de l'ONACVG ont été affirmés, dans la délibération votée lors du conseil d'administration le 27 mars 2015. Ainsi, l'aide apportée par l'ONACVG est-elle individualisée, résultant d'un examen personnalisé de chaque situation qui s'accompagne d'une mission d'accueil, d'écoute et d'orientation des ressortissants ; l'aide est subsidiaire par rapport aux aides de droit commun, son montant est plafonné par l'enveloppe de l'action sociale ; elle est décidée de façon collégiale par la commission d'action sociale départementale, qui est composée essentiellement de représentants des associations du monde combattant. Les dossiers sont présentés sous une forme anonyme, gage d'impartialité, principe que la mission souhaite soutenir. Il faut préciser que la situation d'un même ressortissant peut justifier l'attribution de plusieurs aides au cours de la même année civile.
L'ONACVG a, en outre, identifié trois grands publics prioritaires : les ressortissants les plus démunis, les plus isolés et les plus fragiles – la situation de ces derniers étant appréciée selon des critères financiers, mais aussi sociaux, de logement, d'isolement, de fragilité et de précarité ; les soldats de la dernière génération du feu ayant participé à des OPEX, avec un accompagnement personnalisé sur le plan social et professionnel ; les ressortissants âgés dépendants avec des aides au maintien à domicile et la labellisation EHPAD « Bleuets de France » permettant de réserver des places en établissement pour les ressortissants.
Quatre grands types d'aides ont été définis :
– les aides pour difficultés financières : secours d'urgence, chèques de services accordés pour trois motifs : difficulté chronique ou ponctuelle comme une facture impayée, frais médicaux ou frais d'obsèques ;
– les aides aux prestations de services : frais d'aide ménagère, participation aux frais de maintien à domicile – télésurveillance, portage de repas, adaptation de l'habitation, remise de colis ;
– les aides à la reconversion octroyées aux ressortissants de l'ONACVG afin de soutenir leur réinsertion professionnelle ;
– les prêts et avances remboursables consentis pour une durée maximale de trente mois sans intérêts.
Un modèle unique de demandes d'aides financières a été élaboré. Les procédures d'examen des demandes ont été unifiées et la direction générale de l'ONACVG a fixé à l'attention de ses services de proximité des fourchettes d'intervention pour chacune des aides. Des voies de recours contre les décisions de proximité sont prévues devant une commission nationale qui se réunit deux fois par an.
Concernant les conséquences de l'application de ces nouvelles règles par les offices départementaux, les chiffres donnés par le Gouvernement sur les six premiers mois indiquent que le nombre et le montant des aides accordées suivent globalement la trajectoire observée en 2014 et 2015 à la même période.
Intéressons-nous à présent à l'évolution des décisions pour les ressortissants les plus démunis dont les revenus sont inférieurs à 1 000 euros par mois dans le département de la Loire au 1er octobre 2016. En 2015, 55 conjoints survivants avaient été aidés au titre de l'ex-ADCS pour un montant de 95 411 euros. Au 1er octobre 2016, 57 étaient provisoirement recensés pour un montant de 56 363 euros, soit un montant prévisionnel estimé à 91 000 euros en fin d'année. Bien que constant d'une année sur l'autre, le nombre de bénéficiaires tient compte de douze non-reconductions : six décès, quatre personnes n'ayant pas formulé de demande, en dépit de relances du service, et deux changements de situation matérielle. Quatorze veuves supplémentaires ont donc été aidées auxquelles s'ajoutent dix anciens combattants qui n'entraient pas dans le précédent dispositif, pour un montant de 9 312 euros.
Au total, dans la Loire, 67 ressortissants bénéficient de l'aide sociale aux plus démunis pour un montant de 65 675 euros, estimé en fin d'année à 95 000 euros, soit douze bénéficiaires de plus dès le 1er octobre.
On constate en outre, un effet très positif sur l'ouverture de nouveaux droits sociaux. Concernant l'aide à la complémentaire santé (ACS), 41 personnes ont vu leurs droits ouverts alors qu'elles n'en bénéficiaient pas jusque-là, grâce au suivi de l'assistante sociale. Dans douze cas supplémentaires, une vérification est en cours pour s'assurer de leurs droits. S'agissant de l'aide personnalisée au logement (APL), dans quelques cas, le versement de l'ex-ADCS avait eu un impact négatif sur le montant de l'aide attribuée. Celui-ci a disparu puisqu'il ne s'agit plus d'un versement forfaitaire.
En conclusion, même si les premières indications recueillies sur le terrain devront être confirmées en fin de gestion 2016, il apparaît à la mission parlementaire que la refonte de la politique sociale de l'Office, plus juste et plus adaptée à l'évolution des besoins, a permis de mieux aider ses ressortissants les plus fragiles et les plus démunis en s'appuyant sur un accompagnement personnalisé. Les aides apportées aux conjoints survivants restent majoritaires parmi les secours servis – environ 60 % des aides – même si un rééquilibrage au profit des autres ressortissants, notamment les anciens combattants, est perceptible.
La mission souhaite formuler plusieurs recommandations concernant la politique sociale de l'ONACVG : premièrement, il faut poursuivre le travail d'harmonisation de l'action des services départementaux. En effet, les exemples de départements cités dans le rapport du Gouvernement montrent des disparités tant dans les motifs des interventions que dans le nombre de bénéficiaires qui n'est pas toujours en corrélation avec la population. L'Office s'attache à harmoniser les procédures et le montant des aides attribuées sur l'ensemble du territoire, mais ce travail de mise à jour des différentes circulaires internes doit être accéléré.
Deuxième recommandation, il faut réduire les disparités entre les services dotés d'un travailleur social de métier – environ 25 % – et les autres.
Les assistants sociaux jouent un rôle central d'accompagnement, d'information et de conseil directement auprès des ressortissants. Une hausse des moyens humains en travailleur social peut s'opérer par un redéploiement de personnels de l'administration centrale. Il est possible aussi de mieux utiliser les compétences existantes et de les mutualiser – je pense aux moyens du ministère de la défense ou de la gendarmerie –, en prenant exemple sur les pôles mis en place pour l'instruction des cartes du combattant. Les assistants sociaux peuvent être des ressources techniques pour l'ensemble des services sur des situations sociales complexes. Ils peuvent également servir de conseil lors des rencontres régionales réunissant les acteurs du social de chaque service départemental.
Autre recommandation, il faut s'appuyer plus fortement sur les associations du monde combattant pour relayer l'information auprès de leurs adhérents mais aussi pour faire remonter aux services départementaux de l'ONACVG les changements de situation des ressortissants qu'elles connaissent de près. Les anciens combattants qui siègent dans les commissions d'action sociale départementale, en fonction de catégories statutaires et non comme représentants de leurs associations, sont le gage d'un traitement impartial mais aussi humain et de proximité.