Pour ce qui est des réseaux sociaux et d'Internet, il faut distinguer deux niveaux. Le premier, le plus confidentiel, est celui de la cyberguerre et de la cyberdéfense. La France, et c'est son honneur, a pris le train de la cyberdéfense sous le précédent quinquennat et, depuis, l'effort a été systématiquement maintenu, que ce soit dans la LPM initiale ou dans sa version revalorisée en 2015. Cette action suppose des capacités dont nous sommes, avec les Américains, les Britanniques et quelques autres, les seuls à disposer. Bien entendu, nous coopérons avec les pays européens dans ce domaine. Nous ne sommes pas en retard, bien au contraire. Par définition, nous ne communiquons pas sur ce sujet, puisqu'il s'agit de ne pas se dévoiler, mais nous sommes très efficaces et, croyez-moi, Daech souffre. La presse s'est d'ailleurs fait l'écho, hier, de la dégradation de la capacité opérationnelle de ce groupe sur le plan de l'influence et de la cyberguerre. Petit à petit – mais c'est une guerre longue et progressive –, nous gagnons la partie en les empêchant de déployer leur contre-information, dans laquelle ils excellent. Les réseaux de type Telegram soulèvent des problèmes particuliers, qui doivent être traités au plus haut niveau, au plan européen. Le président de la République a, du reste, évoqué le sujet à Bratislava, et le ministre de l'Intérieur en discute souvent avec ses homologues.
Le deuxième niveau est celui des usagers des réseaux sociaux et d'Internet. Dans ce domaine, il s'agit de se protéger en utilisant les moyens informatiques de manière rigoureuse. C'est un défi ! Une formation est dispensée à tous nos personnels pour leur rappeler régulièrement les mesures de sécurité à respecter. Cette prudence doit cependant être largement partagée ; elle n'est pas spécifique aux militaires. Il suffit de voir ce qui se passe dans l'industrie ou dans d'autres secteurs : la guerre est générale.
Par ailleurs, il faudrait, avez-vous dit, Madame Fioraso, mieux faire connaître la bonne parole en quelque sorte, en faisant intervenir de jeunes soldats sur les réseaux sociaux. C'est une idée intéressante, et nous y travaillons. La manière dont vous avez présenté les choses me paraît d'ailleurs très judicieuse.
La question de la radicalisation au niveau de nos armées nous est souvent posée, et vous pensez bien que le chef d'état-major des armées que je suis y est particulièrement vigilant. Nous incarnons la France dans sa diversité, sa globalité et son hétérogénéité. De fait, certains jeunes Français sont radicalisés, et nous veillons à ne pas les recruter. Tel est l'objet du contrôle préalable au recrutement effectué par la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD). Toutefois, un être humain peut évoluer et le processus de radicalisation est parfois très rapide. Le commandement se doit donc d'être très vigilant. J'ai essayé, modestement, dans le sillage de mes prédécesseurs, de remettre l'humanité au centre de mon action. L'humanité : voilà le meilleur contrepoison contre la radicalité. En effet, les jeunes qui sont susceptibles de se radicaliser ou qui le sont déjà ont lâché prise humainement ; ils sont désespérés car ils ne croient plus en l'humanité. Un chef doit connaître ses hommes et doit déceler les évolutions.
Vous avez évoqué, Monsieur Vitel, plusieurs dizaines de cas ; cela me semble élevé...