Intervention de Général Pierre de Villiers

Réunion du 12 octobre 2016 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées :

En ce qui concerne les ressources, nous avons demandé 775 millions d'euros ; nous en avons obtenu 600, le complément étant assuré, à hauteur d'un peu moins de 200 millions d'euros, par le coût des facteurs. Ces 600 millions comprennent notamment 100 millions supplémentaires de ressources exceptionnelles. Pour le reste, les ressources sont identifiées ligne par ligne – nous pourrons vous en fournir le découpage détaillé.

Le risque que j'ai relevé est double : le coût des facteurs et les 100 millions supplémentaires de ressources exceptionnelles immobilières. Ces dernières supposent en effet que l'on vende des emprises, qu'il faut d'abord identifier, ce qui n'est pas aisé lorsque des sommes pareilles sont en jeu. Le risque existe donc, notamment à propos des grosses emprises parisiennes, que nous ne puissions pas réaliser ces opérations en 2017 – nous verrons bien. En tout cas, je rappelle qu'il existe une clause de sauvegarde, de sorte que si nous n'obtenons pas ces ressources exceptionnelles, elles seront remplacées par des ressources budgétaires.

S'agissant de la Garde nationale, je voudrais vous faire part de ce qui a été décidé en conseil des ministres aujourd'hui. Tout d'abord, ce qui me tient à coeur, c'est la réforme des réserves. Or, nous l'avons enfin réalisée, grâce à la création de la Garde nationale. Les principes sont clairs : celle-ci repose sur deux piliers ministériels autonomes. En cela, rien ne change ni pour les réserves des armées ni pour celle de la gendarmerie et de la police. Elles sont regroupées sous le label « Garde nationale », ce qui se traduit par une politique de communication conjointe, notamment un site Internet commun, destiné à orienter les personnes intéressées. Il ne s'agit pas d'une Garde nationale d'emploi fusionné des 84 000 réservistes : les deux piliers sont employés dans leurs métiers d'origine, intérieur et défense, et continuent de relever de leur autorité de tutelle. En revanche, un système de gouvernance, très clair a été identifié. Il comprend trois niveaux : le CODIR, composé des deux ministres, le COPIL, composé des deux cabinets, et le secrétaire général entouré d'une équipe de douze personnes. Ce dernier sera désigné officiellement en conseil des ministres mercredi prochain ; il pourrait s'agir d'un général de l'armée de terre.

Je suis extrêmement favorable à cette Garde nationale, car il était de temps d'entreprendre une réforme, ce qui n'a pas été fait depuis 1996. Jusqu'à présent, on a élaboré des plans, fait du lifting ; on n'avait jamais impulsé un tel élan. Qu'on en juge : les effectifs de la réserve militaire, hors gendarmerie, étaient de 28 000 en début d'année ; ils sont aujourd'hui de 31 000 et seront de 40 000 fin 2018. L'autre partie, soit 44 000 personnes, est fournie par la gendarmerie, en majorité, et par la police. Ces 40 000 réservistes seront totalement intégrés à l'armée d'active, ce qui n'était pas le cas auparavant faute de crédits suffisants. En 2014, je le rappelle, le budget était de 72 millions d'euros ; il est de 105 millions pour 2017 et il va encore augmenter. Il s'agit donc d'une véritable réforme.

La réserve sera au même standard de qualité que l'active. Elle constituera un apport souple et modulaire dans les pics de besoin opérationnel, et elle comportera des militaires hautement qualifiés, qui apporteront une haute plus-value, ainsi que des unités constituées, en particulier sur le territoire national : fusiliers marins, commandos de l'air et armée de terre. Elle fournira donc une véritable plus-value opérationnelle.

Je vais communiquer sur la garde nationale car cette réforme, nécessaire, est enfin réalisée !

Les mesures d'attractivité, qui sont un élément-clé de la réussite, nous les avons obtenues. Elles consistent, pour les réservistes, dans une prime de fidélisation de 250 euros, un financement partiel du permis de conduire pouvant aller jusqu'à 1 000 euros, une valorisation des acquis de l'expérience et une allocation étudiant réserviste de 100 euros par mois sur dix mois. Quant aux employeurs, ils pourront bénéficier de la fiscalité relative au mécénat : 60 % du salaire du réserviste pourront être financés par déduction fiscale. C'est exceptionnel ! J'appelais cette réforme ambitieuse de mes voeux depuis de nombreuses années. Nous allons passer de 2 000 réservistes par jour à 4 000, de 500 sur le territoire national à 1 500, de 30 jours par an à 36,5 jours. Le budget sera abondé en 2017 de 45 millions d'euros, qui incluent les mesures d'attractivité. Les réservistes seront recrutés, entraînés, fidélisés, équipés de véhicules et de matériels pour l'entraînement – dotés des mêmes gilets pare-balles et treillis que l'active. C'est une véritable avancée.

Trois points constituent des blocages, actuellement : la visite médicale – nous allons donc expérimenter une visite dans le secteur civil – ; le contrôle élémentaire, lié à la radicalisation, effectué par la DRSD – nous allons tenter d'améliorer les procédures – ; et l'administration : comme il est compliqué aujourd'hui de signer un Engagement à servir dans la réserve (ESR) ! Nous essaierons également de simplifier le système de rémunération pour que celle-ci soit un peu plus rapide.

Encore une fois, il s'agit d'une véritable avancée. J'insiste sur l'apport que représente cette réforme, pour le chef d'état-major des armées, au plan de la capacité opérationnelle.

J'ai perçu l'inquiétude des ORSEM. Ils n'ont pas à s'inquiéter, au contraire. Leur statut est revalorisé, puisque ces officiers à haute valeur ajoutée dont nous avons besoin dans les états-majors seront encore plus indispensables, et la réforme reconnaît leur rôle. Je ne comprends donc pas cette inquiétude, mais nous allons les rassurer.

Par ailleurs, ce que nous avons fait avec le G5 Sahel, en un peu plus de deux ans, est formidable. Il permet que soit menée, en permanence, une opération conjointe : Mali et Mauritanie, Niger et Mali, Burkina Faso et Mali, Tchad et Niger. Cette opération est aujourd'hui transfrontalière, c'est-à-dire qu'elle se déroule là où personne ne voulait aller auparavant. Notre prochaine réunion doit se tenir à Nouakchott dans quinze jours. Quand les forces de sécurité locales seront-elles autosuffisantes ? C'est l'objectif : gagner la paix suppose que ces forces assurent elles-mêmes la sécurité du pays. La situation s'améliore, de ce point de vue, mais il faut savoir qu'au Niger, dont on connaît l'étendue du territoire et les problématiques – chercheurs d'or, terrorisme, flux de population, présence de Boko Haram au Sud –, l'armée compte 18 000 hommes… Avant qu'elle soit autosuffisante, il faudra du temps, mais nous nous inscrivons dans un cycle : une résolution de crise prend en moyenne quinze ans. Il faut assumer cette durée et cette persévérance.

Au-delà de l'opération Barkhane et du G5 Sahel, notre dispositif de coopération militaire s'est totalement transformé. Nos deux bases de coopération en Afrique, au Sénégal et à Libreville, procurent des détachements d'instruction opérationnelle ad hoc, notamment pour les pays du G5 Sahel. En tout état de cause, le niveau d'insécurité dans la bande sahélo-saharienne n'augmente plus ; grâce à ce dispositif, les terroristes n'y mènent plus d'opération centralisée d'importance.

J'en viens maintenant à la question du soutien. Je connais bien ce dossier, pour avoir été major général durant quatre ans, la réforme du soutien. Dans ce domaine, il faut poursuivre les réglages et, lorsque la situation change, les faire évoluer. Notre système prenait en compte une déflation de 28 750 effectifs qui n'est finalement pas intervenue ; nous en tenons compte dans les soutiens. Les 2 % du PIB permettront aussi de renforcer les directions et services, en particulier de l'administration des personnels, donc le service du commissariat des armées, afin que les Groupements de soutien de base de défense (GSBdD) puissent continuer à améliorer leurs prestations. Mais je note que ce sujet n'est plus aussi conflictuel qu'il y a trois ou quatre ans. On me disait, à l'époque, que cela fonctionnait grâce au maintien de l'ancien système. Or, cette remarque n'est plus valable aujourd'hui, puisque l'ancien système a disparu. Actuellement, 30 000 hommes sont en posture opérationnelle et le système fonctionne : ils sont soutenus. Des réglages restent à effectuer. J'y suis très vigilant. Le « bout-en-bout » que nous avons mis en place fonctionne. Il faut peut-être donner un peu plus de pouvoirs d'arbitrage local aux GSBdD et aux commandants de bases de défense, intégrateurs des soutiens. Il convient également de bien calibrer les budgets et le volume de personnels pour que le soutien soit de qualité, et intégrer la problématique de l'externalisation. Je rappelle que celle-ci est positive lorsqu'elle est plus efficace, qu'elle permet de diminuer les coûts, qu'elle ne nuit pas aux opérations et qu'elle est assumée vis-à-vis des personnels civils. Je ne suis absolument pas opposé à l'externalisation et à la sous-traitance, mais à ces conditions.

Depuis 2008 – mais on pourrait remonter beaucoup plus loin –, 50 000 effectifs ont été supprimés dans le cadre de la RGPP. Or, on annule les déflations et on accroît le budget, ce qui stabilise l'effort de défense à 1,77 % ou 1,78 % du PIB. C'est déjà un bel effort ! Aurions-nous pu remonter à 2 % dès cette année ? Bien sûr, cela aurait été souhaitable, mais je suis réaliste. Le discours politique est honnête ; il essaie de voir plus loin que le triennal budgétaire et prend en compte la promesse faite à l'OTAN d'un budget équivalent à 2 % du PIB. C'est parce que le climat sécuritaire se dégrade que nous devons y parvenir avant 2025, donc durant le prochain quinquennat. Maintenant, le PLF peut toujours être meilleur : si j'avais 40 milliards au lieu de 32 milliards, ce serait plus facile. Mais il y a de faux rêves qui deviennent des cauchemars.

En ce qui concerne l'Irak et la Syrie, quatre pièces d'artillerie – et non quatre batteries – sont en effet déployées au sol. Vous avez donc raison de dire que nous avons des hommes au sol, mais c'est également le cas à Bagdad et à Erbil dans le cadre de la formation des unités irakiennes et kurdes. Il ne m'appartient pas juger si ce déploiement relève de l'article 35, ceci relevant d'une question politique. Mon rôle est de veiller à ce que les moyens déployés soient adaptés aux finalités stratégiques qui ont été déterminées. Dans ce cas précis, il s'agit de moyens utiles à la préparation de la prise de Mossoul par les forces locales.

S'agissant du MCO « aéro », oui, nous avons des soucis.

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