Intervention de Vincent Ledoux

Réunion du 19 octobre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Ledoux, rapporteur pour avis sur les crédits de la recherche :

Aujourd'hui, 80 % des citoyens ne croient plus à la parole politique. J'ai démarré ma démarche en 2012, malgré la réprobation de mes assistants qui me traitaient de fou. Comme adjoint à la démocratie et à la cohésion sociale à Montpellier, j'avais proposé de faire installer des tentes en bas des immeubles pour aller à la rencontre des gens. Ces maisons pour tous, avec des cahiers de doléances, ont été un formidable succès. J'ose le dire, souvent, les élus ont peur de la foule ; c'est notre faiblesse.

Le présent rapport ne porte pas tant sur le monde associatif que sur la question de savoir si la cohésion sociale doit être le ciment de la société de demain. Quand on a la chance d'avoir 16 millions de bénévoles, on ne peut plus leur dire, comme le faisait Georges Frêche, que le salaire du bénévole, c'est la reconnaissance. Le monde du bénévolat a besoin de formations. Dans le cadre des conseils consultatifs que j'ai mis en place, nous avons offert un téléphone et un ordinateur à chaque président de comité de quartier et leur avons proposé de suivre des formations avec l'éducation populaire, les CEMEA : aucun n'a manqué et, à l'issue de leur formation, un certificat leur a été délivré, qui valorisait ce qu'ils avaient appris non pas simplement en faisant venir des intervenants, urbanistes ou sociologues, mais en faisant projet commun avec eux. Dans ma circonscription, les gens se sont connus, donc reconnus. C'est là ma philosophie de vie.

Vous avez raison, monsieur Reiss, en période électorale, on rase gratis, et depuis toujours. Malheureusement, les gens ne croient plus aux promesses. Proposons-leur plutôt un projet de société. Nous avons la chance d'avoir 16 millions de bénévoles qui sont prêts à venir autour de la table. Les rapports entre les gens sont complètement différents quand ils se sentent associés. Les maisons associatives traditionnelles où chacun a son bureau ne peuvent plus exister : inspirons-nous du monde de l'entreprise, de l'espace co-working, où il y a une machine à café, une tireuse à bière, où les gens se croisent dans le hall d'entrée. Ainsi, les gens ne seront plus en concurrence, ils seront en partenariat. Voilà ce qu'il faut développer.

L'année derrière, vous avez voté 10 millions de crédits à la formation des bénévoles ; pour l'année 2017, ce sera 8 millions. Nous ne sommes pas dupes, c'est de l'argent récupéré dans les caisses de l'État. Peut-être faudrait-il développer une vision nouvelle de la société, permettre aux gens d'apprendre toute la vie, de pouvoir échanger – à l'inverse de l'entre-soi qui prévaut dans les universités. Le monde associatif, le partenariat devrait permettre aux gens de se rassembler. À Montpellier, j'avais mis en place, dans onze quartiers, des coordinateurs de territoire qui étaient tous des directeurs de maison pour tous, de l'éducation populaire. Je ne sais pas pourquoi nous avons tous abandonné l'éducation populaire, qui est pourtant la générosité, l'échange, le partage. Ces coordinateurs pouvaient identifier un projet structuré, ce qui permettait de s'engager sur trois ans, voire un mandat, avec le monde associatif. C'est cela que demandent les citoyens : des contrats d'objectifs partagés, coproduits, qui préfigurent une nouvelle forme de démocratie.

Il n'est plus possible de financer le club de foot qui fait du soutien scolaire avec 1 000 euros de plus. Chacun doit pouvoir intervenir dans son art précis. Que ce soit le club de foot ou le soutien scolaire, à chacun sa priorité. Mais il est très difficile pour le monde associatif d'entrer dans les écoles. Avec les contrats locaux de sécurité prioritaires, on a tout cloisonné dans notre société. Notre chance est que 16 millions de bénévoles ont envie de participer à l'aventure, sans regarder la couleur politique.

J'ai eu la chance d'être responsable stadier de la coupe du monde de foot en 1998. Il nous fallait 500 volontaires. Nous avons été les seuls à mettre en place un dossier d'inscription avec un entretien obligatoire : 1 490 personnes se sont présentées, et nous avons valorisé leurs compétences. Dans la même logique, l'organisation de formations, l'intervention de spécialistes ne peut que nourrir leur idéal, leur passion, leur envie.

Pour les Jeux Olympiques, 10 millions d'euros supplémentaires ont été rajoutés. Je voudrais tout de même vous alerter : ce sont les athlètes qui osent parler de dopage parce que l'État n'est pas capable de faire le ménage !

Je prépare actuellement un rapport parlementaire sur les arts martiaux mixtes (MMA) en vue d'une reconnaissance officielle. Je suis allé dans des caves à Marseille où des hommes complètement drogués se tapent dessus. Si l'on n'est pas capable d'organiser, de fédérer, d'éduquer nos gamins, d'autres le feront. C'est la porte ouverte au communautarisme. L'éducation populaire est vraiment le ciment de la société ; chacun a sa part de responsabilité dans son abandon, tout parti confondu, y compris la gauche.

La valorisation du bénévolat peut passer par le CPA, mais aussi par le chèque associatif. Beaucoup aimeraient que les gens qui donnent du temps à la société puissent accéder par ce biais à des spectacles sportifs ou culturels – nous l'avons fait dans notre commune où nous avions un contingent de 300 places gratuites. J'aimerais aussi qu'un jeune qui s'investit à la Croix Rouge ou au Secours populaire puisse l'inscrire dans son CV de sorte que l'entreprise comprenne qu'il est plus qu'un salarié, qu'il a envie de participer au bien commun. Voilà des pistes à développer.

J'avais pensé envoyer le questionnaire à tous les parlementaires, de gauche comme de droite, mais je n'ai pas osé. Je le regrette, car ils auraient pu voir ce qu'ils peuvent initier dans leur circonscription. Donc je le ferai. La France est fragilisée. Je suis meurtri de voir que des lycées sont attaqués, que des lycéens agressent leur proviseur, que les policiers se retrouvent à manifester. Il y a un besoin de sens et de cohérence, et notre devoir politique est d'y répondre. Bien sûr, les élections seront prétextes à des joutes, mais il faudra dépasser les clivages.

Pour moi, l'aventure continuera puisque le 26 novembre, nous recevrons à Montpellier quatre personnes auditionnées au niveau national, dont le président de l'Agence nationale du service civique, le préfet Yannick Blanc, qui interviendra sur la réserve citoyenne. À ce sujet, pour répondre aux difficultés sur mon territoire, avec des fondamentalistes qui sont en train de corrompre notre jeunesse, j'aurais aimé récupérer la réserve citoyenne – 385 personnes affectées à l'éducation –, mais on m'a dit : « ce sont les nôtres, pas les vôtres ». Je suis fatigué d'entendre « ce n'est pas vous, c'est nous » ! On a fragmenté à tel point qu'on n'est plus capable de réunir des gens autour d'un projet commun. Pour revenir au 26 novembre, outre le préfet, nous recevrons Viviane Tchernonog, spécialiste du monde associatif, et les représentants du Conseil national des employeurs d'avenir (CNEA). Et c'est Patrick Bloche qui assurera la clôture de ces magnifiques assises.

Je conclus en disant qu'il n'y a pas de liberté sans éducation et sans culture.

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