On ne peut attendre de la SNCF des performances si celles-ci ne sont pas liées à des choix politiques stables, transparents, raisonnables et, qui plus est, financés. Aujourd'hui, rien de tout cela n'est garanti, et je pense que notre collègue Philippe Duron interviendra pour évoquer la situation de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Cela signifie qu'il faudra modifier la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, dite « LOTI », qui continue d'asseoir le monopole de la SNCF en France. En tout état de cause, sa modification est rendue nécessaire par l'ouverture du marché à la concurrence en 2020 ; nous devons anticiper afin de ne pas renouveler la catastrophe de l'ouverture du fret à la concurrence pour le transport de voyageurs.
Nous considérons qu'il nous revient de nous y préparer, laisser l'initiative de l'expérimentation aux régions, qui doivent bénéficier d'un appui dans le domaine de l'ingénierie – j'ai bien entendu M. Christian Estrosi, ainsi que d'autres à droite comme à gauche, mais cela ne s'improvise pas. De fait, ouvrir la concurrence dans le secteur ferroviaire est tout différent du secteur automobile : il faut connaître les normes techniques et ne pas se laisser abuser sur les coûts. Il s'agit d'une industrie lourde, dans laquelle la roue est toujours dépendante du rail. Il n'est pas possible d'ouvrir la concurrence sans disposer d'une parfaite connaissance des normes du réseau afin d'apporter les bonnes réponses ; c'est pourquoi nous demandons la création d'une cellule nationale de soutien à l'ingénierie pour les régions souhaitant expérimenter.
À l'échelon national, nous disposons d'ingénieurs qualifiés pour ce travail, ce qui n'est pas le cas à l'échelon régional ; au risque de ne pas être très populaire auprès des présidents de conseil régional, je considère que les régions n'ont pas la capacité d'établir un cahier des charges aussi technique, et surtout de ne pas se faire abuser par des répondants.
Par ailleurs, le chemin de fer suppose des financements publics incompressibles et élevés, et il convient, dans le domaine de l'infrastructure particulièrement, de se garder du mirage des partenariats public-privé (PPP). En effet, ce système permet de mobiliser de l'argent dont on ne dispose pas aujourd'hui, mais qui finit toujours par être remboursé par de l'argent public, car le seul investissement financier susceptible de connaître un remboursement intergénérationnel est la dépense publique. Les scandales de Suez, de Panama et d'Eurotunnel sont présents à tous les esprits : on a vendu à des gens l'illusion qu'une infrastructure séculaire pouvait être amortie pendant la durée de vie d'un petit porteur. Bien évidemment, ils ont tous été ruinés, car Eurotunnel ne commencera – peut-être – à être très rentable qu'après quatre-vingts ans de service.
Les lignes ferroviaires nécessitent donc un niveau très important de financements publics : pour la maintenance et l'entretien, mais aussi pour l'investissement. C'est pourquoi nous considérons qu'il faut absolument stabiliser les recettes de l'AFITF, et sur ce point nous nous sommes en désaccord avec la Cour des comptes qui considère que le financement de l'Agence est contraire au principe d'universalité de l'impôt, ce que nous pouvons cependant entendre.
Toutefois, notre système ferroviaire est soumis à ce que j'appelle l'aléa politique, qui fait que l'on change constamment de priorité, que l'on va de réforme en contre-réforme, que l'on cède à la moindre pression d'un président de conseil régional ou élu local, en promettant un TGV à une ville moyenne. Si les fonds publics ne sont pas cantonnés afin de gérer les infrastructures, le système risque de s'effondrer. À cet égard, je considère que l'AFITF a procédé d'une bonne réforme, et il convient qu'elle dispose désormais d'une recette pérenne.
Nous proposons en outre la création, avec ou sans portiques, d'une Eurovignette, recette écologique pour les transports ; nous considérons par ailleurs que son produit devrait être partagé entre l'AFITF et les régions, car celles-ci doivent être responsables de leurs infrastructures. Je n'oublie pas que la Bretagne considère que les nids-de-poule sont gratuits chez elle, et qu'elle n'avait donc pas besoin d'écotaxe. Si les routes bretonnes ne se dégradent pas, ou si leur remise en état est gratuite, tant mieux pour les Bretons, qui n'auront pas besoin de mettre en place la recette. Mais si d'aventure cela doit coûter, ils institueront l'écotaxe en pleine responsabilité… Je suis pour une fiscalité responsable : on ne peut sempiternellement « refiler le bébé » à l'État ou à d'autres.
Plusieurs députés Les Républicains. De toute façon, il y a déjà les portiques ! (Rires)