Intervention de Gilles Savary

Réunion du 19 octobre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, corapporteur :

Il est vrai que les rôles ont été quelque peu inversés entre les deux rapporteurs, puisque c'est M. Bertrand Pancher qui a dit tout le bien qu'il pensait de la réforme, sous réserve de certaines dispositions non encore appliquées, et que je préconise de la prolonger par des perspectives susceptibles de la consolider.

Je considère toutefois que la loi du 4 août 2014 constitue la réforme la plus importante depuis celle de 1936. Je le dis amicalement à notre collègue Jean-Marie Sermier : vos amis politiques ont conduit deux réformes, celle du 13 février 1997 et celle du 8 décembre 2009.

En 1997, il s'agissait de créer « optiquement » RFF à seule fin d'être en règle avec l'Europe, pour immédiatement vider cette création de sa substance. C'est un exemple unique en Europe : vous avez créé la confusion en faisant en sorte que ce soit la SNCF qui décide de l'accès au réseau, tandis que le gestionnaire supposé du réseau était dépossédé de ses compétences opérationnelles et réduit à une structure de cantonnement de la dette. Aujourd'hui vous réclamez la séparation absolue, et vous avez raison de dire que les plus fraîchement convertis sont les plus radicaux…

Par la suite, M. Dominique Bussereau a lancé une nouvelle réforme fin 2009 pour préparer l'ouverture à la concurrence du marché du fret au 1er janvier 2010, soit trois semaines après la promulgation de la loi. Cela explique en grande partie le fait que les choses ont été bâclées. Et, qui plus est, non seulement la SNCF continuait de décider des conditions d'accès au réseau, mais vous n'avez pas touché à la dette, que vous avez continué à cantonner à RFF.

Par deux lois, donc, dont une très récente, vous avez entretenu la même confusion, et vous nous dites aujourd'hui que notre réforme à nous n'est pas compatible avec la réglementation européenne, faute de séparation suffisante entre les deux établissements !

Je vous réponds clairement afin de vous rassurer : l'Europe est totalement d'accord avec notre réforme, qui est pleinement conforme aux règles du quatrième « paquet ferroviaire » récemment adopté, et qui est — vous avez raison de le souligner — très tardivement inspirée du modèle allemand, car nous avons décidé de conserver l'intégrité industrielle de la SNCF plutôt que de tuer la SNCF en la cassant en deux complètement.

Tel a été notre choix, et je vous le dis en toute amitié : je pense aujourd'hui que la proposition de M. Dominique Bussereau constitue une forme d'expiation tardive... Il entend casser la réforme par principe, puisqu'il est de rigueur, dans notre pays, de casser ce que les prédécesseurs ont fait plutôt que de le compléter, de le consolider ou de l'améliorer. Il ne s'agit que de laisser sa marque politique ; si la droite revient aux affaires, elle cassera, le cas échéant, le travail que nous accomplissons aujourd'hui.

Mon état d'esprit, quant à moi, est plutôt transgressif par rapport à la majorité à laquelle j'appartiens ; j'affirme que les choses sont incomplètes, et qu'il convient de les faire progresser. Je préfère réformer la réforme plutôt que de la tuer.

Nous allons assister à une très grande bagarre industrielle internationale dans le domaine des chemins de fer. Et, au moment où les Chinois se sont consolidés et commencent à arriver en Europe, je ne suis pas sûr que, pour des raisons purement idéologiques, il faille affaiblir notre système industriel, et en particulier la SNCF. Ce groupe a certes des défauts, mais il faut lui donner encore plus de qualités afin qu'il puisse faire face à ce défi et mette à profit l'ensemble de ses compétences, pour l'intérêt supérieur du pays ; il y va de notre responsabilité.

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