Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 11 octobre 2016 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

L'association du Parlement aux opérations militaires extérieures m'est chère. L'article 35 de la Constitution prévoit des règles en matière d'information, de débat et de vote, qui se sont appliquées pour les opérations Serval, Barkhane et Chammal. Cette dernière opération, cependant, change de portage : à l'origine, elle était de nature exclusivement aérienne et comportait un volet relatif à la formation, mais nous déployons désormais des canons qui participeront à la bataille de Mossoul. Autrement dit, la question de l'engagement de l'armée française au sol est posée en Irak. Elle est suffisamment importante pour mériter un débat devant le Parlement, étant entendu que cette décision s'accompagne de risques majeurs. Je crois comprendre des échanges que j'ai eus par écrit avec vous et avec le président de l'Assemblée qu'il n'y a selon vous aucune transformation de la mission ni du mandat. Le confirmez-vous ?

D'autre part, la loi de programmation militaire prévoit un rendez-vous avec le Parlement sur l'ensemble des opérations militaires extérieures ; il n'a pas eu lieu depuis l'actualisation de ladite loi. En outre, je vous rappelle l'article 50-1 de la Constitution : « le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire (…), faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s'il le décide, faire l'objet d'un vote sans engagée sa responsabilité ». Je vous annonce, monsieur le ministre, que le groupe Les Républicains a l'intention de vous demander un débat sur les opérations extérieures, en particulier l'opération Chammal, dans les prochaines semaines. Il est important que ce débat ait lieu avant le début de la bataille de Mossoul.

J'en viens au durcissement des relations avec la Russie. Des avions russes ont été autorisés à survoler le territoire français en application du traité « Ciel ouvert », ce qui s'est traduit par la fermeture de l'aéroport de Roissy ; d'autres avions russes ont survolé les côtes françaises. Que fait le Gouvernement dans un tel cas ? Nos avions survolent-ils Kaliningrad ou Saint-Pétersbourg, comme nous l'aurions fait au temps du général de Gaulle ?

Ensuite, vous avez engagé la France dans l'opération Barkhane, qui se déploie sur une vaste surface. En toute honnêteté, vous avez reconnu les problèmes qui existent avec les Touaregs – nul ne s'étonnera d'ailleurs que les accords d'Alger ne soient pas appliqués – mais aussi avec Boko Haram, qui continue de se développer autour du lac Tchad au point qu'il existe un risque de jonction avec le Sud libyen. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le moment est venu de vous interroger sur l'efficacité du dispositif ? Est-il destiné à être maintenu pendant des années, au-delà du prochain changement de gouvernement ? Serait-ce raisonnable, alors même que notre empreinte économique dans les pays concernés, qui sont parmi les plus pauvres du monde, est quasiment inexistante ? Nous consacrons environ cinquante fois plus d'argent à nos opérations militaires dans la région qu'à l'aide publique au développement, qui ne dépasse pas quelques dizaines de millions d'euros par pays. Je crains fort que cet onéreux engagement militaire ne change rien aux problématiques locales, qui sont source d'instabilité, et je m'interroge sur l'opportunité de pérenniser ce dispositif.

Enfin, pourquoi la Pologne a-t-elle changé d'avis ? Vous vous êtes beaucoup investi, à titre personnel, pour approfondir notre relation avec ce pays et faire avancer l'Europe de la défense. Pourquoi cette décision brutale ? Que s'est-il passé qui puisse expliquer un tel revirement ?

Pour conclure, nous sommes conscients de vos bons résultats en matière d'exportations et nous vous félicitons pour votre méthode.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion