Intervention de Jean-Marc Todeschini

Réunion du 5 octobre 2016 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'état auprès du ministre de la Défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire :

Mesdames et Messieurs les députés, la présentation des moyens alloués à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est toujours un moment attendu. Et c'est légitime puisqu'il s'agit de mener une action juste de reconnaissance, de réparation et de solidarité à l'égard des anciens combattants et victimes de guerre, tout en veillant à transmettre leur histoire aux plus jeunes générations. Ces moyens sont bien sûr dictés en partie par des contraintes budgétaires que vous connaissez tous.

Mais ce budget est avant tout le résultat du dialogue étroit et de la relation de confiance qui ont été noués avec le monde combattant et les associations. Je connais les attentes, non seulement au niveau national à travers les contacts réguliers que j'entretiens avec l'instance de représentation des associations, le G12, mais aussi au niveau territorial – et je sais que vous êtes souvent sollicités par les représentants et présidents associatifs locaux.

Ce projet de budget que je suis venu vous présenter est ambitieux, au plus près des préoccupations du monde combattant en même temps que soucieux d'inscrire nos missions dans l'avenir.

Les moyens alloués en 2017 à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont exceptionnels à plus d'un titre : d'abord parce qu'ils prévoient une augmentation du montant moyen des dispositifs de la dette viagère par bénéficiaire ; ensuite parce qu'il ne délaisse aucune population, l'action étant prioritairement concentrée sur les anciens combattants, comme je m'y étais engagé, tout en répondant au souci de conduire un effort particulier en direction des personnes les plus démunies et isolées.

Le projet de loi pour 2017 prévoit un budget total à hauteur de 2 445 millions d'euros. Certains ont évoqué, y compris dans la presse, un budget en diminution. Mais c'est une diminution nettement inférieure aux années précédentes – 2,6 % contre 4,9 % l'an passé – qui témoigne des efforts faits pour préserver intégralement les droits des anciens combattants et victimes de guerre en maintenant l'ensemble des dispositifs budgétaires et fiscaux, voire de renforcer ces droits.

Il consolide les engagements pris en loi de finances initiale pour 2016 avec, par exemple, le financement en année pleine de l'extension du bénéfice de la campagne double à tous les anciens combattants d'Afrique du Nord, y compris les ressortissants des régimes spéciaux. Mais, et je voudrais insister sur ce point, le PLF 2017 intègre aussi quatre mesures de revalorisation et d'équité sociale.

Il veille d'abord à concentrer l'action du ministère sur les anciens combattants eux-mêmes.

En premier lieu, comme vous venez de le mentionner, Monsieur le président, le PLF prévoit la revalorisation de la retraite du combattant de quatre points – deux points au 1er janvier 2017 et deux points au 1er septembre. Par ailleurs, le Gouvernement ayant arbitré en faveur de mesures de revalorisation des indices et grilles de la fonction publique, la valeur du point PMI augmentera de 3 % en 2017. C'est donc une revalorisation de la retraite du combattant de 11 % en seulement un an que je porte dans ce budget. Aujourd'hui équivalente à 674 euros, elle atteindra plus de 700 euros dès le 1er janvier, et plus de 750 euros au 31 décembre 2017.

Cette mesure est une très bonne nouvelle car elle répond à une revendication de longue date des associations. En outre, elle touche l'ensemble des générations combattantes, des anciens ayant participé à la Seconde Guerre mondiale aux soldats engagés dans des opérations extérieures, en passant par les anciens d'Indochine et d'Afrique du Nord, dont les harkis. Cela témoigne, comme je m'y étais engagé en prenant mes fonctions, de ma volonté d'approcher chacune des générations combattantes avec le même souci de reconnaissance et de réparation.

En second lieu, les harkis, conjoints et ex-conjoints survivants vont bénéficier d'une revalorisation de l'allocation de reconnaissance à hauteur de 100 euros par an, dans le prolongement du plan harkis lancé en 2014, qui prévoyait déjà une revalorisation de 167 euros. Cette allocation connaîtra donc une augmentation d'au moins 8 % en seulement deux ans.

Cette mesure s'inscrit dans le cadre plus large de la politique de reconnaissance et de réparation conduite à l'égard de cette population.

Le plan harkis présenté en 2014 en constitue bien sûr une étape fondamentale, mais je pense aussi à l'hommage rendu par le président de la République, le 25 septembre dernier, journée nationale, dans la cour des Invalides. À cette occasion, le président a employé des mots forts de reconnaissance tant des souffrances endurées que de la responsabilité de la France, comme il s'y était engagé. C'était une réaffirmation, au plus haut niveau de l'État, d'une reconnaissance traduite en actes et en mots depuis plusieurs années.

Pour les harkis, cette revalorisation vient bien sûr s'ajouter à celle de la retraite du combattant, puisque les harkis sont des anciens combattants qui ont la carte du combattant.

Mais si l'action budgétaire se concentre sur les anciens combattants, elle prend aussi en compte les populations les plus en difficulté, pour lesquelles un effort supplémentaire est conduit.

J'ai tenu, dans la continuité des budgets précédents, à ce qu'un nouvel effort financier conséquent soit fait en faveur des plus démunis. Aussi, la politique sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) se trouve renforcée : un million d'euros supplémentaire y est dédié, soit, au total, 31 % d'augmentation depuis 2012.

Mon budget démontre que les moyens alloués à une mission sont, bien sûr, le résultat de contraintes budgétaires mais aussi de choix politiques. Cet effort financier accompagne la refonte de la politique d'action sociale de l'ONAC-VG, adoptée par le conseil d'administration de l'Office en 2015, et vise à améliorer la situation des plus démunis, des plus fragiles et des plus isolés.

Comme je m'y étais engagé l'année dernière, un rapport a été rédigé sur cette refonte. Je l'ai communiqué aux membres de la commission vendredi dernier. Il témoigne des résultats positifs obtenus lors du premier semestre. Désormais, l'action sociale est en mesure de mieux aider – 25 % des veuves ayant par exemple perçu davantage en six mois - et de mieux accompagner.

C'est la vocation première de l'Office que d'être à l'écoute de l'ensemble de ses ressortissants, de les accueillir, de les informer, de les soutenir financièrement et moralement au quotidien. L'action sociale concerne l'ensemble de ses ressortissants les plus en difficulté : les anciens combattants, les conjoints survivants et les victimes d'actes du terrorisme.

Après les attentats perpétrés contre notre pays, contre notre République, l'État se devait de mobiliser les ressources nouvelles et les dispositifs déjà en place pour mener une politique de réparation et de reconnaissance à l'égard de celles et ceux qui, depuis 1990, sont considérés comme des victimes de guerre. L'ONAC-VG a répondu avec réactivité et professionnalisme aux nombreuses sollicitations. Ainsi, en 2016, suite aux attentats de 2015, 74 personnes ont déjà été adoptées par la Nation en qualité de pupilles. Être pupille de la Nation, c'est bénéficier d'un soutien matériel et moral et d'une protection supplémentaires à vie.

Si les récents attentats exigent de nous une réaction immédiate, c'est aussi avec une vision de long terme que nous devons prendre en charge ces nouvelles victimes et pupilles. C'est pourquoi l'Office accompagne aujourd'hui plus de 2 000 victimes directes d'actes de terrorisme ou de familles de victimes décédées, blessées ou choquées.

Enfin, la création de la médaille d'hommage aux victimes du terrorisme est une manière de saluer le courage avec lequel ces femmes et ces hommes doivent se reconstruire, avec le souci de respecter toutes les victimes. Sans les distinguer. Sans les opposer.

S'agissant du monde combattant, je voudrais dire aussi un mot de la nouvelle génération.

Ce projet de budget vient confirmer l'attention toute particulière portée aux soldats de retour d'opérations extérieures. Il tient compte de l'élargissement des critères d'obtention de la carte du combattant – 120 jours de présence sur un théâtre d'opérations extérieures. Aussi, depuis le 1er octobre 2015, il y a un an, 24 300 cartes ont été distribuées, témoignant une nouvelle fois de la volonté d'englober toutes les générations dans la politique de reconnaissance et de réparation.

Au titre de la réparation, ce budget tient compte de la particularité des conditions de l'engagement militaire aujourd'hui, puisqu'il prévoit la suppression de la condition d'âge de quarante ans pour l'octroi du supplément « enfant à charge » au conjoint ou partenaire survivant d'un militaire blessé. Cette mesure d'équité doit rassurer le militaire aujourd'hui, et faciliter le quotidien du conjoint ou partenaire demain, en cas de décès.

La reconnaissance trouvera quant à elle une nouvelle traduction dans le lancement, en 2017, du chantier de construction du mémorial en hommage aux soldats morts en OPEX – parc André-Citroën, dans le quinzième arrondissement de Paris.

Le concours devrait être lancé cette semaine. Le jury, composé notamment de Pierre Nora, l'inventeur des lieux de mémoire, du sculpteur Giuseppe Penone et de Philippe Prost, l'architecte de l'anneau de la mémoire de Notre-Dame-de-Lorette, annoncera le choix du candidat retenu dans le courant du mois de février prochain. Une cérémonie de lancement des travaux autour, je l'espère, du président de la République et de la maire de Paris, sera organisée fin février – début mars.

L'ensemble de ces politiques de reconnaissance et de réparation ne serait pas possible sans les structures d'accueil, d'écoute, d'aide et d'accompagnement que sont l'ONAC-VG et l'Institution nationale des Invalides (INI), tous deux préservés par ce budget.

L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre fête en 2016 son centième anniversaire, l'occasion de rappeler le coeur de ses missions depuis cent ans, mais aussi sa capacité à s'adapter à l'évolution du monde combattant – avec, notamment, l'entrée des harkis et rapatriés, mais aussi des soldats de retour d'OPEX ou encore des victimes d'attentats terroristes.

Les services départementaux sont, quant à eux, un relais indispensable dans nos territoires des politiques de réparation, de reconnaissance, de solidarité et de mémoire, relais garanti et renforcé par la signature du COP (contrat d'objectifs et de performances) en 2015.

S'agissant du transfert des établissements médico-sociaux, les services de l'ONAC travaillent en lien avec les ARS (agences régionales de santé) et les comités départementaux afin de respecter le délai fixé par la loi de finances 2014, soit le 31 décembre prochain.

À ce stade de mon intervention, je voudrais évoquer le dossier de l'Institution nationale des Invalides. Ce sujet, qui préoccupe beaucoup les anciens combattants, je le sais, est pour moi un dossier prioritaire. Je l'ai d'ailleurs affirmé dès mon entrée en fonction.

À ce titre, j'ai soutenu le projet de pérennisation de l'Institution, afin qu'elle s'inscrive en complémentarité avec les autres structures du parcours de soins et continue d'offrir des prestations de grande qualité aux anciens combattants, pensionnaires et blessés en opérations. Aujourd'hui, outre les 12,1 millions d'euros accordés à l'INI, une dotation exceptionnelle de cinq millions d'euros permettra le lancement des travaux. C'est la traduction concrète de ma volonté d'accompagner les changements auxquels doit se préparer cette institution, sans toucher à l'essence même de ses missions.

Enfin, j'ai décidé de consolider pour cette année 2017 la politique de mémoire ambitieuse initiée ces dernières années par la rencontre exceptionnelle de deux cycles commémoratifs, afin de faire face aux défis de l'année mémorielle 2017 et de préparer l'année 2018.

Derrière cette volonté de conduire une politique ambitieuse, il y a l'enjeu de transmission de la mémoire aux jeunes générations et celui de la valorisation des lieux et de l'attractivité de nos territoires. Je sais que c'est un sujet qui vous préoccupe beaucoup, tant la mémoire de notre pays se décline localement. Je le mesure dans chacun de mes déplacements. Aussi, les crédits alloués sont-ils maintenus à 22,2 millions d'euros.

L'année 2016 a été, est une grande année commémorative, notamment avec le centenaire des batailles de Verdun et de la Somme dont j'ai assuré la gouvernance à travers les comités ministériels.

Deux saisons mémorielles et culturelles ont rythmé le calendrier du centenaire avec deux points d'orgue : le 29 mai à la nécropole de Douaumont autour du président de la République et de la Chancelière fédérale d'Allemagne, et le 1er juillet au mémorial franco-britannique de Thiepval, en présence du président de la République, accompagné notamment du Premier ministre britannique et du prince héritier d'Angleterre.

L'année 2016 n'a pas pour autant oublié les autres mémoires, à commencer par celles de la Seconde Guerre mondiale. J'ai, par exemple, inauguré hier une exposition sur la Résistance allemande au musée Jean Moulin. J'ai aussi rendu hommage - et je tenais particulièrement à le faire - aux victimes civiles de la guerre, à Falaise le 8 mai, à Oradour le 10 juin, à Buchères et à Maillé les 24 et 25 août. À ce propos, je voudrais rendre hommage à l'un des deux survivants du massacre d'Oradour qui nous a quittés hier, et qui était un militant de la mémoire.

Les victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie ont aussi été honorées, notamment, par le président de la République le 19 mars dernier au quai Branly, et le 25 septembre aux Invalides.

Le temps est venu d'apaiser les mémoires, toutes les mémoires. Celles de la guerre d'Indochine, dont nous commémorerons en décembre le 70e anniversaire du début du conflit, seront également honorées comme il se doit.

Enfin, les soldats morts en OPEX auront leur monument – monument longtemps annoncé, toujours en attente, à tel point que sa seule évocation faisait naître dans le monde de la défense et chez les familles un scepticisme qu'il fallait stopper. C'est désormais chose faite. Le monument OPEX sera, est déjà, une réalité avec le lancement du concours.

L'année 2017 sera placée sous le signe du centenaire du Chemin des Dames et de l'entrée en guerre des États-Unis. Elle sera aussi une année importante au regard de la valorisation du patrimoine de pierre. Je pense, par exemple, au mémorial du Mont Faron dont le président de la République a annoncé le 15 août 2014 la rénovation. Le futur mémorial sera inauguré, je l'espère, par le président au cours du mois de mars, dès sa réalisation.

Aussi, le budget dédié aux sépultures de guerre et aux lieux de mémoire s'élèvera à 14,9 millions d'euros en 2017, dont 1,91 million d'euros seront consacrés au tourisme de mémoire, soit une augmentation de 16 % par rapport à 2016.

Le budget n'oublie pas la jeunesse.

Les moyens alloués aux politiques de mémoire sont aussi l'occasion de soutenir les projets pédagogiques pour que nos enfants s'intéressent à leur histoire. Pour l'année scolaire 2015-2016, plus de 500 projets éducatifs ont ainsi été subventionnés par le ministère de la Défense.

Le lien armées-Nation se renforce aussi autour de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) qui accueillera près de 800 000 jeunes en 2017.

Telles sont les grandes lignes de ce budget, Mesdames et Messieurs les parlementaires. Elles traduisent financièrement l'ensemble des priorités que je me suis fixées et pour lesquelles j'ai obtenu les moyens nécessaires, grâce à l'appui du secrétaire d'État au budget et avec le soutien du Premier ministre : concentrer l'action de réparation et de solidarité sur les anciens combattants ; répondre aux situations sociales les plus difficiles ; prendre en compte l'évolution du monde combattant avec les jeunes soldats et les victimes du terrorisme ; maintenir une politique de mémoire volontariste et ambitieuse, avec le double objectif de la transmission aux jeunes et de l'attractivité de nos territoires.

Ces priorités traduisent aussi des engagements pris devant vous, représentants de la Nation, et devant le monde combattant.

Elles traduisent enfin des choix politiques, ceux du président de la République, qui sont ceux de la justice sociale, de l'hommage unanime à toutes celles et tous ceux qui constituent le monde combattant, et du respect de la diversité de nos mémoires.

Je vous remercie de votre attention et suis disposé à répondre à vos questions.

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