À la mi-septembre 2015, le scandale Volkswagen éclatait aux États-Unis. La révélation de l'installation, dans les véhicules diesel commercialisés par différentes marques du groupe, d'un logiciel de reconnaissance des situations de tests sur banc d'essai, a constitué un véritable séisme. Cette fraude sans équivalent par son ampleur et sa dimension internationale a ébranlé l'industrie automobile mondiale, même s'il n'a pu être question de suspecter a priori tous les constructeurs d'une même fraude.
Ce scandale a également ébranlé la confiance des consommateurs envers l'industrie automobile dans son ensemble. Mme la présidente Frédérique Massat et M. le président Jean-Paul Chanteguet ont rappelé que c'était à la suite de cette affaire qu'avait été créée, par la Conférence des présidents, cette mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale. Ainsi son cadre de réflexion dépasse-t-il le seul objet de la diésélisation du parc automobile français.
Un grand nombre d'acteurs de la filière, mais aussi des organisations non gouvernementales (ONG) et les organisations syndicales ont été entendus au long de quarante-deux auditions et vingt-quatre déplacements, notamment sur des sites industriels ou des sites de recherche et développement (R&D). La rapporteure, Mme Delphine Batho, a également multiplié les rencontres avec des représentants de constructeurs ou d'équipementiers.
Il faut rappeler le poids très important de la filière automobile dans notre industrie et dans notre économie : elle emploie 9 % de la population active, avec presque 3 millions d'emplois. Il convient également de souligner l'état d'esprit qui a présidé aux travaux de la mission d'information, permettant à tous les interlocuteurs de s'exprimer très librement et de nourrir le rapport qui vous a été remis.
Aujourd'hui, aucun expert, aucun dirigeant d'un groupe automobile ne peut prédire quels seront les caractéristiques et le rythme d'évolution du parc automobile du futur. Par ailleurs, s'il n'est pas prouvé que d'autres constructeurs ont, comme Volkswagen, organisé un système érigeant la tricherie en principe d'action, un doute s'est installé.
C'est la raison pour laquelle je voudrais revenir sur la commission technique dite « commission Royal » qui a testé 86 véhicules – sur les 100 prévus – de 24 marques différentes. De façon inquiétante, les travaux de cette commission n'ont pu aboutir et ont achevé de semer le doute dans l'esprit des consommateurs. Une des conclusions de son rapport, publié le 29 juillet dernier, précise : « La commission ne peut donc pas se prononcer définitivement sur la présence ou absence de logiciels “tricheurs” dans les véhicules testés ». On peut donc que s'interroger sur l'opportunité de la création de cette commission, comme sur sa méthode de travail. Il eût bien mieux valu attendre les conclusions de notre rapport, qui se fondent sur un véritable travail de fond, tout à fait exhaustif.
Il est acquis qu'aucun type de motorisation « propre » ou « zéro émission » n'est à même d'être généralisé à court ou moyen terme. Il n'est pourtant plus possible d'ignorer les données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou d'autres institutions à vocation scientifique, qui mettent en évidence la croissance des maladies chroniques et la surmortalité dues à la pollution atmosphérique. La mission d'information a constaté que les constructeurs ont à présent pleinement conscience du défi qui leur est posé.
Parallèlement, il faut aussi rappeler qu'un grand nombre de Français n'ont pas la possibilité de choisir leurs modes de mobilité. Toutes les études révèlent que, pour leurs trajets quotidiens, notamment ceux du domicile au travail, une majorité d'habitants des zones suburbaines ou rurales est dans l'obligation d'utiliser un véhicule particulier. Prétendre éradiquer la circulation des véhicules considérés comme les plus polluants au travers d'une surtaxation ou, pis encore, d'une forme de pénalisation de leur usage, ignorerait la dimension sociale qui caractérise les impératifs de la mobilité. Le renouvellement complet du parc circulant ne se réalisera d'ailleurs que de façon très progressive, dans la mesure où l'âge moyen d'un acheteur de véhicule neuf – qui ne cesse d'augmenter – dépasse aujourd'hui cinquante-trois ans, le nombre de transactions annuelles étant trois fois plus important sur le marché de l'occasion que sur celui du neuf.
Par ses propositions, la mission d'information entend soutenir des pistes prenant en compte l'évolution des modèles d'usage de l'automobile. Ainsi le covoiturage, l'autopartage et la location ponctuelle sont-ils pris en compte dans le rapport, tout autant que le véhicule autonome.
Une refondation complète de la réglementation sur les tests d'homologation et les normes d'émissions des véhicules est impérative. Ce travail est d'ores et déjà engagé au sein de l'Union européenne. Une réorientation industrielle est inéluctable. Pour le grand public, les normes d'émissions et les tests d'homologation ne sont plus crédibles, pas plus que les données des constructeurs relatives à la consommation de chaque modèle.
La filière automobile se trouve confrontée à des défis majeurs d'évolution technologique, ainsi qu'à l'obligation de concevoir des véhicules en accord avec les nouveaux usages. Les échéances sont importantes. Nous devons travailler à un calendrier acceptable par la filière industrielle. Il convient de dépasser un cap, dont l'ampleur a permis de parcourir l'histoire d'une industrie toujours en mouvement. Les propositions de la mission visent ainsi à soutenir, dans le cadre d'une telle transition, tous ceux qui voudront ou pourront concourir à cette activité.