Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 25 octobre 2016 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti :

Vous avez créé l’outil sans projet, pour pouvoir dire que vous avez fait cette réforme. Certes, elle est faite, mais elle n’est pas opérationnelle – et elle n’est pas près de l’être. Vous n’avez pas non plus défendu la médecine de ville.

Pour les territoires, le pacte territoire-santé n’a pas l’efficacité que vous prétendez : si les maisons de santé se multiplient grâce à des initiatives de terrain, elles ne sont pas situées dans les zones désertifiées. En outre, si ce mode de fonctionnement plus moderne de la médecine est bénéfique aux malades et aux acteurs de santé, le dispositif n’est pas nouveau et il ne saurait constituer l’unique réponse à la faible densité médicale de certains territoires français.

Pour amplifier l’incitation à l’installation en zone dense, vous avez fait des propositions, dont certaines vont dans le bon sens – je pense, par exemple, à l’idée de faciliter la participation des médecins n’ayant pas encore soutenu leur thèse à l’organisation des soins. Il faut aller plus loin. Les médecins sortant de la faculté ne s’installent pas dans certaines zones, diffèrent le moment de l’installation ou l’évitent. Il est désormais nécessaire de faire bénéficier des médecins qui s’installent dans les zones non denses d’une tarification plus attractive et de permettre aux médecins en formation d’effectuer systématiquement un stage obligatoire en médecine libérale.

Un amendement a pour objectif d’entraver la liberté d’installation des médecins par un déconventionnement sélectif. Même si l’on peut comprendre l’impatience légitime de certains élus qui voient l’offre de santé disparaître dans leur territoire, je ne peux qu’être opposé à cet amendement dont on devine les effets pervers. En effet, soit les médecins renonceront à s’installer, soit ils auront une autre spécialité, soit ils se déconventionneront, ce qui sera encore pire, parce qu’à toutes les difficultés du territoire s’ajoutera alors celle de trouver un médecin conventionné. Vous vous êtes opposée à cet amendement, madame la ministre, et nous serons à vos côtés dans ce combat.

Si nous voulons avancer sans coup de rabot conjoncturel, si nous voulons mener une politique de santé cohérente et prédictive, il faut procéder à des réformes structurelles auxquelles vous avez toujours renoncé. Ces réformes concernent tout d’abord l’organisation des soins et la modernisation d’une politique de santé qui doit s’adapter à son temps. Trois mots-clés : décloisonner, moderniser, simplifier.

Décloisonner, c’est mettre fin à des conflits inutiles, que vous avez souvent laissés s’entretenir, entre les médecins et les malades ou l’hôpital public et la médecine libérale. Moderniser, c’est innover dans les comportements et la pratique des métiers, sortir du quantitatif pour tenter une évaluation qualitative, notamment de la pertinence des actes. Simplifier, c’est éviter les strates supplémentaires qui engendrent des dépenses inutiles. Je pense aux agences régionales de santé des grandes régions : comment, à la suite de la réforme territoriale, les ARS pourront-elles gérer des territoires grands comme des petits pays ? Simplifier, c’est aussi réduire les agences, comment le propose Bernard Accoyer, à moins de dix, et éviter que les médecins traitants ne passe le tiers de leur temps à des tâches purement administratives.

Il est donc nécessaire, dans ce cadre, de sortir de l’hospitalo-centrisme, qui dénature la mission de l’hôpital. Aujourd’hui, l’hôpital est le premier et le dernier recours. Il fait tout, partout et toujours : belle mission mais mission impossible. Il doit recouvrer sa mission d’excellence. Comment se fait-il donc que 25 % des postes des praticiens hospitaliers ne soient pas pourvus ? La médecine hospitalière n’est plus attractive : elle est trop peu rémunérée en début de carrière et sa pénibilité est trop grande. Il est donc nécessaire de laisser le choix de la contractualisation possible, limitée dans le temps, pour inciter les jeunes médecins à embrasser la carrière hospitalière.

La télémédecine devrait, quant à elle, être aujourd’hui sortie, comme dans de nombreux pays européens, de la phase d’expérimentation et être tarifée. L’e-médecine doit accélérer la démocratie sanitaire et le droit des malades.

Enfin, les professions de santé doivent évoluer. Nous sommes favorables, dans un climat de dialogue, aux délégations et aux transferts de compétence. Nous sommes par exemple favorables aux nouvelles responsabilités que le projet de loi envisage de confier aux pharmaciens en matière de vaccination. Toutefois, là encore, il faut aller plus loin. Les infirmiers, nous le savons, peuvent désormais assumer plus de responsabilités et être, sur le plan technique ou en matière de prévention, des relais efficaces de la politique de santé.

Dans ce PLFSS, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, certaines choses sont bonnes et d’autres sont nouvelles. Malheureusement, les choses bonnes ne sont pas nouvelles et les choses nouvelles ne sont pas bonnes. Nous pourrions, j’en suis sûr, avancer ensemble, améliorer l’efficience de notre système de santé, à condition de sortir du dogmatisme qui a présidé à toutes vos décisions.

Vous voudriez laisser penser, je le vois bien, qu’il y a les bons, ceux qui préservent les avantages sociaux et les malades – vous –, et la droite, qui viendrait éroder le système social et mettre en danger les malades.

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