Intervention de Bernadette Laclais

Séance en hémicycle du 25 octobre 2016 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernadette Laclais :

Qu’en sera-t-il alors l’an prochain ? Les recettes de l’ensemble des régimes de Sécurité sociale, hors FSV, s’élèveront à 487,1 milliards pour 487,4 milliards d’euros de dépenses, soit un déficit correspondant à 0,1 % des dépenses du régime général – un résultat inédit depuis 2002.

Dans le détail, l’amélioration concernera toutes les branches de la Sécurité sociale. Le déficit de l’assurance maladie poursuivra sa réduction en 2017, avec un objectif national de dépenses d’assurance maladie de 2,1 %, le quatrième taux le plus bas depuis la création de cet indicateur en 1997. Les dépenses de la branche maladie augmenteront donc l’an prochain à un rythme sensiblement inférieur à celui des recettes sociales.

Ne nous y trompons pas : si l’ONDAM a été relevé pour 2017, ce n’est en rien pour des raisons clientélistes, comme nous l’avons si souvent entendu ces derniers jours. Il s’agit de prendre en charge des dépenses nouvelles, qui complètent les dispositifs actuels, notamment l’entrée en vigueur de la nouvelle convention médicale incluant une revalorisation des honoraires des médecins généralistes ou la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique.

Enfin, afin de couper court aux attaques infondées selon lesquelles ces prévisions ne se réaliseraient pas, rappelons que, depuis 2012, les résultats de la commission des comptes de la Sécurité sociale ont été chaque fois en deçà des prévisions initiales.

Au-delà de ces chiffres, je tiens à revenir sur deux points illustrant les actions du Gouvernement et des députés de la majorité.

Le premier vise à rappeler qu’améliorer le sort des Français, notamment de ceux qui vivent les situations les plus complexes, est une affaire de patience. Le grand soir législatif n’existe pas mais, loi après loi, le changement est réel. La semaine dernière, nous avons voté l’acte II de la loi montagne. Au-delà du rare exemple d’union que nous avons su donner autour de la thématique des montagnes et des montagnards, ce texte a contribué à améliorer la situation de nombreuses professions.

Les saisonniers en font partie : ils sont en France plusieurs millions, à enchaîner des contrats dans l’agriculture, le tourisme, le BTP, les transports. Des avancées ont été obtenues pour eux dans la loi travail, d’autres dans la loi montagne. Notre PLFSS pour 2017 s’inscrit dans cet objectif de progrès, ce dont je vous remercie, madame la ministre.

L’enjeu, à l’article 39, est de faciliter la gestion des droits sociaux des saisonniers, qui dépendent tantôt du régime général, tantôt du RSI, tantôt de la mutualité sociale agricole – la MSA –, et qui doivent actuellement changer de régime à chaque contrat. Ce dispositif, d’une complexité sans nom, n’apporte rien, ni au saisonnier, qui doit à chaque contrat refaire son dossier d’affiliation, ni aux gestionnaires des régimes, qui refont eux aussi les dossiers. Pourtant, la nécessité d’une caisse pivot est soulignée depuis plus de vingt ans, comme l’atteste le rapport de M. Gaymard en 1994.

Nous savons que nous pourrions économiser plusieurs millions d’euros de frais de gestion en évitant ces nombreux changements de régimes. Limiter les mutations interrégimes permettra de réaliser un progrès considérable, d’autant plus efficace que nous fixerons de longs délais de maintien dans le régime initial. La proposition garantit aussi aux travailleurs saisonniers le maintien des prestations et des prises en charge, y compris lors de changements de régime : cette assurance, elle-même un progrès, sera appréciée par ces salariés, qui sont parfois les plus précaires de notre pays.

Je salue, madame la ministre, votre pragmatisme et votre écoute sur cette question, pour laquelle, je l’avoue, je me suis montrée très insistante.

Dans le même ordre d’idées, l’extension des possibilités de retraite progressive aux salariés ayant plusieurs employeurs est une mesure de justice sociale en faveur des salariés aux carrières moins linéaires que d’autres, une situation qui risque de se rencontrer de plus en plus souvent dans le futur.

Le second point sur lequel je souhaiterais insister est celui des déserts médicaux, qui deviennent une réalité pour bon nombre de territoires ruraux, de montagne, mais aussi urbains. La démographie médicale est une question capitale pour notre pays : alors que le nombre de médecins généralistes diminue pour des raisons de spécialisation et de vieillissement des professionnels de santé, la population vieillit et demande plus de soins. Aujourd’hui, la densité moyenne est de 334 praticiens pour 100 000 habitants, mais cette densité est une moyenne. La réalité de l’offre de soins sur les territoires montre une grande disparité entre les départements : 798 médecins pour 100 000 habitants à Paris, mais 180 seulement dans le département de l’Eure.

Il existe donc bien une fracture médicale, qui oppose les villes aux campagnes. En 2015, le Conseil national de l’ordre des médecins a recensé 192 zones sinistrées, qui concernent 2,5 millions de Français. Cette situation est encore plus frappante pour les habitants de territoires comme les zones de montagne, que je connais bien. Or l’État doit garantir une proximité des soins et une réponse aux urgences médicales sur l’ensemble du territoire national. C’est une question d’égalité entre les citoyens.

Depuis 2012, de nombreuses mesures ont été prises pour inciter les médecins à s’installer dans les secteurs en tension : citons notamment, dans le cadre du pacte territoire-santé, l’augmentation des contrats d’engagement de service public, le développement des contrats de praticien de médecine ambulatoire et la création de maisons de santé dans ces zones – 708 en 2015.

Ces mesures incitatives portent leurs fruits, mais la situation, nous le savons, reste tendue. Dans ce contexte, il semble qu’il faille se garder des fausses bonnes solutions et des mesures coercitives car nous risquerions alors de voir se développer rapidement une médecine à deux vitesses, où, sans pour autant régler le problème des déserts médicaux, nous conduirions certains patients à ne plus pouvoir se faire rembourser les actes médicaux qui leur sont prodigués.

Il faut plutôt renforcer les mesures incitatives à l’installation et trouver un équilibre entre le principe de libre installation et l’impératif d’égalité devant l’offre de soins sur l’ensemble de notre territoire. Je veux prendre pour exemple une mesure pour laquelle je me suis particulièrement engagée, et où votre écoute, madame la ministre, a été déterminante : la création d’une garantie de revenus, notamment dans les zones de montagne, afin de donner une nouvelle attractivité aux zones touristiques isolées à fortes variations de population, comme les stations de montagne.

Voilà un exemple à suivre, pour garantir le maintien de l’offre de soins sur une base contractuelle et non coercitive. Si nous ne devons pas nous exonérer d’une réflexion, fût-elle complexe, il faut en revanche refuser de céder à une simplicité de l’instant, dont les conséquences seraient désastreuses pour l’avenir et qui ne ferait, une fois de plus, que dresser les zones urbaines contre les zones rurales et de montagne. Essayons de surmonter nos handicaps plutôt que de prendre chez Paul pour couvrir Jean.

Je pourrais également citer le travail que vous avez accompli, madame la ministre, pour organiser et prendre en compte les temps de trajet des infirmières libérales dans les zones de montagne. De tels exemples peuvent servir de base de réflexion, afin de ne pas nous contenter d’une mesure apparemment intéressante mais qui ne fournira pas de solution pour installer des médecins dans les zones de montagne.

Le débat, j’en suis persuadée, nous permettra d’améliorer encore ce texte, comme ce fut le cas en commission, notamment avec les mesures relatives aux retraités aux revenus modestes. Je peux d’ores et déjà vous assurer, madame la ministre, du soutien du groupe socialiste, écologiste et républicain, ainsi que des députés apparentés, qui voteront ce texte.

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