Intervention de Joëlle Huillier

Séance en hémicycle du 25 octobre 2016 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoëlle Huillier :

…j’y reviendrai.

J’approuve aussi la prolongation de l’expérimentation du parcours de soins des personnes âgées et suis favorable à ce que ce soit aussi le cas, comme le recommande la Haute autorité de santé, pour le dispositif destiné aux personnes âgées en risque de perte d’autonomie – le PAERPA –, dont le déploiement a véritablement commencé cette année. Il conviendrait d’harmoniser les dates de fin des deux expérimentations, afin de bénéficier d’une évaluation globale et cohérente.

Dans le domaine médico-social, ce projet de loi vise surtout à compléter la réforme de la tarification des établissements, attendue depuis longtemps, introduite par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 et la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement – dite « loi ASV » –, et mise en oeuvre progressivement. Je rappelle que cette réforme vise à renforcer l’autonomie et la responsabilité des gestionnaires d’établissement, à travers la généralisation des CPOM – les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens – et à tenir davantage compte des besoins et du degré de dépendance des résidents, à travers des financements forfaitaires, pour en finir avec une certaine logique inflationniste des tarifs.

Le projet de loi propose plusieurs ajustements à ce nouveau cadre contractuel, dont certains ont suscité l’inquiétude des acteurs du secteur, notamment associatifs. Je ne reprendrai pas l’ensemble des points – nous le ferons lors de la discussion des articles – mais j’insisterai sur deux ou trois d’entre eux.

Le texte vise d’abord à modifier le régime de caducité des autorisations de création d’établissement – le délai est de trois ans aujourd’hui –, en prenant comme référence non plus la date de commencement des travaux mais celle de l’ouverture au public. Certes, l’objectif est d’éviter la mobilisation de crédits pour des travaux qui ne déboucheraient pas sur l’ouverture effective de places. Pour autant, il convient de laisser un délai assez large pour ne pas aboutir à l’effet inverse, qui serait de tuer les projets dans l’oeuf. Pourriez-vous préciser, madame la ministre, quel délai vous envisagez de fixer dans le futur décret ?

Le projet de loi prévoit aussi la possibilité d’ajuster, au fur et à mesure, le niveau des financements complémentaires au forfait soins des établissements accueillant des personnes âgées. Dans la mesure où le CPOM est conclu pour cinq ans et où le dialogue entre l’ARS et les structures n’est pas annuel, cette disposition engendre pour ces dernières de l’incertitude sur les montants dont elles bénéficieront.

Enfin, le texte prévoit la possibilité d’inscrire dans le CPOM l’autorisation des frais de siège. Je souhaiterais que l’on aille plus loin et que cette inscription soit systématique. En effet, son caractère aléatoire entraîne des disparités entre départements ; des représentants de gestionnaires d’établissements m’ont fait part de difficultés à ce sujet, remontant du terrain.

Au-delà de ces questions, ô combien techniques ! et néanmoins passionnantes, je souhaite aborder un point que j’ai déjà évoqué en commission, lors de l’audition des ministres, voilà quinze jours. Depuis juin, j’ai l’honneur de représenter notre assemblée au conseil d’administration de la CNSA. Or ses différentes composantes, comme l’ensemble des acteurs du secteur médico-social, s’interrogent et s’inquiètent sur l’utilisation des réserves de la caisse.

Ces réserves, qui atteignent aujourd’hui 744 millions d’euros, sont essentiellement constituées des ressources de la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, payée par les retraités pour financer le maintien à domicile et la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées. Ces dernières années, les réserves ont été mises plusieurs fois à contribution pour financer les dépenses des établissements et services ou pour aider les départements en difficulté. En 2017, 230 millions d’euros seraient à nouveau prélevés pour financer les dépenses de fonctionnement des établissements. C’est problématique car la vocation des réserves n’est pas de compenser ou de remplacer d’autres crédits, ceux de l’assurance maladie ou des conseils départementaux. Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi de finances, 50 millions d’euros supplémentaires seraient prélevés sur les réserves et fléchés vers le nouveau Fonds d’appui aux politiques d’insertion des départements. C’est un transfert contre-nature, d’autant moins acceptable que certains départements n’utilisent pas comme il le faudrait l’argent destiné à financer la revalorisation de l’APA, l’aide personnalisée d’autonomie.

Je m’inquiète en outre des conséquences des dispositions prévues à l’article 20, selon lesquelles la répartition de l’affectation des recettes de la CNSA entre ses sections budgétaires relèverait désormais d’un arrêté ministériel. Le risque d’un déshabillage en cours d’année des sections dévolues au financement de l’APA ou à la modernisation des services à domicile, sans l’avis du conseil de la caisse, est réel.

La présidente de la CNSA vous a proposé, en mai dernier, d’utiliser ces réserves pour soutenir les investissements dans les établissements, au-delà des 310 millions d’euros déjà prévus sur trois ans, afin de limiter les effets sur le reste à charge des résidents.

Ces réserves pourraient aussi permettre de soutenir les structures d’aide à domicile, dont certaines rencontrent de grandes difficultés. Depuis 2012, 105 millions d’euros ont été débloqués, sous la forme de quatre fonds de restructuration successifs. La proposition du Gouvernement de créer en 2017 un Fonds d’appui aux bonnes pratiques, doté de 50 millions d’euros, est une nouvelle avancée, mais les réserves de la CNSA doivent permettre d’aller plus loin encore, certains services étant pratiquement en dépôt de bilan.

Enfin, les réserves pourraient financer le soutien des proches aidants, notamment dans le cadre du développement des « villages répit familles », que nous avons voulu favoriser dans la loi ASV, mais dont les projets sont bloqués sur le terrain, faute de financement des ARS. Encore faudrait-il que les réserves n’aient pas été totalement épuisées auparavant.

J’en terminerai en me réjouissant de la mise en application rapide de la loi ASV, votée en fin d’année dernière. Selon le récapitulatif dressé par notre rapporteur Philip Cordery, beaucoup de décrets ont déjà été publiés, notamment sur des sujets aussi importants que la revalorisation de l’APA, la réforme de l’aide à domicile, le socle commun de prestations des EHPAD – les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes –, les conférences de financeurs ou les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie. La majeure partie des autres décrets ou arrêtés étant en cours d’examen au Conseil d’État, la loi devrait être entièrement appliquée d’ici la fin de l’année. Je veux remercier le Gouvernement d’avoir tenu son engagement en la matière.

Madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les réflexions dont je voulais vous faire part, sur un projet de loi de financement qui a le double mérite, comme les précédents, d’améliorer la situation des comptes sociaux et de maintenir un niveau de protection sociale très élevé pour les Français.

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