Intervention de Marc Pelissier

Réunion du 30 janvier 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Marc Pelissier, secrétaire général de l'Association des usagers des transports d'Île-de-France, AUT-IDF :

Sur le papier, les experts nous le disent, le réseau de transport d'Île-de-France est l'un des meilleurs du monde ; sur le terrain, pour les usagers, la situation est moins reluisante.

En effet, les lignes RER et Transilien qui constituent l'armature du réseau connaissent de graves difficultés depuis plusieurs années. L'ensemble du réseau est désormais saturé. C'est le cas pour presque toutes les lignes du métro, même si un projet vise à « dé-saturer » la ligne 13. Il faut en conséquence amplifier le programme d'investissement en matière d'équipement et de signalisation, tout en évitant de dégrader la régularité du service durant les travaux comme cela s'est produit ces dernières années. Le tramway est apprécié par les usagers, mais T1 et T2 sont déjà saturés et T3a n'est pas très loin de l'être, ce qui n'est pas sans conséquence sur la régularité du service.

La situation est plus diversifiée en ce qui concerne les lignes de bus, mais elles aussi connaissent parfois de gros problèmes de régularité, dus aux travaux de voirie et à un stationnement anarchique. Ces dernières années, les opérateurs ont accompli de réels progrès en matière de communication avec les voyageurs, qui disposent désormais de nouveaux écrans, d'applications pour téléphones mobiles, de comptes Twitter… Il reste qu'il faut maintenant travailler sur la pertinence de l'information transmise, notamment en cas de situation perturbée.

Les progrès sont également notables en termes d'accessibilité : les gares des lignes de RER A et B ont été équipées d'ascenseurs et les arrêts des autobus parisiens ont été aménagés. Il n'en est toutefois pas de même sur les lignes de bus de banlieue, les collectivités concernées étant souvent réticentes à effectuer ces aménagements malgré les subventions du STIF qui couvrent 75 % de leur coût.

La loi de 2005 prévoit que les gares soumises au schéma directeur de l'accessibilité doivent être aménagées d'ici à 2015, mais nous ne sommes pas naïfs : tout ne sera pas en place en 2015. Il faut malgré tout que RFF et la SNCF, dont ces gares dépendent, lancent une dynamique et arrêtent un calendrier clair. J'ajoute qu'une fois l'accessibilité assurée, il faut veiller à ce que les matériels restent disponibles : les ascenseurs sont trop souvent en panne pour de trop longues durées.

Des investissements ont été consentis pour le renouvellement des matériels roulants – le cas du RER A a été cité et l'on peut y ajouter celui les trains franciliens des réseaux nord-ouest, est et Saint-Lazare. On enregistre pourtant un manque criant en ce domaine, notamment sur les lignes SNCF d'Île-de-France. Au quotidien, cela se traduit par la suppression ou par le raccourcissement de trains. Faute de réserve de maintenance, le moindre incident entraîne de ces suppressions et, sans rames en stock, il est impossible d'améliorer les dessertes. Il faut arrêter un plan d'action ambitieux pour rattraper le retard et résorber la pénurie de matériels bien avant 2020, date évoquée par la SNCF.

Nous considérons que la méthode parfois utilisée par celle-ci, consistant à détendre la grille horaire en allongeant les temps de parcours à desserte constante, ne constitue pas une solution aux problèmes de régularité du service. Des ajustements peuvent être nécessaires, mais l'usage systématique de cette technique n'a d'autre avantage que d'améliorer artificiellement les statistiques.

En matière d'infrastructures, RFF et SNCF ont ouvert des chantiers qui progressent peu. Nous attendons la mise en place d'une commande centralisée des postes d'aiguillage, dont l'Allemagne bénéficie depuis des années. Il faut aussi résoudre un problème de puissance électrique disponible qui, sur certaines lignes, empêche les trains d'atteindre leur vitesse optimale – en hiver, il y a même des difficultés pour le préchauffage des rames dans les terminus. De plus, à l'exception du RER A, la signalisation n'est pas adaptée à la densité des trafics.

La gestion des situations perturbées ne permet pas d'éviter la diffusion des conséquences d'un accident : un accident à Pontoise se répercute jusqu'à Brétigny ! Certaines réglementations inadaptées méritent aussi d'être révisées, ce qui éviterait que se reproduise la paralysie de la gare du Nord qui, le 7 novembre dernier, a par un effet de boule-de-neige bloqué 50 000 personnes. Les procédures d'alerte radio peuvent évoluer et des pratiques plus souples être adoptées sans préjudice pour la sécurité des voyageurs.

La coordination est en passe d'être améliorée entre la RATP et la SNCF pour ce qui concerne le RER B ; nous jugerons sur pièces. Il faudra ensuite faire de même pour le RER A.

La maîtrise d'ouvrage des projets et des investissements de modernisation de RFF et de la SNCF rencontre des difficultés : les plannings ne semblent pas maîtrisés et les coûts dérivent – ainsi pour la Tangentielle nord, mais ce n'est pas un cas isolé. Nous attendons de la réforme de la gouvernance qu'elle permette une gestion plus efficace des projets ferroviaires.

S'il faut continuer de renforcer le réseau en voirie, grâce aux tramways et aux bus à haut niveau de service (HNS), il est peu acceptable qu'il faille en moyenne deux fois plus de temps pour aménager une ligne de tramway en banlieue qu'à Paris. Il s'agit bien d'un problème de gouvernance. Il n'est pas non plus admissible qu'un maire puisse à lui seul bloquer un projet d'intérêt régional.

Pour l'avenir, nous attendons les arbitrages. Il sera techniquement difficile de tout entreprendre simultanément. La rocade de proche couronne, avec son effet « désaturant », nous semble devoir être prioritaire. Il faut intégrer les schémas directeurs des RER A et B au plan de mobilisation et prévoir des financements dédiés, comme pour le Grand Paris Express. M. Jean-Paul Huchon l'a dit, ces deux projets doivent entrer dans un plan d'ensemble et nous devons disposer de perspectives claires en termes de financement. Le prolongement d'Éole à l'ouest est prévu dans le plan de mobilisation pour un montant de 3,5 milliards d'euros ; l'arbitrage financier de l'État est attendu cette année.

Il faut sans doute être volontariste, mais il faut aussi se garder de faire de promesses inconsidérées aux usagers, qui en ont déjà reçu beaucoup sans jamais voir rien venir.

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