Intervention de Dominique Seux

Réunion du 24 janvier 2013 à 9h00
Mission d'information sur les coûts de production en france

Dominique Seux, rédacteur en chef « France et international » des échos, éditorialiste économique à France Inter :

Je commencerai par rappeler qu'un journaliste n'est pas un expert ; c'est un généraliste. Restons humbles !

Sur l'euro, j'approuve les propos de Guillaume Duval : le cours de l'euro est un point essentiel. La Banque centrale européenne (BCE) a commencé par construire sa crédibilité internationale. Elle est allée jusqu'aux frontières de son mandat pour sauver les pays en difficulté, et on peut saluer le rôle qu'elle a joué dans la crise. Mais nous entrons aujourd'hui dans une guerre des changes, lancée par le Japon et les États-Unis, et nous verrons quelle sera son action.

On peut regretter que l'Eurogroupe ne soit pas une instance plus puissante, qui pourrait sinon s'imposer face à la BCE, tout au moins dialoguer avec elle. On a appris qu'en deux ans, l'ancien secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner n'avait quasiment jamais appelé Jean-Claude Juncker : il a eu des contacts nourris avec la BCE, avec les ministres des finances français et allemand, mais il n'a pas éprouvé le besoin de contacter l'Eurogroupe. C'est dire le faible rôle de celui-ci.

L'euro est effectivement surévalué. Toutefois, la majorité de notre commerce extérieur se fait avec la zone euro.

S'agissant de l'Allemagne, je suis un peu gêné : la tentation est forte en France de la désigner comme coupable. L'Allemagne a eu de la chance : elle présentait, au bon moment, les bonnes spécificités. Ainsi, elle fabriquait des voitures haut de gamme quand l'élite chinoise s'est enrichie et a voulu, pour symboliser son nouveau statut, s'acheter des voitures qui correspondaient à cette richesse nouvelle. Inversement, la France a misé sur les services dans les années 80 et 90, ce qui s'est révélé une erreur collective.

Je ne suis pas spécialiste des filières économiques, mais il n'est pas normal que les industries agro-alimentaires allemande et néerlandaise puissent payer des ouvriers à des tarifs polonais ou tchèques. Quant à la filière nucléaire française, elle s'est livrée à des guéguerres internes qui l'ont beaucoup desservie. En matière de télécommunications, je suis inquiet de voir qu'Alcatel ne bénéficie pas d'une protection européenne équivalente à celle dont se sont dotés les États-Unis face aux équipementiers chinois. En matière d'automobile enfin, il est indéniable que nos entreprises ont commis des erreurs stratégiques ; mais est-il aujourd'hui simplement possible de fabriquer ou même d'assembler, dans un pays développé, des véhicules de moyenne gamme ? Ce n'est pas certain.

La situation du paritarisme est effectivement inquiétante. Il faut, certes, saluer la signature de l'accord du 11 janvier ; mais il est très ennuyeux que FO et la CGT, qui traversent il est vrai des turbulences internes, soient restées à l'écart. Et, si cette négociation avait eu lieu dans deux ou trois ans, nous n'aurions peut-être pas eu d'accord du tout ! J'espère que les négociations au sein des entreprises ne refléteront pas ce qui se passe au niveau national – certaines organisations, très protestataires nationalement, sont souvent infiniment plus réalistes localement.

Le gaz de schiste est devenu très important pour les États-Unis. Notre filière énergétique demeure puissante, mais les discours tenus en France ne sont pas engageants : cela ne l'aide sans doute pas à exporter. Il faut souligner la responsabilité des politiques de droite ou de gauche sur ce point.

Bien sûr, les politiques de rigueur menées depuis deux ans ont été trop fortes, trop massives, mais – c'est toujours le débat entre macro et microéconomie – je considère pour ma part qu'une politique keynésienne, dont les effets sont positifs à court terme, coûte très cher à long terme. J'ai un regret : nous aurions en effet sans doute pu négocier avec les Allemands, au mois de juin dernier, un assouplissement des critères s'il n'y avait pas eu d'incertitudes sur la ratification du pacte budgétaire ! Cela dit, nous ne respecterons pas les 3 % – nous serons probablement à 3,5 % – et ce ne sera pas un drame, mais cela ne m'empêche pas de souligner encore une fois, comme Les Échos le font depuis dix ans, que le niveau de la dépense publique en France n'est pas tenable.

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