Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, nous tenons d'abord à vous remercier de permettre aux organisations syndicales représentatives du ministère de s'exprimer sur le budget 2017 de la défense. Il y a un an tout juste, nous étions ici même pour le même exercice. C'était avant les attentats sanglants qui ont endeuillé notre Nation, et qui ont conduit depuis le président de la République à ralentir, puis à stopper les déflations d'effectifs qui étaient censées s'étaler jusqu'au terme de l'actuelle loi de programmation militaire. L'orientation est clairement le renforcement des quelques fonctions prioritaires : forces spéciales, cyberdéfense et renseignement. Une inflexion liée à l'évolution des menaces et aux besoins de protection des Français.
Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit 381 milliards d'euros de dépenses, soit 7,4 milliards de plus que celui de 2016, malgré une prévision de croissance de 1,5 % non stabilisée. Le budget de la Défense nous a été présenté hier, dans ses grandes lignes, par le ministre de la Défense, et une revue de détail sera assurée la semaine prochaine par le directeur des ressources humaines du ministère.
Le budget de la Défense pour 2017 s'établit à 32,7 milliards d'euros. Il est sanctuarisé sans faire appel à des recettes exceptionnelles, aléatoires par définition selon l'UNSA Défense, et sans formaliser non plus le recours aux sociétés de projet, scénario rejeté également par l'UNSA Défense et sur lequel nous nous sommes exprimés à maintes reprises. Un scénario qui, à terme, aurait entraîné la perte de compétence et de souveraineté, ainsi qu'un surcoût à terminaison.
L'UNSA Défense prend acte de la création nette de 464 emplois, dont 64 pour le Service industriel de l'aéronautique (SIAé), du recrutement de 418 ouvriers dans les métiers du MCO, et d'une trajectoire de ressources humaines (RH) qui rompt avec des années de déflation.
Devant votre commission, l'UNSA Défense n'a eu de cesse de demander une pause dans le cycle infernal des restructurations, alors que la défense est le plus gros contributeur à l'effort de réduction des effectifs publics, tout comme la France est le plus gros contributeur – pour ne pas dire le seul – à la protection des populations et des intérêts européens. Il n'est pas concevable que la France, sous prétexte qu'elle serait plus soucieuse de son influence internationale que d'autres, finance seule l'essentiel de la protection antiterroriste de l'Europe. À ce titre, intégrer le budget de la Défense dans l'appréciation du respect des critères de déficit imposés par l'Europe est un non-sens.
Rappelons aussi que sur la mandature, le ministère de la Défense aura perdu 19 851 postes. Le budget qui nous est présenté constitue donc un budget de rupture sur le plan financier et des ressources humaines, mais le passif est là, notamment en ce qui concerne le soutien. Le ministre a confirmé le recrutement dans des domaines très sensibles, et l'UNSA Défense en prend acte, mais nous appelons votre attention sur le fait que ces priorités – ô combien légitimes – ne doivent pas cacher la situation très délicate du soutien où sont employés nombre de personnels civils que nous représentons.
Il y a quelques semaines ou mois, a été remis aux élus du comité technique ministériel (CTM) le rapport du contrôleur général des armées Philippe Hamel, analysant les moyens d'une mesure de rééquilibrage entre les personnels militaires et les personnels civils. Un rapport attendu par tous, tant la situation de la défense est devenue critique à bien des égards.
Un des premiers constats fait par le contrôleur général Hamel est que les deux décennies de restructurations de la défense qui ont précédé l'annonce du président de la République de suspendre les déflations, ont masqué une réalité démographique alarmante pour le ministère de la Défense. Plutôt que l'expression « défi démographique » employée dans ce rapport, nous préférons évoquer, si vous le permettez, l'« état d'urgence démographique » dans lequel se trouve la défense à l'aube des cinq à dix années qui se profilent. Ainsi, 77 % des ouvriers de l'État du ministère, soit un peu moins de 20 000 agents, personnels d'exécution des missions techniques et de soutien, auront quitté l'institution dans la décennie à venir. Pour certains sites particulièrement fragiles, cet horizon est à seulement cinq ans. Et 75 % des personnels fonctionnaires de catégorie B connaîtront le même sort. Inutile de lutter contre le vieillissement de la population : comme tout un chacun ici, nous prenons tous douze mois par an, c'est inéluctable. Les simples bonnes intentions ne suffiront pas, et il est à craindre que ce nouveau rapport vienne grossir la pile des précédents, tous oubliés et soigneusement rangés dans les placards des bonnes idées RH de l'institution Défense.
Aussi l'UNSA Défense a-t-elle déjà évoqué devant votre commission les nécessaires recrutements afin d'éviter des ruptures de compétences, certaines fonctions imposant parfois un apprentissage de plusieurs années. Ce 6 octobre 2016, nous tirons une nouvelle fois le signal d'alarme. Si la défense ne se met pas en capacité de recruter dans les métiers et les fonctions qui font l'efficience du soutien, qu'il soit commun ou opérationnel, le défi n'en sera plus un, les compétences seront perdues ; et garantir les conditions d'un soutien efficace, assurant la sécurité maximale aux femmes et aux hommes qui les utilisent, deviendra une gageure. L'efficacité opérationnelle ne peut exister sans un soutien performant et il revient aux personnels civils d'en assurer cette performance.
Aussi, davantage que la mesure de rééquilibrage indispensable entre militaires et civils sur des postes qui ne justifient en rien un caractère opérationnel, mesure certes indispensable et à propos de laquelle l'UNSA Défense a déjà évoqué devant vous les économies qu'elle serait susceptible de permettre, c'est bien de recrutements, de jeunes recrutements que ce ministère a besoin. Si nous avons pris acte de la prise de conscience des autorités quant à ce renouvellement, il faut maintenant passer aux actes, faute de quoi, le faire-faire sera inévitable, et les externalisations, entraînant pertes de compétences, deviendront la norme. Or vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, le coût de ces externalisations, vous qui avez soutenu, par exemple, le rapatriement sur le territoire national de l'entretien de l'avion Hercules C 130, moyen aéroporté des forces spéciales, entretien qui passera donc d'une entreprise industrielle portugaise privée au SIAé.
En conclusion, il convient de prendre en compte rapidement les préconisations du rapport Hamel, grâce à des mesures fortes.
La première est d'atteindre un meilleur équilibre entre personnels militaires et personnels civils, dont la complémentarité est avérée. Enjeu essentiel de la modernisation et gage d'une meilleure efficience du ministère de la Défense.
Il faut ensuite maintenir une capacité à renouveler les équipements, à assurer leur soutien et à engager des actions stratégiques à long terme.
Il convient de clarifier le rôle et la place de chacun, les fonctions à vocation militaire et celles à vocation civile.
La représentation nationale doit se pencher sur les modalités des concours de fonctionnaires, notamment sur les périmètres géographiques, en particulier pour les concours de catégories C et B.
Il est nécessaire également d'ouvrir la communication, comme savent si bien le faire les états-majors, sur les recrutements de personnels civils par tous les moyens modernes.
Il faudra ouvrir les postes au recrutement pour les apprentis formés par le ministère, afin de ne pas perdre ces compétences.
Il conviendra en outre de mettre un terme aux abus dans la politique des réserves opérationnelles.
Enfin, nous estimons indispensable d'élargir les recrutements ouvriers au-delà des 17 professions ouvrières identifiées par le ministère, sur les 62 que compte la nomenclature. Il importe d'identifier les professions les plus critiques et celles à la sociologie la plus défavorable, et d'élaborer sur cette base une stratégie de recrutement.
L'analyse issue du rapport Hamel rappelle le chiffre de 15 000 agents sans charge opérationnelle, et en fait un périmètre de travail, mais non un objectif de rééquilibrage. Pour l'UNSA, justement si : il faut définir un objectif de rééquilibrage, sans quoi les réticences seront toujours plus fortes et les arguments toujours plus recevables.
Sur le plan plus général des statuts et rémunérations des personnels, l'UNSA Défense a pris acte des mesures de revalorisation indiciaire et, plus généralement, des avancées – fussent-elles insuffisantes – du protocole PPCR, dont nous demandons la mise en application totale avant la fin 2016. Nous appelons toutefois votre attention sur l'absence de mesures dans le budget 2017 pour les ouvriers de l'État, dont le bordereau est gelé depuis six ans et qui ne sont concernés ni par les avancées du protocole PPCR, ni par la revalorisation du point d'indice – ce qui, hélas, est trop facilement compréhensible.