Mes chers collègues, avant de présenter le rapport proprement dit, je souhaite appeler votre attention sur le nouveau film de Ken Loach Moi, Daniel Blake, qui sort aujourd'hui sur nos écrans, et que je recommande à tous ceux qui s'intéressent à la question de l'accès aux droits sociaux. Certes, l'action se déroule en Angleterre, mais elle montre précisément ce dont nous ne voulons pas.
Nous ne devons pas oublier que, derrière les chiffres et les actions que nous menons, il y a des femmes et des hommes qui vivent ces situations d'exclusion. C'est donc à juste titre que l'article du journal Le Monde consacré à ce film a pour titre : « Les humbles contre l'humiliation ». Trop souvent, en effet, la pauvreté et la maladie sont pratiquement devenues des péchés dont il faut se justifier.
Pour commencer la présentation du rapport, je rappellerai quels ont été notre méthode et le périmètre auquel notre étude a été circonscrite.
Nous avons ainsi pris en compte les minima sociaux contribuant à soutenir le revenu – revenu de solidarité active (RSA), allocation aux adultes handicapés (AAH), allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), allocation de solidarité spécifique (ASS) –, et les prestations en faveur de l'accès aux soins – couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et aide pour une complémentaire santé (ACS).
Nos travaux se sont déroulés du 12 janvier au 6 juillet derniers ; ils ont inclus deux déplacements à Melun, lieu d'expérimentation pour le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), et à Nîmes. Ce travail de terrain a été étayé par l'enquête commandée au groupement Pluricité-Sémaphores, conduite dans deux départements parmi les plus pauvres, mais présentant des caractéristiques démographiques et économiques différentes, et qui sera annexée au rapport.
La crise économique de 2007-2008, la plus sévère que le monde occidental ait connue depuis la crise de 1929, a eu pour conséquence une progression tendancielle du taux de pauvreté, qui a marqué en 2013 un arrêt à 14 % grâce aux mesures prises par le Gouvernement. Ce sont 8,6 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, disposant de moins de 1 000 euros mensuels, et le pouvoir d'achat des 10 % des Français les plus pauvres a baissé de 3,5 % entre 2008 et 2013, contre 1,3 % pour les Français les plus riches.
À la fin de l'année 2013, 4 millions d'allocataires de minima sociaux, soit 7,1 millions de personnes, sont couverts. Les minima sociaux ne permettent pas de sortir de la pauvreté, mais ils contribuent à la réduire puisqu'ils font baisser de deux points le taux de pauvreté.
L'objet de nos travaux a été l'évaluation des progrès réalisés dans l'accès à ces droits.
Le Gouvernement a adopté en janvier 2013 un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, qui court sur toute la durée du quinquennat. Il a été préparé en amont dans le cadre de la conférence sociale par des groupes de travail, dont l'un, présidé par Bertrand Fragonard, s'est penché sur l'amélioration effective des droits. Son évaluation annuelle est confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Le plan entend rompre avec l'approche précédente trop culpabilisante et se fonde sur les principes de non-stigmatisation, de juste droit et de décloisonnement. Il comporte un volet consacré à l'accès aux droits, articulés autour de trois actions principales.
La première consiste à mieux connaître les phénomènes de non-recours, avec notamment l'expérimentation du SGMAP, qui a testé le dossier unifié sans résultat concluant, repéré les « trappes à non-recours » dans le parcours des bénéficiaires, et dressé des profils types de « non-recourants ».
La seconde prévoit de mieux détecter et mieux informer les bénéficiaires potentiels de droits sociaux grâce à l'extension aux caisses d'allocations familiales (CAF) des « rendez-vous des droits » pratiqués par la Mutualité sociale agricole (MSA), et à la mise en oeuvre des plans locaux d'accompagnement du non-recours, des incompréhensions et des ruptures (PLANIR), qui se traduisent dans les conventions d'objectifs et de gestion (COG) de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).
La troisième consiste à réformer les prestations pour en élargir, simplifier, voire automatiser l'accès en revalorisant de 10 % hors inflation le RSA sur la durée du quinquennat pour rattraper la hausse de 25 % de l'AAH et de l'ASPA décidée en 2009. Par ailleurs, le troisième relèvement simultané de 7 % des plafonds d'éligibilité à la CMU-C et à l'ACS, en septembre 2013, a permis à 600 000 personnes supplémentaires d'accéder à ces aides.
En outre, l'ACS a été améliorée grâce à une meilleure couverture des soins dentaires, optiques et audioprothétiques, une lisibilité renforcée des contrats, désormais classés en trois catégories selon le niveau de protection offert et moins onéreux.
Enfin, la prime pour l'emploi (PPE) et le RSA « activité » ont été fusionnés dans la prime d'activité au 1er janvier 2016.