Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 25 octobre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - affaires étrangères - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'asile :

Ce budget s'inscrit dans un contexte très particulier, marqué notamment par une crise migratoire inédite. J'en résumerai le cadre de manière assez simple : les moyens augmentent, mais les problèmes continuent à s'aggraver.

Le constat est sans appel, monsieur le ministre : les crédits de paiement inscrits au titre de la politique de l'asile augmentent de 14,8 %, mais ceux-ci ne permettront en rien – je dis bien : en rien – de répondre aux véritables défis que notre pays doit surmonter. Le nombre de demandes d'asile, qui a été de 80 000 en 2015, dépassera en effet probablement 90 000 cette année et 100 000 l'année prochaine. Nous considérons que vous refusez de prendre la mesure de cette réalité et de son aggravation.

Ainsi, le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile, arrêté le 21 décembre dernier, est déjà caduc : 60 000 places ont été programmées pour la fin de l'année 2017, alors que le besoin dépasse largement les 100 000 places. De même, votre ambition une nouvelle fois proclamée de réduire le délai de traitement des demandes par l'OFPRA à 90 jours a fait long feu. En 2016, il sera encore de 140 jours au minimum, selon les analyses les plus optimistes. En France, le parcours d'un demandeur d'asile, notamment d'un débouté, est encore trop souvent de cinq ans, avec très peu d'éloignements à l'issue de ce parcours.

Pourtant, réduire ce délai est indispensable, nous le savons, pour empêcher que de futurs déboutés du droit d'asile ne tentent de créer, à la faveur d'interminables procédures, les conditions d'un séjour pérenne en France, phénomène qui a été malheureusement renforcé par les termes de la loi que vous avez fait voter.

J'insiste également sur votre gestion du campement de Calais. Depuis plus de deux ans, vous avez laissé la situation se dégrader, créant un véritable appel d'air pour toute l'immigration irrégulière et transformant cet espace en zone de non-droit et de violence, avec un coût difficilement supportable pour la communauté nationale : autour de 200 millions d'euros pour les années 2015 et 2016, d'après le chiffrage que j'ai fait figurer dans mon rapport. Monsieur le ministre, quelles mesures allez-vous prendre pour sécuriser définitivement la zone de Calais et empêcher qu'un nouveau campement ne s'y constitue dans les prochains jours ou les prochaines semaines ?

Vous avez lancé hier le démantèlement de la jungle. Nous y voyons naturellement un motif de satisfaction, mais nous considérons que les conditions de la réussite de cette opération ne sont pas réunies, compte tenu notamment de l'absence de tout accord avec nos partenaires britanniques. Où en sont les discussions avec le Royaume-Uni sur la gestion des flux migratoires ?

En outre, pouvez-vous expliquer de manière plus détaillée le fonctionnement et le coût des CAO que vous êtes en train de créer sur l'ensemble du territoire national ? Ce coût est estimé à environ 20 millions d'euros pour deux mois. Quel sera-t-il, d'après vos prévisions, pour l'ensemble de l'année 2017 ?

J'en viens à une question importante, monsieur le ministre : compte tenu de certains propos qui se diffusent, je vous demande solennellement si vous avez engagé une opération de régularisation massive des personnes qui sont déplacées depuis Calais. (Murmures sur les bancs de la majorité.) Pour être clair, fait-on, en contrepartie de ce déplacement, une promesse de régularisation quasi systématique ? Je vous alerte sur le danger de tels messages, qui créeraient un véritable appel d'air : si tous ceux qui se trouvent à Calais ont l'assurance de voir leur situation régularisée, alors qu'elle est souvent illégale, ce sera une incitation à la reconstitution de la jungle. Au vu de leur nationalité, les personnes présentes à Calais ne peuvent pas toutes bénéficier du statut de réfugié, ainsi que vous l'avez vous-même relevé.

Pour finir, monsieur le ministre, je vous pose trois questions plus globales.

L'année dernière, en nous appuyant sur une évaluation de la Cour des comptes, nous avions chiffré le coût total de notre politique d'asile à 2 milliards d'euros. Compte tenu de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, ce coût risque d'atteindre 2,5 milliards d'euros en 2017. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Pourquoi ne sommes-nous pas capables d'appliquer le règlement de Dublin ? En 2015, le taux de transfert depuis la France vers un autre pays de l'Union européenne a été dérisoire dans ce cadre : 6,7 % à peine.

Qu'en est-il de l'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ? Les éloignements des déboutés du droit d'asile sont toujours, eux aussi, ridiculement faibles, pour ne pas dire proches du néant : 6,8 % en 2014 ; 7,6 % en 2015. Quelles mesures concrètes avez-vous décidées pour remédier à cette situation particulièrement préoccupante ?

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