Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 25 octobre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - affaires étrangères - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Chers collègues, j'interviens en lieu et place de l'orateur de notre groupe, Thierry Mariani, empêché.

Le contexte est toujours marqué par une crise migratoire sans précédent, et par le démantèlement de la jungle de Calais, que vous avez laissée se dégrader pendant cinq ans. D'ailleurs, vous ne la démantelez pas réellement : vous répartissez environ 11 000 migrants sur tout le territoire, sorte de régularisation de fait pour de nombreux étrangers en situation irrégulière : 5 % d'entre eux peut-être seront éligibles à l'asile. Vous n'avez d'ailleurs pas répondu à notre collègue Éric Ciotti lorsqu'il vous demandait s'il y aurait une régularisation de ces personnes.

L'augmentation de 15 % du budget de la mission s'explique d'ailleurs par la hausse des crédits consacrés à l'accueil des étrangers primo-arrivants. La hausse de 160 % des crédits du programme « Intégration et accès à la nationalité française » trouve sa source dans l'augmentation du budget de l'OFII, multiplié par quatre. Au regard de cette augmentation considérable, il est vraiment indispensable d'être particulièrement exigeants sur son efficacité, notamment sur les nouveaux parcours d'intégration républicaine concernant l'intégration des étrangers en France.

Nous sommes plus que perplexes face à certaines orientations du programme « Immigration et asile ».

Tout d'abord, le budget consacré à l'accueil des demandeurs d'asile est difficilement prévisible, puisque personne n'est en mesure de définir précisément le nombre de demandeurs d'asile que nous accueillerons l'an prochain sur notre territoire. Depuis le début de l'année, plus de 300 000 personnes ont traversé la Méditerranée pour rejoindre le continent, il est probable que de nouveaux contingents de demandeurs seront accueillis en France, au-delà des 30 000 que la France s'est d'ores et déjà engagée à recevoir.

Mais votre Gouvernement refuse de s'attaquer au dévoiement de l'asile, et aux liens entre filières d'immigration et certaines demandes qui ne relèvent absolument pas de l'asile. La Cour des comptes – qui conteste par ailleurs votre présentation un peu optimiste des recrutements dans la police – écrivait en 2015 : « La politique d'asile est devenue la principale source d'arrivée d'immigrants clandestins en France. » Ce constat date de 2015 ; je crois qu'il est toujours valable aujourd'hui.

La question centrale est donc celle de la gestion des demandeurs d'asile déboutés, qui provoquent une embolie. Tant que la question de leur retour systématique et rapide ne sera pas réglée, le système ne pourra pas fonctionner correctement. L'objectif affiché d'un délai moyen de trois mois pour le traitement des demandes est encore loin d'être respecté : il était de 140 jours en 2016.

Cette situation nuit d'abord à tous ceux qui ont un réel besoin de protection, que nous ne nions pas du tout, mais aussi aux finances publiques et à la crédibilité de l'État, qui n'est pas en mesure de rationaliser un dispositif à la dérive depuis plusieurs dizaines d'années.

Il est tout aussi grave que le nombre de mesures de reconduite à la frontière exécutées ait baissé entre 2014 et 2015, alors que la pression migratoire s'est fortement accrue, et vos explications ne nous ont pas convaincus. On peut s'étonner que la hausse du nombre de reconduites aux frontières ne soit pas mécanique, d'autant que les budgets afférents sont en hausse.

Nous ne portons pas non plus la même appréciation sur les mesures d'obligation à quitter le territoire français (OQTF), qui ont quasiment disparu aujourd'hui alors qu'elles étaient utiles et opportunes dans certains cas.

Dans le projet de loi de finances, 14 millions d'euros sont consacrés à la prise en charge des migrants de Calais à Dunkerque afin de financer le fonctionnement des camps : Jules-Ferry, centres d'accueil provisoire, Calais, Grande-Synthe... Alors que le démantèlement de la jungle de Calais a débuté, nous nous interrogeons sur la façon dont cette enveloppe sera réallouée.

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