Beaucoup d'intervenants ont à nouveau évoqué Calais, je veux apporter toutes les réponses qui doivent l'être pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés.
Les mineurs isolés, comme l'ensemble de ceux qui sont aujourd'hui à Calais, se trouvent dans la plus grande précarité. Ils sont dans le froid et dans la boue, sans recevoir l'accompagnement qui devrait leur être offert. Par ailleurs, si nous cherchons à mettre en oeuvre immédiatement à Calais certaines dispositions extrêmement précises concernant les mineurs isolés, nous ne pourrons pas leur offrir la mise à l'abri qui permettrait d'appliquer le droit commun dans des conditions de protection. Voilà notre problème.
La stratégie de l'État sur les mineurs isolés est donc très claire : faire en sorte que tous ceux qui ont une attache en Grande-Bretagne, ou qui y seraient mieux selon les critères de l'amendement Dubs voté par le Parlement britannique, puissent rejoindre la Grande-Bretagne.
C'est l'objet des discussions que j'ai engagées depuis de nombreux mois, et qui se sont accélérés lorsque la décision du démantèlement de Calais a été prise. Elles donnent de premiers résultats positifs, puisqu'en une semaine les Britanniques ont procédé à l'accueil de 200 mineurs isolés qui ont quitté la lande. Les autres dossiers sont actuellement étudiés, alors qu'en un an seuls 73 dossiers avaient trouvé une issue positive au terme de leur examen. La négociation exigeante menée avec les Britanniques dans le cadre du démantèlement a porté ses fruits, puisque nous avons permis à trois fois plus de mineurs isolés de sortir de Calais en une semaine qu'en dix mois. Cela doit se poursuivre. Je suis engagé dans cette discussion exigeante et partenariale avec les Britanniques.
Pour ceux qui n'iront pas en Grande-Bretagne, notre objectif est de les placer sous protection dans les centres d'accueil provisoires pour que leurs dossiers puissent être traités par nous et les Britanniques, ou dans des centres d'accueil pour mineurs isolés, qu'il faudra cependant « armer » un minimum pour que les dispositifs de droit commun puissent ensuite s'appliquer.
Nous sommes donc particulièrement mobilisés sur la question des mineurs isolés. Nous essayons de bien faire dans ce contexte, alors que tous les sujets que nous traitons sont extraordinairement difficiles sur le plan humain et émotionnel. Mais chacun conviendra de bonne foi que mettre à l'abri des mineurs isolés pour permettre l'application du droit commun est préférable à les laisser dans la boue et le froid. Voilà la réponse que je voulais apporter sur ce point.
Les propos tenus concernant les 128 enfants qui auraient été « perdus » dans le cadre du démantèlement de la zone sud n'ont jamais été corroborés par quoi que ce soit de tangible. Chaque fois que nous avons travaillé sur la question du démantèlement, nous l'avons fait sur la base des principes que je viens d'évoquer.
J'ai été interrogé sur les centres de rétention. Les enfants isolés ne sont jamais placés en centre de rétention, nous ne le voulons pas, et des instructions très claires ont été données en ce sens. Seuls y sont placés les enfants accompagnant leurs parents, surtout pour des placements la veille du départ concernant des familles manifestant un risque de fuite alors qu'ils relèvent d'une OQTF. Les quelque 60 cas que vous mentionnez répondaient tous à ces critères très restrictifs, et je tiens à ce que nous n'en sortions pas.
Quant à l'arrêt Popov, il n'interdit pas la présence d'enfants en rétention administrative, mais exige que cet accueil se fasse dans des conditions adaptées. C'est le cas, nous y veillons particulièrement.
Monsieur Giraud, nous avons été très en pointe pour faire monter en puissance les moyens de Frontex ; 350 millions d'euros et 1 700 personnes – garde-côtes et garde-frontières – y sont alloués ; pour exercer un contrôle aux frontières extérieures de l'Union européenne qui n'existait pas jusqu'à présent. Il va s'effectuer dans le cadre d'une réforme du code Schengen que la France a obtenue.
Il est souvent demandé de réformer le code Schengen, mais c'est déjà chose faite, puisque l'article 7-2 a été modifié afin de permettre des contrôles au moment de l'entrée sur le territoire de l'Union européenne, y compris de nos propres ressortissants. Frontex n'existait pas il y a quelques années, et les corps des garde-côtes et des garde-frontières n'étaient pas encore montés en puissance, puisque c'est nous qui en avons fait la demande, avec les Allemands. Nous fournissons 10 % des effectifs de Frontex, ce qui est considérable. Le contrôle aux frontières de l'Union européenne, dont on réclame absolument la mise en oeuvre, est désormais doté d'un outil, et nous avons demandé, mon collègue Thomas de Maizière et moi, que soient réalisés des exercices grandeur nature pour réussir ces opérations de contrôle.
Monsieur Richard, vous avez réalisé un travail remarquable sur la loi relative à l'asile, dans un cadre qui dépassait les clivages politiques traditionnels. J'ai déjà répondu à bon nombre de vos questions.
S'agissant des problèmes de détection de la vulnérabilité des demandeurs d'asile par l'OFII, nous y sommes sensibles, et notre volonté d'augmenter les moyens de l'OFII répond à cette préoccupation. Je suis tout à fait désireux, si vous en êtes d'accord, pour qu'il y ait une rencontre entre vous, mon cabinet et le directeur de l'OFII sur ce point. Ainsi, au moment du débat en séance, nous pourrons consolider la réponse budgétaire.
Il n'y a pas de politique différente en Allemagne et en France à l'égard des Afghans. Le taux de protection des Afghans est relativement important, de l'ordre de 70 % dans les deux pays, pour des raisons qui tiennent à la situation de l'Afghanistan. Les Allemands ont instauré l'organisation de retours volontaires, dans le cadre d'un accompagnement financier négocié avec le gouvernement afghan, et nous souhaitons le mettre en place avec eux au niveau européen. J'ai rencontré l'ambassadeur d'Afghanistan pour que nous puissions mettre en place cette politique de façon volontariste.
Bien entendu, nous la mettrons en place pour ceux qui n'ont pas fui pour des raisons qui tiennent aux persécutions dont ils font l'objet et qui n'ont pas de raisons de rester en France. Mais les Allemands reconnaissent qu'il faut énormément de mobilisation administrative pour mener ce travail de conviction. Nous le menons comme eux, mais, compte tenu de la situation en Afghanistan, qui n'est pas un pays d'origine sûr, et compte tenu des règles de l'asile, nous sommes dans cet équilibre et il est très difficile d'en sortir.
Monsieur Goujon, si vous appelez régularisation de migrants irréguliers l'octroi du statut de réfugié à ceux qui relèvent de l'asile, je pense que nous aurons du mal à tomber d'accord. Je ne considère pas que l'octroi du statut de réfugié à ceux qui relèvent de l'asile soit une régularisation de migrants irréguliers. Je vous rappelle que 85 % de ceux qui sont à Calais relèvent du statut de réfugié en France. Ce statut de réfugié leur est octroyé en application des règles votées par le souverain – dont vous faites partie – qui définissent les modalités d'intervention de l'OFPRA dans l'octroi du statut de réfugié.
Je vous rappelle également que nous avons reconduit, depuis Calais, 1 700 personnes qui ne relevaient pas du statut de réfugié, mais de l'immigration économique irrégulière.
Au vu des éléments extrêmement précis que je viens de vous livrer, pouvez-vous m'expliquer le raisonnement qui vous permet d'affirmer que nous procédons à la régularisation de migrants en situation irrégulière ? Il s'agirait – la volonté de rupture parfois peut conduire jusque-là – d'un changement total de la politique de la France depuis 1790, que même le Front national ne demande pas. Dois-je comprendre que vous considérez l'octroi du statut de réfugié à ceux qui relèvent de la protection de la France comme une régularisation ? Si tel est le cas, nous avons un désaccord de fond. Je l'assume totalement devant vous. Je rappelle encore une fois pour la clarté du débat que nous avons reconduit, à partir de Calais, plus de 1 700 personnes qui étaient en situation irrégulière. Nous ne procédons à aucune régularisation.
Vous dites que les OQTF n'existent plus. Puis-je me permettre, monsieur Goujon, de vous poser une question : combien d'OQTF ont été délivrées en France en 2016, et combien en 2011 ? Je parle bien sûr des reconduites forcées exécutées. Je sais que la période autorise toutes les outrances – sur les sujets dont j'ai la charge, elles sont quotidiennes. J'essaie de faire preuve d'une certaine philosophie mais notre échange de ce matin me donne l'occasion d'apporter des réponses un peu précises. Combien d'OQTF ont été exécutées en 2011 et combien en 2016 ?