Nous reviendrons en séance publique sur notre appréciation d'ensemble de ce budget. Aujourd'hui, je m'intéresserai à la politique nationale des transports, en particulier ferroviaires.
Vous vous êtes voulu rassurant, monsieur le secrétaire d'État, mais je n'ai pas été convaincu par vos propos. La réforme, dont la mise en oeuvre s'est poursuivie en 2016, a certes modifié en profondeur le système ferroviaire, mais sans lui permettre de sortir de l'ornière et sans apporter de réponse à la question de son financement. Alors que la dérive de la dette du groupe public devait prétendument être maîtrisée, elle atteint aujourd'hui 50 milliards d'euros et croît de 2 à 3 milliards chaque année. Cette hausse tient pour moitié au poids des frais financiers, supportés aux trois quarts par SNCF Réseau, et pour moitié aux besoins de financement non satisfaits en termes de maintenance, de régénération du réseau et d'investissement. Il en résulte, entre autres exemples, que 15 % du réseau subit des ralentissements par manque d'entretien, et que le trafic voyageurs connaît, depuis deux ans, un recul généralisé favorisé par la concurrence routière, le covoiturage et surtout l'autocar.
Dans ce contexte, la tentation est forte, comme le suggèrent nombre d'élus de droite ainsi que notre collègue socialiste, la semaine dernière, de généraliser et d'amplifier la concurrence par une nouvelle dégradation du régime de travail et du statut des cheminots, par la réduction de l'offre ferroviaire et le gel de l'activité TGV, et par des transferts accrus aux régions. Nous ne partageons pas ces orientations, estimant, au contraire, que l'État doit impérativement prendre la mesure des enjeux et des graves carences qui sont les siennes afin de favoriser un véritable rééquilibrage des modes de transport.
Faute d'ambition pour le ferroviaire, l'objectif de 25 % de parts de marché pour les modes alternatifs à la route fixé par le Grenelle de l'environnement ne sera pas tenu. Ce taux n'est que de 12 % aujourd'hui. Les engagements pris à l'issue de la COP21 ne le seront pas davantage. En dix ans, la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises a été divisée par deux. Aujourd'hui, elle ne représente plus que 9,6 % du transport de marchandises, contre 83,6 % pour la route dont on connaît les nuisances sociales et environnementales. La marginalisation du fret représente une perte de capacités de développement pour nos territoires, pour les installations portuaires et pour l'industrie française. Souhaitons-nous collectivement que le transport de voyageurs suive le même chemin ? C'est ce qui adviendra inéluctablement si l'État continue d'offrir pour seule réponse aux défis du développement ferroviaire l'accentuation des réductions de crédit au rail et l'arrêt ou le transfert aux régions des trains d'équilibre du territoire.
À l'aube du renouvellement de la convention concernant ces TET, le bilan 2011-2014 est bien loin des objectifs prévus. Sur les quarante liaisons interrégionales contractualisées en 2011, seules trente subsistent. L'État rationne les investissements. Les rames, dont la SNCF a négligé l'entretien, sont à bout de souffle et réclament un renouvellement urgent. La révision de la convention TET va se traduire, nous le savons, par une réduction forte des liaisons et des dessertes : arrêt de la plupart des trains de nuit, mort annoncée du Cévenol et de l'Aubrac dans le Massif Central, par exemple, et incertitude sur de nombreux tronçons qui font encore l'objet de négociations avec les régions, qui sont déjà sous contrainte financière.
L'État doit impérativement se doter d'une vision stratégique de long terme. Les retards pris dans la signature des contrats décennaux, le bricolage suite à l'annonce de la fermeture du site d'Alstom à Belfort, l'évitement de la question du traitement de la dette, le sous-financement chronique du rail, sont autant de symptômes d'un abandon et d'un renoncement préoccupants.
Le ferroviaire représente, à nos yeux, un formidable atout industriel, social, territorial et environnemental. Aussi attendons-nous de votre ministère, dans les prochaines semaines, des propositions fortes. Que ce soit la création d'une structure ad hoc pour loger la dette du système ferroviaire, le redéploiement des produits d'épargne ou la taxation des concessions autoroutières ou des gros chargeurs, comme la grande distribution, les pistes ne manquent pas pour garantir l'avenir de notre service public ferroviaire. Elles n'attendent que la mobilisation de l'exécutif et du Parlement.