La transition énergétique représente un défi considérable en termes de financement, dans un contexte marqué par la crise économique. Il s'agit de se donner les moyens de réaliser les objectifs ambitieux fixés tant dans l'accord de Paris, qui entrera en vigueur dans quelques jours, que dans la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte du 17 août 2015.
Le projet de loi de finances pour 2017 va dans le bon sens. Au-delà des crédits du budget général, la pérennisation des engagements de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), du crédit d'impôt transition énergétique et le soutien à la production d'énergie renouvelable, désormais retracé sur un compte d'affectation spéciale dédié, sont à même d'accompagner la transition énergétique. Je forme le souhait que le troisième volet du programme d'investissements d'avenir renforce encore la place du développement durable et de la croissance verte, et que la volonté de donner un prix au carbone pour orienter dans la durée les investissements vers les énergies bas carbone soit abordée dans un cadre européen.
L'avis budgétaire que je présente se concentre sur le programme 174, constitué à 93 % par les dépenses de l'après-mines, et sur le programme 345, « Service public de l'énergie », qui comprend les charges liées à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, ainsi que celles liées au soutien à la cogénération et aux dispositifs sociaux en électricité et en gaz. Les crédits figurant dans ces programmes sont en continuité avec ceux qui figuraient dans la loi de finances de 2016. On peut toutefois noter l'augmentation de 190 millions d'euros des dépenses fiscales en faveur des entreprises soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre ou exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite carbone. Ces mesures permettront à certaines entreprises fortement consommatrices en énergie et soumises à une forte concurrence internationale de pérenniser leur activité en France.
Sur le programme 345, je m'interroge sur le niveau de l'aide dont bénéficient les ménages chauffés au gaz naturel, qui cumulent tarif de première nécessité et tarif social du gaz naturel, et les autres, qui ne bénéficient que du tarif de première nécessité.
J'ai choisi de m'arrêter, dans la partie thématique de cet avis budgétaire, sur la question passionnante de l'autoconsommation électrique. L'autoconsommation est le fait pour un producteur de consommer lui-même tout ou partie de l'électricité produite par son installation. L'opération d'autoconsommation peut être individuelle, en particulier dans le logement, ou collective. Elle est pratiquée depuis de nombreuses années dans l'industrie : c'est le cas de la métallurgie dans les sites alpins, souvent approvisionnée en hydroélectricité, ou encore de l'industrie papetière alimentée par des systèmes de cogénération. En comparaison avec celles de ses proches voisins européens, la part de l'autoconsommation en France reste faible, mais je suis convaincue qu'elle connaîtra un essor dans les prochaines années du fait du développement des politiques énergétiques des collectivités locales, qui suppose de réfléchir à différentes formes d'optimisation énergétique sur le territoire – c'est ce que nous faisons avec les territoires à énergies positives ; du fait de la volonté de plus en plus grande des citoyens de devenir acteurs de la question énergétique ; en raison de la baisse des prix de certains équipements, en particulier les panneaux photovoltaïques ; enfin, du fait du développement du compteur communicant Linky et d'autres compteurs capables de comptabiliser les kilowattheures soutirés du réseau et ceux qui y sont injectés.
L'autoconsommation, notamment collective, facilite l'intégration des énergies renouvelables décentralisées et peut réduire les coûts de réseau si l'autoconsommateur diminue sa puissance maximale souscrite, c'est-à-dire si la production et la consommation sont relativement synchrones.
Un texte est passé relativement inaperçu cet été : la publication de l'ordonnance du 27 juillet 2016 prévue par la loi relative à la transition énergétique, dont le rapport d'application a été présenté ce matin en commission. Cette ordonnance définit l'autoconsommation individuelle et collective et précise les conditions dans lesquelles les autoconsommateurs d'électricité – photovoltaïque pour l'essentiel – pourront bénéficier d'un droit d'accès au réseau.
Bref, les prémices d'un cadre réglementant l'autoconsommation sont bien là. Elles méritent désormais d'être complétées pour que soit mis en place un cadre légal pérenne et vertueux. Nous ne devons pas reproduire l'erreur résultant d'une mauvaise anticipation qui avait conduit, en 2010, à modifier en profondeur la politique de soutien au photovoltaïque. Il faut aussi éviter la situation que connaît l'Allemagne aujourd'hui. Le programme allemand de subventions au stockage résidentiel associé à une installation photovoltaïque a été instauré pour la première fois en 2013, interrompu de janvier à mars 2016, avant d'être reconduit pour trois ans avec un budget divisé par deux, puis suspendu jusqu'en janvier 2017.
Les acteurs de terrain ont besoin de visibilité et de stabilité pour réaliser les investissements nécessaires et développer au mieux le potentiel prometteur de l'autoconsommation. Il faut également anticiper la réforme de la tarification d'accès au réseau. Cette tarification fixée par la Commission de régulation, qui représente environ 30 % de la facture d'un consommateur domestique, est actuellement surtout basée sur la quantité d'électricité soutirée du réseau. Demain, la structure du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) devra évoluer et la partie fixe basée sur la puissance souscrite en kilowatts augmenter sensiblement. Il est légitime que les autoconsommateurs paient pour rester connectés, même s'ils ne soutirent pas d'électricité pendant les périodes d'autoconsommation.
Enfin, madame la ministre, je souhaite connaître votre avis sur le net metering, mis en place dans nombre de pays qui pratiquent l'autoconsommation et qui, à mon sens, n'incite pas à une démarche vertueuse puisque cela consiste à compenser des kilowatts injectés par des kilowatts soutirés, même quand ces deux opérations se font à des moments différents.