Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Réunion du 26 octobre 2016 à 16h20
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn', rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Je suis heureux de présenter pour la troisième année, au nom de la commission des affaires étrangères, un avis sur le budget de l'écologie, du développement et de la mobilité durables. Trois années, c'est aussi, par coïncidence, le temps que vous aurez passé à la tête de ce grand ministère, madame la ministre. Nous nous connaissions déjà avant cela et avions, dans le cadre de nos fonctions respectives – vous à la tête d'une région, moi-même dans l'industrie – eu l'occasion d'échanger sur les moyens de sauver notre planète de la catastrophe climatique malheureusement possible.

Aimer la Terre, lutter pour sa survie, c'est se battre tous les jours pour des solutions durables, c'est refuser le déversement des boues rouges dans les calanques de Méditerranée ou la destruction de dunes sous-marines dans la baie de Lannion. Notre planète n'est pas sans limites, chaque année qui passe nous rappelle toujours plus vivement l'urgence de réagir. L'avenir de l'humanité requiert que la sobriété, les choix de long terme et le courage politique guident nos décisions publiques.

À Paris, à la toute fin de l'année 2015, un accord universel a été conclu, qui vise à contenir à 1,5 degré Celsius l'élévation de la température moyenne de la planète par rapport aux niveaux préindustriels. Excellente nouvelle, cet accord entrera en vigueur dans quelques jours, puisqu'il a été ratifié par plus de cinquante-cinq parties représentant plus de 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L'impulsion politique donnée par la présidence française de la COP a conduit à ce résultat majeur. D'autres bonnes nouvelles sont également intervenues dans le courant de l'année 2016 : l'amendement de Kigali au Protocole de Montréal sur les chlorofluorocarbures, qui conduira à l'interdiction progressive des hydrofluorocarbures, dont l'effet de serre est 14 000 fois supérieur au CO2, et la création par l'Organisation de l'aviation civile internationale d'un mécanisme de compensation des émissions, dont l'objectif est de parvenir, pour 2035, à compenser jusqu'à 93 % du total des émissions du transport aérien mondial.

Ces développements positifs interviennent cependant dans un contexte très préoccupant. Août 2016 a été le mois le plus chaud jamais observé. Deux catastrophes naturelles ont retenu l'attention. Au printemps, à Fort McMurray, dans la forêt boréale canadienne, un incendie lié à l'exploitation intensive des sables bitumineux a duré plus de deux mois et détruit l'équivalent de 1 % de la superficie de la France. L'autre catastrophe est la fonte du permafrost en Sibérie, qui libère des souches d'anthrax et contamine l'élevage. Au regard de la quantité de CO2 qu'il est possible d'émettre avant d'atteindre la limite de 450 ppm (partie par million), considérée comme le seuil à ne pas dépasser pour rester dans la limite de l'objectif des 2 degrés Celsius, il restait en 2012 environ 1 000 gigatonnes de CO2 à émettre. Si les émissions ne baissaient pas drastiquement dans les années qui viennent, ce budget serait épuisé avant 2040, c'est-à-dire avant que l'économie ne soit décarbonée, ce qui conduirait l'humanité au désastre.

L'urgence climatique, ce n'est pas dans dix ou vingt ans, c'est maintenant ! Il est essentiel de rompre avec le paradigme énergétique actuel, qui repose encore à hauteur de près de 80 % sur le recours aux trois combustibles fossiles que sont le pétrole, le charbon et le gaz naturel. J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de votre ministère pour 2017, et je souhaite également vous poser les questions suivantes.

Que seront les propositions de la France durant la COP22 sur la diffusion des technologies matures, l'émergence des technologies de rupture et le soutien à l'innovation pour décarboner l'économie ?

Que fera la France pour obtenir, dès 2018, une révision des contributions nationales pour réduire davantage les émissions de CO2 ?

Quels efforts la France consentira-t-elle pour le développement de projets solaires, éoliens et hydrauliques de très grande ampleur à l'étranger – je pense en particulier à l'Afrique ?

Mettrez-vous en place le « corridor carbone » recommandé par le rapport Canfin-Mestrallet-Grandjean afin de redresser le prix du carbone et donner aux investisseurs le signal prix qu'ils attendent ?

Enfin, pourquoi les décrets d'application de la loi Brottes et de la loi de transition énergétique réduisent-ils à néant les bénéfices de l'effacement diffus de la consommation électrique, pourtant soutenu par le législateur ?

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