Intervention de Ségolène Royal

Réunion du 26 octobre 2016 à 16h20
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat :

Merci de ces très nombreuses et passionnantes questions.

Je suis extrêmement heureuse de vous présenter aujourd'hui un budget en hausse de 7 %, puisqu'il s'élève 35,7 milliards d'euros, dont plus de 14 milliards consacrés à la transition énergétique. Notre objectif, c'est que ces sommes servent de levier pour soutenir les nouvelles filières et créer les emplois de la croissance verte, dans le domaine de l'énergie comme dans celui de la biodiversité. Pour cela, ce budget met en place une nouvelle ingénierie budgétaire et financière : notre préoccupation commune – car j'ai moi-même été pendant vingt-cinq ans une élue de territoire comme vous – est bien de veiller à l'articulation entre l'impulsion nationale et l'intelligence des territoires.

Nous sommes également responsables de la COP21, dans laquelle de nombreux parlementaires, dont votre rapporteur Pierre-Yves Le Borgn', se sont beaucoup impliqués. Cette réussite diplomatique française a aussi des débouchés économiques, puisque nos entreprises sont en première ligne pour agir et mettre en valeur leurs savoir-faire, qui permettront à la planète de mieux se protéger.

Notre budget articule donc à la fois les dimensions internationale, nationale – avec en particulier la loi relative à la transition énergétique – et territoriale – avec le concept de territoire à énergies positives, prolongement de ce que j'avais pu réaliser dans ma région. Beaucoup d'entre vous, voire la plupart, ont accueilli dans leur circonscription de tels projets ; je m'en réjouis et je veux saluer ici l'ingéniosité, la créativité et la joie d'agir que je vois dans nos territoires. L'effet levier est très important : 1 euro dépensé apporte 3 à 10 euros en co-financements, en engagements publics et privés – évidemment, cela permet des créations d'emplois, notamment dans le secteur du bâtiment.

Nous voulons mettre en mouvement les territoires, mais aussi les entreprises : ce budget soutient les filières de la croissance verte, avec une augmentation de 1 milliard d'euros des sommes consacrées aux énergies renouvelables, notamment sous forme de remboursement des tarifs d'achat. Au total, nous consacrons 7 milliards d'euros au soutien aux énergies renouvelables. Nous poursuivons également les investissements d'avenir, qui ne dépendent pas de ce budget mais qui soutiennent fortement la transition énergétique dans les entreprises. Les énergéticiens contribuent à la transition énergétique grâce aux certificats d'économie d'énergie, pour environ 1 milliard d'euros par an. Nous encourageons la mobilité propre par le doublement de l'amortissement fiscal pour les véhicules électriques de société, comme par le rapprochement des avantages fiscaux de l'essence et du diesel.

En ce qui concerne les citoyens, le CITE est maintenu à 30 %, et il est cumulable avec un éco-prêt à taux zéro ; aujourd'hui, plus d'un million de foyers en bénéficient. Ces dispositifs ont permis la création de 30 000 emplois non délocalisables. Le bonus de 10 000 euros pour l'achat d'un véhicule électrique est prolongé, et complété d'un nouveau bonus de 1 000 euros pour les deux-roues électriques, afin d'améliorer la qualité de l'air.

C'est donc un budget pour tous et par tous. C'est un budget cohérent, car les actions internationales, nationales et locales se renforcent mutuellement : nous dessinons ainsi une vision claire de l'avenir ; partout, une action de circuit court, d'économie circulaire, de transport propre permet à chacun d'être citoyens du monde. Cela est parfaitement compris aujourd'hui. Enfin, c'est le budget des emplois verts et des nouvelles filières industrielles : j'ai l'ambition d'accélérer le passage à la nouvelle économie. Nous sommes dans une période de mutations, comme toujours un peu inquiétantes, mais elles sont également porteuses d'espérances puisqu'il s'agit d'accompagner la fin des anciennes industries polluantes. Nous en sommes capables grâce à l'émergence de nouvelles filières, de nouveaux emplois, de nouveaux métiers, de nouveaux services qu'il faut fabriquer, construire, élaborer, structurer.

Plus ces transitions sont rapides, plus elles sont fructueuses, j'en suis convaincue. C'est une idée difficile à faire comprendre sur les territoires, comme le montre le débat sur le charbon – encore un peu, encore un peu, encore un peu… En réalité, attendre coûte plus cher et rend plus difficile de motiver les gens. Or il y a des perspectives considérables. Nous devons le montrer, et ce budget doit nous le permettre.

Vous avez posé de très nombreuses questions.

Je suis, bien sûr, prête, madame la présidente, à répondre à l'invitation des deux commissions des affaires économiques et du développement durable pour débattre de l'application de la loi relative à la transition énergétique : vous avez souligné certains aspects positifs ; je serai heureuse d'apporter des compléments d'information s'ils sont nécessaires.

Lorsque je suis arrivée à la tête de ce ministère, tous les textes d'application du Grenelle de l'environnement n'étaient pas sortis. Je ne donnerai pas de chiffre pour éviter les polémiques. Au moment où je vous parle, non seulement c'est fait, mais nous avons également fait paraître – en un an ! – plus de 90 % des textes d'application de la loi relative à la transition énergétique. Il faut saluer l'efficacité des services du ministère, qui ont travaillé sans relâche. Certains textes posent problème ou sont encore soumis aux procédures de consultation : ils seront signés dans les semaines à venir. Nous arriverons ainsi à la COP22 forts de la quasi-totalité des textes d'application, et nous pourrons également faire valoir les actions d'accompagnement menées dans nos territoires, dans les filières industrielles et auprès des citoyens.

Madame la présidente, vous m'interrogez également sur la mise en place des territoires à énergies positives pour la croissance verte (TEP-CV). Une dotation de 250 millions d'euros était prévue en 2015, et le montant sera identique en 2016. Leur gestion est confiée à la Caisse des dépôts et consignations. La procédure est très rapide, comme vous le constatez dans vos territoires : 40 % des fonds sont versés dès la signature du contrat de transition énergétique. Par la suite, une communauté de travail se met en place, sous l'impulsion des préfets, des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), de l'ADEME : les compétences sont ainsi rassemblées pour simplifier et éviter la bureaucratie et la multiplication des guichets. Les actions opérationnelles ont été pensées pour être aussi claires et simples que possible, de manière à ce que l'application de la loi assure en même temps la transition énergétique et la création d'emplois.

Monsieur le président de la commission du développement durable, vous m'interrogez sur le financement des aires de covoiturage qui doivent être installées au bord des autoroutes. C'est une bonne question, et j'espère bien, moi aussi, qu'elles seront financées par les sociétés d'autoroute, qui ont elles-mêmes fait cette proposition ! Mais vous les connaissez comme moi : il faut toujours être très vigilant. Je vous promets de l'être.

S'agissant du bonus, il existe un projet pour le réserver aux véhicules coûtant moins de 40 000 euros ; c'est une idée qui présenterait des avantages et des inconvénients. Chaque fois que l'on crée un dispositif fiscal d'encouragement, on sait que le ministère des finances sera tenté de le modifier – et il a fallu, cette année, résister à ces tentations. Les services fiscaux ont toujours énormément d'imagination… Or, à mon sens, la stabilité est essentielle : on croit économiser un peu en changeant légèrement le dispositif, mais les conséquences psychologiques d'une modification chaque année frappent directement les filières industrielles concernées. Remettre en cause ce dispositif enverrait un mauvais signal et je n'y suis pas favorable.

Il vaudrait mieux, je crois, négocier l'implantation en France d'une usine construisant des véhicules haut de gamme. C'est, en tout cas, ce que j'ai répondu à l'entreprise que chacun a en tête, et qui n'est pas encore installée en France, lorsqu'elle m'a contactée pour soulever le problème : je suis favorable à la stabilité fiscale, mais montrez que vous pouvez investir en France, construire aussi des véhicules moins chers et des batteries avec une plus forte autonomie. J'ai donc plaidé, dans la région de Fessenheim d'ailleurs, pour l'accompagnement industriel des mutations énergétiques et pour l'installation d'industries du futur.

Le « jaune » sur le financement de la transition énergétique est prêt : il est à Bercy. Il devrait vous parvenir très rapidement.

Monsieur Giacobbi, vous me demandez ce qui a avancé depuis la COP21. Tout d'abord, personne n'aurait pensé que la ratification se ferait si rapidement ! Je rappelle qu'il avait fallu sept ans pour ratifier le protocole de Kyoto ; en neuf mois, nous avons réussi la ratification de l'accord de Paris. C'est l'Europe qui a permis le basculement vers la ratification, ce qui n'était pas évident : la complexité des procédures était telle qu'il a fallu, jour après jour, heure après heure, lever les objections une à une, comprendre que nous n'étions pas obligés de disposer de la répartition des efforts pour pouvoir ratifier ou que nous pouvions déposer les ratifications individuellement au lieu d'attendre les vingt-huit ratifications… Il a fallu une ingénierie juridique très fine. C'est pour nous une grande fierté que ce soient les ratifications des sept premiers pays de l'Union européenne qui aient permis le basculement vers les 55 % des émissions de gaz à effet de serre.

Je crois profondément que la COP21 a fait émerger une conscience universelle, maintenant irréversible : que les pays du monde entier puissent, dans un monde de guerre et de malheur, parler le même langage quel que soit leur niveau de développement, leur taille, leur modèle énergétique, c'est tout à fait remarquable. Nous vivons un moment extraordinaire, et nous avons le devoir de prolonger cette dynamique historique en passant à l'action – ce que nous avons commencé, ce que l'engagement des entreprises, des scientifiques, des citoyens a commencé.

Nous devons maintenant accélérer la mise en place des coalitions et des actions, mais aussi des financements. Je suis heureuse de rappeler que nous sommes proches des 100 milliards de dollars mobilisés pour le climat promis à la COP21, comme l'a montré un récent rapport de l'OCDE.

J'invite d'ailleurs ceux d'entre vous qui le souhaitent à la conférence des parties qui se tiendra à Marrakech. Vous vous êtes déjà beaucoup impliqués, et cela vous permettra d'accompagner les différentes actions mises en place.

M. Mariton demandait des exemples de simplification administrative : je citerai le permis unique, désormais généralisé et qui devrait permettre de réduire les délais de contentieux ; la simplification du contentieux pour les EnR marines, avec un seul degré de recours ; enfin, les appels d'offres pluriannuels pour les EnR, lisibles et stables, qui répondent à une très forte attente des entreprises.

Monsieur Goua, vous m'interrogez sur l'ARENH, qui permet au consommateur de bénéficier d'un prix de l'électricité faible. Il n'est évidemment pas question de suspendre l'ARENH. Je l'ai écrit à EDF qui m'avait interrogée : ce dispositif figure dans la loi, et il est favorable aux consommateurs ; et puis, vis-à-vis de la Commission européenne, nous ne pouvons pas improviser une suppression. Mais certains craignent l'apparition de comportements spéculatifs abusifs, liés notamment au différentiel de prix sur les marchés de gros ; pour mettre fin à ce problème, la Commission de régulation de l'énergie va proposer une révision de l'accord-cadre, en amont du prochain guichet de souscription, le 16 novembre 2016. J'ai également proposé, pour limiter les risques de spéculation causés par un arbitrage semestriel, de modifier le décret ARENH, afin d'y préciser les conditions d'application de la « clause de monotonie » du dispositif.

À la suite d'un audit conduit en 2016 sur l'inventaire des gaz à effet de serre (GES), un avenant à la convention pluriannuelle d'objectifs du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique permettra de débloquer une dotation supplémentaire de 50 000 euros. Un travail sera conduit en 2017 avec le CITEPA pour préciser les priorités et pour adapter le programme de travail aux contraintes budgétaires. Dans le cadre des redéploiements et de la rationalisation de la dépense publique, on regarde très attentivement l'ensemble des organismes et on les traite tous de la même façon. Il convient parfois de rationaliser le fonctionnement de certaines structures, mais lorsque les avenants sont clairs par rapport aux objectifs des différentes actions, il n'y a pas de raison de ne pas les adapter.

Madame Santais, vous avez évoqué l'importante question de la différence entre les ménages chauffés au gaz et les autres dans les tarifs sociaux, à laquelle la loi sur la transition énergétique a répondu par l'instauration d'un chèque énergie qui donnera le même montant d'aide quel que soit le mode de chauffage. Une expérimentation en cours dans quatre départements donne satisfaction, et, tout en analysant les retours d'expérience, nous préparons la généralisation du dispositif dans l'ensemble du pays.

J'attache beaucoup d'importance à l'autoconsommation, qui fait partie de la citoyenneté énergétique. J'ai mis en place plusieurs mesures pour favoriser le développement de l'autoconsommation : une évolution du cadre légal destinée à la faciliter, une augmentation des soutiens financiers par le lancement d'un appel d'offres et un encouragement aux projets relatifs à l'autoconsommation dans les territoires à énergies positives. L'ordonnance relative à l'autoconsommation de juillet 2016 met en place un cadre légal pour faciliter son développement en définissant la notion d'autoconsommation collective, qui pourra concerner un projet d'approvisionnement de logements collectifs ou de centres commerciaux par une installation solaire implantée. J'ai, par ailleurs, imposé aux gestionnaires de réseau l'obligation de faciliter les opérations d'autoconsommation individuelles et collectives. Signalez-nous les résistances que vous pourriez constater ici ou là. La CRE devra établir une tarification d'usage du réseau adaptée aux installations d'autoconsommation, afin de tenir compte des réductions de coût d'utilisation des réseaux que peuvent apporter ces opérations. Un décret d'application de cette ordonnance est en cours de préparation, le projet de loi de ratification ayant déjà été déposé. J'ai lancé un appel d'offres, le 2 août dernier, pour des projets d'autoconsommation. Il faut vous en saisir dans vos territoires. Toutes les EnR – solaire et petite hydroélectricité notamment – sont admises, et il y aura entre 100 et 400 projets lauréats qui pourront concerner les secteurs agricole, industriel et tertiaire, et qui seront bientôt sélectionnés. Ils trouveront, bien entendu, toute leur place dans les territoires à énergies positives, car là où les citoyens se mobilisent pour l'autoconsommation, ils agissent dans tous les domaines de la loi de transition énergétique.

Monsieur Le Borgn', parmi les nombreuses propositions de la France pour la COP22, j'aimerais mettre en avant l'initiative « Énergies renouvelables en Afrique », pour laquelle j'ai déposé un rapport la semaine dernière au secrétariat des Nations unies en tant que présidente de la COP21, ou l'Alliance mondiale pour la géothermie, qui regroupe à ce jour quarante et un pays membres et vingt-six institutions partenaires. Lors de la COP21, seules la France et l'Islande défendaient cette idée, mais l'Alliance compte maintenant dans ses rangs des pays africains comme l'Éthiopie, qui ont découvert au cours de nos réunions qu'ils disposaient de ressources en géothermie dont ils ne soupçonnaient pas l'existence. C'est grâce à la mise en commun des savoir-faire pour conduire des recherches dans ce domaine que ces pays en grande difficulté ont accédé à ces gisements d'énergie. Le potentiel de la géothermie s'avère très fort. L'Inde et la France ont également lancé l'Alliance solaire internationale, dont le statut juridique vient d'être finalisé après un long et difficile travail et sera déposé lors de la COP22. Les premiers projets de l'Alliance porteront sur l'irrigation en milieu rural à partir d'énergie solaire et sur l'éclairage public approvisionné par l'énergie solaire, ce projet étant porté par notre pays. Les 121 pays du pourtour de l'Équateur vont pouvoir lancer des appels d'offres collectifs, faire baisser considérablement le prix d'accès aux énergies solaires et mettre en commun leurs expertises pour contrôler le sérieux des études et des entreprises industrielles ainsi que les prix.

Ont également été mises en place la mission Innovation, la déclaration sur la mobilité électrique, l'Alliance mondiale sur le bâtiment, l'Alliance mondiale sur le transport propre, l'Alliance mondiale sur le prix du carbone, cela toujours à partir d'une union des États, des villes et des entreprises. La présence d'acteurs non étatiques dans ces alliances en fait la richesse et la productivité, et assure le caractère judicieux du choix des projets financés.

Dans une déclaration franco-chinoise de novembre 2015, nous avions proposé le principe d'un dialogue facilitateur sur la révision des contributions nationales pour réduire les émissions de CO2, qui se tiendra en 2018, lors de la COP24. Nous le préparons dès maintenant sur la base des contributions des scientifiques, notamment le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sur le 1,5 degré qui sera adopté en 2018, des stratégies de réduction des émissions à l'horizon de 2050, qui relèvent de l'article 4-19 de l'accord de Paris et que plusieurs pays se sont engagés à présenter dès cette année, et des meilleures pratiques identifiées par la recherche, les acteurs de terrain et les gouvernements. Ce rendez-vous de 2018, très proche, sera crucial pour la mise en oeuvre de l'accord de Paris. Nous en attendons le relèvement significatif de l'ambition globale de nos engagements avant 2020, car nous devons limiter la hausse des températures à 2 degrés pour éviter le cortège de catastrophes, de souffrances et de désespoir. Or le cumul actuel de l'ensemble des contributions décidées au niveau national (INDC) conduit à une hausse de la température comprise entre 3 degrés et 3,5 degrés. J'ai confiance : les technologies progresseront beaucoup plus vite qu'on ne le croit ; les entreprises ont compris les enjeux et ont identifié les potentiels de gains attachés au défi de la lutte contre le réchauffement climatique. Une compétition mondiale positive s'est enclenchée et aucun pays ne souhaite rester à la traîne. J'ai créé la Green tech pour encourager les startups dans tous ces domaines, et j'y vois beaucoup de potentiel ; les très grandes entreprises se mobilisent également pour innover, ce qui est très encourageant.

La mise en place du corridor du prix du carbone s'avère lente dans l'Union européenne. La ratification a eu lieu et il s'agit maintenant de répartir les efforts. J'ai bon espoir de faire progresser ce dossier, car le prix du carbone constitue un signal majeur. Certaines entreprises ont adopté un prix interne du carbone pour calculer la rentabilité supplémentaire de l'investissement dans les économies à basse utilisation de carbone, ce qui constitue un élément novateur. Je remettrai prochainement le premier prix du meilleur reporting climatique, opération imposée par la loi sur la transition énergétique que les entreprises perçoivent non comme une contrainte, mais comme un atout, une chance et un argument commercial, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Là aussi, les choses avancent très vite, et il faut valoriser les bonnes pratiques pour inciter tout le monde à les adopter.

Avant de venir à cette réunion, j'ai eu le bonheur de me rendre au Centre national d'études spatiales (CNES) et de dialoguer avec l'astronaute français Thomas Pesquet, qui partira dans quelques jours vers la station internationale d'où il observera la terre jusqu'au mois de mai 2017. Une telle mission suppose un caractère, une énergie et un engagement exceptionnels, et il est extraordinaire qu'un astronaute français y participe. Un film, projeté récemment à la Géode de la Villette et montrant la planète depuis une station orbitale, nous a rappelé que l'examen de la terre depuis l'espace invalidait toute contestation de la réalité du réchauffement climatique et de ses effets. Les vingt-six faits prouvant les dégâts issus du dérèglement climatique et de l'activité humaine sont observables depuis l'espace. Il est spectaculaire de constater la simultanéité de l'acidification de l'océan, la déforestation, l'assèchement et la diminution des cours d'eau. Nous pouvons, en tout cas, nous montrer fiers de l'action de notre pays dans l'espace, dans la recherche et dans l'étude de la planète. L'expédition reviendra sur terre au mois de mai avec des informations qui nourriront la mobilisation pour la protection de cette toute petite planète, qui nous est chère, qui est si fragile, mais que nous pouvons protéger et même reconstruire et réparer.

Monsieur Krabal, j'ai affecté des moyens supplémentaires à la sûreté nucléaire. La cuve et le générateur de vapeur sont des composants essentiels des réacteurs nucléaires. La cuve protège le coeur du réacteur contenant le combustible, et le générateur de vapeur permet d'échanger la chaleur entre le circuit primaire chauffé par le réacteur nucléaire et le circuit secondaire pour produire l'électricité. Les cuves et les générateurs sont constitués de diverses pièces métalliques en acier forgé, celui-ci contenant un taux de carbone réparti de manière hétérogène ; un taux excessif de carbone peut affaiblir la résistance mécanique des pièces. EDF a donc lancé des investigations depuis 2015, qui ont montré que des éléments de générateurs de vapeur, produits il y a plus d'une quinzaine d'années et installés dans le parc français entre 1995 et 2007, étaient susceptibles de présenter une concentration en carbone particulièrement élevée. Voilà pourquoi l'ASN a demandé à EDF, le 18 octobre dernier, de réaliser des contrôles sur cinq réacteurs nucléaires, des vérifications ayant déjà été réalisées sur sept autres réacteurs.

Je me montre extrêmement exigeante sur la sûreté nucléaire. J'ai décidé de renforcer les moyens de l'ASN et de l'IRSN, structures indépendantes dont la charge augmente compte tenu de l'avancée en âge des centrales. Dans le même temps, certains réacteurs se trouvent à l'arrêt, et il faut assurer la continuité de l'approvisionnement en énergie en produisant de l'énergie autrement ou en renforçant le potentiel de production des réacteurs qui fonctionnent. Cette exigence s'inscrit complètement dans la dynamique de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, puisque l'on sort d'un schéma mono-industriel en diminuant la part du nucléaire dans la production d'énergie du fait de la fin prochaine de l'activité des centrales construites il y a quarante ans. On stimule ainsi la montée en puissance des EnR, qui produisent aujourd'hui en France l'équivalent de six réacteurs nucléaires. Enfin, nous devons agir dans le domaine de l'efficacité énergétique et des économies d'énergie où il reste énormément à faire. Outre l'incitation aux travaux d'économies d'énergie dans le bâtiment, nous devons lancer des opérations de sensibilisation auprès des citoyens et des entreprises pour réaliser des économies, par exemple en éteignant les appareils en veille.

Monsieur Chevrollier, nous réalisons des économies de fonctionnement pour renforcer les investissements, même dans le cadre d'un budget qui augmente. Nous y parvenons grâce à la mutualisation de services, structures et directions du ministère, et à la suppression de doublons de compétences et d'activités. Un ministre doit veiller à ce que la dépense publique soit toujours justifiée, et je remercie les efforts consentis par les administrations sous la houlette du secrétariat général du ministère, qui gère parfaitement ces sujets en me faisant des propositions d'économies de fonctionnement. Je m'étonne qu'il s'agisse là de votre principal reproche, alors que vous appartenez à une formation politique qui propose la suppression d'un nombre inconsidéré de fonctionnaires ; j'ai du mal à comprendre votre contradiction. En tout cas, je garde le cap des économies de fonctionnement pour mieux investir dans la croissance verte.

Monsieur Lesage, le CÉREMA, l'IGN et Météo France accomplissent des missions très importantes, mais nous regardons, là aussi, les moyens de mutualiser des missions, de faire évoluer les modèles économiques de ces structures et de leur assigner des objectifs de performance, le tout dans une démarche partenariale avec leur tutelle.

Les moyens alloués aux opérateurs du programme 113 augmentent, et 138 millions d'euros leur seront versés sous la forme d'une subvention pour charges de service public, cette enveloppe progressant de 4 millions d'euros par rapport à 2016. En outre, soixante postes équivalents temps plein seront créés pour accompagner l'installation de l'Agence française pour la biodiversité, dotée de moyens importants mais contrôlés par la tutelle. Je suis extrêmement vigilante sur l'utilisation des fonds publics, ces structures devant rendre des comptes et rechercher en permanence l'efficacité.

L'AFB naît du regroupement de plusieurs opérateurs. Son budget s'élèvera, en 2017, à 220,5 millions d'euros, ce montant s'avérant supérieur à la somme des crédits alloués aux anciennes structures en 2016. Les soixante nouveaux ETP s'occuperont notamment de la création des nouveaux parcs naturels marins. Je viens de signer le décret d'extension de l'aire marine protégée dans les terres australes françaises, mesure de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ce texte d'application nécessitait la tenue de nombreuses consultations, mais j'ai accéléré le processus à la suite de ma participation à la conférence de Washington sur l'océan et par cohérence avec l'initiative de la France d'avoir fait figurer l'océan dans l'accord de Paris. Par ailleurs, j'ai créé une aire marine autour de l'atoll de Clipperton, malgré certaines protestations ; il était temps, après plus de quinze ans d'atermoiements, de protéger cet atoll – le projet se trouve en consultation sur le site du ministère.

Le sujet des relations entre la biodiversité et l'eau, inscrit à l'ordre du jour de la COP22, est très important pour les Marocains. Les pays africains souffrent énormément des effets du réchauffement climatique au regard de la désertification. La France a souhaité que la Journée d'action sur les océans soit consolidée à la COP22. Le 13 novembre prochain, j'organiserai un événement sur la protection de la Méditerranée avec les vingt et un pays du pourtour méditerranéen. On réfléchira notamment à la façon dont les villes méditerranéennes peuvent s'entraider pour mettre leurs stations d'épuration aux normes, empêcher les industriels de considérer cette mer comme une poubelle gratuite, et développer les EnR. La France est le premier pays du pourtour méditerranéen à installer des éoliennes flottantes au large de ses côtes.

Le lendemain, je rassemblerai, à la COP22, la coalition de lutte contre les sacs plastiques, dont nous avons voté le principe et qu'il nous faut maintenant organiser pour interdire les déchets plastiques. Depuis que j'en ai lancé l'idée, plus d'une dizaine de pays ont rejoint cette coalition visant à mettre fin à l'une des principales sources de pollution de l'océan. Là aussi, les mentalités évoluent très rapidement, et j'ai le plaisir d'inaugurer dans deux jours, en Lorraine, une usine de fabrication de sacs plastiques biodégradables.

Monsieur Lambert, la France défend la nécessité de fixer un prix plancher pour le carbone, mais nous devons agir en coopération avec les autres pays européens. La programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit la fermeture des centrales à charbon en France à l'horizon de 2023 – et si possible avant cette date. Notre pays a été le premier à supprimer les subventions au charbon, et il nous faut maintenant accompagner la mutation industrielle, qui permettra de maintenir les emplois et même d'en créer de nouveaux.

Le prélèvement de 90 millions d'euros sur le fonds de roulement excédentaire de l'ADEME ne sera pas reconduit en 2017, et les besoins pour 2018 seront couverts. Les aides de l'ADEME sont bonifiées dans les territoires à énergies positives, sur la subvention de trois fois 250 millions qui leur est dédiée, et je signerai plus de cent bonus de 50 % à des projets soutenus par l'ADEME. L'Agence constitue le principal opérateur des investissements d'avenir et gère, à ce titre, 3 milliards d'euros. Elle mettra en oeuvre l'an prochain le troisième programme d'investissements d'avenir, qui consacrera 60 % de ses crédits à la transition énergétique. Jamais cet opérateur n'aura autant été mis en valeur, tant au niveau domestique qu'à l'extérieur, car il appuie également certaines coalitions internationales. Il relève du ministère et de l'État, et il importe que les citoyens et les entreprises sachent que son budget est voté par les parlementaires et qu'il ne s'agit pas d'une structure autonome. Je rappelle régulièrement à l'ADEME que chacune de ses actions doit être estampillée « ministère de l'environnement », pour faire savoir que ce sont des fonds publics qui alimentent une dynamique, articulée avec les autres ministères, les territoires et les filières industrielles concernés, visant à l'application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

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