J'ai effectivement présenté le 5 octobre dernier en commission de la défense le projet de loi de finances pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » qui relève de ma responsabilité.
Plusieurs questions m'ont été posées sur les priorités et choix politiques qui transparaissent dans ce budget et que j'assume totalement. Ils reposent sur quatre éléments : j'ai souhaité maintenir l'ensemble des droits des anciens combattants, tandis qu'aucun dispositif ne sera remis en cause en 2017 ; j'ai voulu répondre aux attentes et aux revendications du monde combattant et des associations ; j'ai eu le souci constant de conduire une politique juste, sociale, volontariste et responsable, qui s'inscrit dans la cohérence des politiques de réparation et de reconnaissance conduites depuis 2012 ; enfin, je n'ai pas besoin de préciser les contraintes budgétaires. La légère baisse du budget de 2,6 % en 2017 représente la contribution de ce ministère au rétablissement des finances publiques.
Bien évidemment, compte tenu de la baisse naturelle du nombre de bénéficiaires, le budget des anciens combattants est en baisse, mais c'est une baisse très limitée, de 2,6 %, soit deux fois moindre que celle constatée entre 2015 et 2016, qui s'élevait à 4,9 %. Ainsi, les moyens alloués en 2017 à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s'élèvent à 2,445 milliards d'euros.
Du seul point de vue quantitatif, c'est donc un bon budget que celui des anciens combattants – et non le budget d'un ministère « à la diète », comme j'ai pu le lire –, puisqu'il permettra une hausse significative du montant moyen des pensions servies aux bénéficiaires de la dette viagère.
C'est un bon budget du point de vue quantitatif. Je peux dire qu'il l'est aussi sur le plan qualitatif. Il intègre en effet quatre mesures concentrées sur les anciens combattants eux-mêmes.
Comme l'a dit le rapporteur spécial, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit la revalorisation de la retraite du combattant de quatre points, dont deux points dès le 1er janvier.
Le Gouvernement ayant arbitré en faveur de mesures de revalorisation des indices et grilles de la fonction publique, la valeur du point PMI augmentera de 3 % en 2017. C'est donc une revalorisation de la retraite du combattant de 11 % en un an : aujourd'hui équivalente à 674 euros, elle atteindra plus de 700 euros dès le 1er janvier et plus de 750 euros au 31 décembre 2017.
Cette mesure est une très bonne nouvelle, car elle répond à une revendication ancienne des associations. J'ai choisi de la mettre en oeuvre dès 2017, en cohérence avec la ligne arrêtée en 2012 par mon prédécesseur. Cela imposait aussi de prendre, comme le Gouvernement précédent l'avait fait lui aussi, des mesures spécifiques de justice sociale et d'équité pour améliorer la condition des populations les plus démunies, veuves et conjoints survivants des grands invalides. Elles sont en oeuvre depuis le 1er juillet. Il est peut-être trop tôt pour en dresser le bilan, mais il pourra être établi l'an prochain sur une année complète.
J'ai également voulu prendre une mesure qui touche toutes les générations du feu, des anciens ayant participé à la Seconde Guerre mondiale aux soldats engagés dans des opérations extérieures, en passant par les anciens d'Indochine ou d'Afrique du Nord, dont les harkis. Cette mesure de revalorisation témoigne de ma volonté d'accorder une attention particulière à chacune des générations combattantes, et de leur à exprimer à toutes une même reconnaissance et une même solidarité.
Par ailleurs, parmi ces anciens combattants, une population exige de notre part une action spécifique. Aussi les harkis, conjoints et ex-conjoints survivants vont-ils bénéficier d'une revalorisation de l'allocation de reconnaissance à hauteur de 100 euros par an, dans le prolongement du plan harkis lancé en 2014 par le Premier ministre et qui prévoyait déjà une revalorisation de 167 euros en 2016. C'est donc une augmentation d'au moins 8 % en deux ans. Pour les harkis, cette revalorisation vient s'ajouter à celle de la retraite du combattant.
Cette mesure s'inscrit dans le cadre plus large de la politique de reconnaissance, de réparation et d'hommage aux harkis. Le plan présenté en 2014 par le Premier ministre en constitue une étape fondamentale et la journée nationale du 25 septembre dernier, présidée par le Président de la République, a été l'occasion de renouveler le témoignage de reconnaissance et le message de responsabilité de la France envers les harkis. C'était une réaffirmation, au plus haut niveau de l'État, d'une reconnaissance déjà traduite en actes et en mots depuis plusieurs années.
L'action budgétaire, à travers ces deux premières mesures, se concentre donc sur les anciens combattants eux-mêmes, toutes générations confondues. Elle prend aussi en compte les populations les plus en difficulté pour lesquelles un effort supplémentaire est consenti, comme c'est le cas depuis 2012. C'est ainsi que la politique sociale de l'ONACVG se trouve ainsi renforcée, avec 1 million d'euros supplémentaires, soit 31 % d'augmentation depuis 2012.
Cet effort financier accompagne la refonte de la politique d'action sociale de l'Office engagée pour remplacer l'aide différentielle au conjoint survivant mise en place sous la précédente majorité, mais qui présentait un risque juridique. Il s'agit d'améliorer la situation des plus démunis, des plus fragiles et des plus isolés. Comme je m'y étais engagé l'an dernier, un rapport a été rédigé, que j'ai communiqué aux parlementaires. Marie-Christine Dalloz et Régis Juanico conduisent également des travaux sur ce dossier de refonte.
Ces documents témoignent des résultats positifs obtenus lors du premier semestre. Désormais l'action sociale est en mesure de mieux aider – 25 % des veuves ayant par exemple perçu davantage en six mois – et de mieux accompagner. C'est la vocation première de l'Office que d'être à l'écoute de l'ensemble de ses ressortissants. L'action sociale concerne tous ceux qui sont les plus en difficulté : les anciens combattants, les conjoints survivants et les victimes d'actes de terrorisme, sur lesquels je veux m'arrêter un instant.
Je veux d'abord rappeler que, à la suite des attentats perpétrés dans notre pays, la réaction de l'État a été immédiate pour mobiliser les ressources nouvelles et les dispositifs déjà en place. Depuis 1990, les victimes d'attentats sont considérées comme des victimes de guerre. Elles sont, à ce titre, ressortissantes de l'ONACVG, qui a répondu avec réactivité et professionnalisme aux nombreuses sollicitations.
Ainsi en 2016, à la suite des attentats de 2015, soixante-quatorze personnes ont été adoptées par la Nation en qualité de pupilles. Elles bénéficieront ainsi d'un soutien matériel et moral et d'une protection supplémentaire à vie. C'est avec une vision de long terme que nous avons souhaité prendre en charge ces nouvelles victimes et pupilles. C'est pourquoi l'Office accompagne aujourd'hui plus de 2 000 victimes directes d'actes de terrorisme ou de familles de victimes décédées, blessées ou choquées.
Enfin, je regrette la concurrence des souffrances et des mémoires que certains essaient d'attiser en soulevant une mauvaise querelle : la création de la médaille d'hommage aux victimes du terrorisme est une manière de saluer le courage avec lequel ces femmes et ces hommes doivent se reconstruire. Cette médaille n'entend ni hiérarchiser ni opposer les victimes, bien au contraire.
S'agissant du monde combattant, je voudrais à présent dire un mot de la nouvelle génération. Ce projet de budget vient confirmer l'attention particulière portée aux soldats au retour d'opérations extérieures. Il tient compte de l'élargissement des critères d'obtention de la carte du combattant – 120 jours de présence sur un théâtre d'opérations extérieures. Aussi, depuis le 1er octobre 2015, 24 300 cartes ont été distribuées.
Au titre de la réparation, ce budget tient compte de la particularité des conditions de l'engagement militaire d'aujourd'hui, puisqu'il prévoit la suppression de la condition d'âge de quarante ans pour l'octroi du supplément « enfant à charge » au conjoint ou partenaire survivant d'un militaire blessé. Elle concerne au maximum une centaine de conjoints et partenaires survivants, pour une enveloppe de 130 000 euros. C'est une mesure d'équité qu'il nous fallait prendre, cette condition d'âge n'ayant aucun fondement, surtout lorsque l'on parle d'enfant à charge. Elle doit permettre de rassurer le militaire et de faciliter le quotidien du conjoint ou partenaire demain, en cas de décès.
La reconnaissance à l'égard de cette génération trouvera enfin une nouvelle traduction, outre la création d'une carte opérations extérieures (OPEX), dans le lancement en 2017 du chantier de construction du mémorial en hommage aux soldats morts pour la France. Ce projet, lancé il y a plusieurs années, a tenté de se fixer en différents endroits – du côté de la place Vauban, dont le voisinage a, hélas, signifié son refus – et son calendrier s'est trouvé régulièrement bouleversé. Aujourd'hui, la question de l'emplacement est résolue. Le monument sera érigé dans le parc André Citroën, dans le XVe arrondissement. J'espère que la pose de la première pierre pourra intervenir, en présence du Président de la République et des plus hautes autorités, à la fin du premier trimestre 2017.
Le concours a été lancé il y a deux semaines. Le jury comprend des personnalités éminentes, tels Pierre Nora, l'inventeur des lieux de mémoire, le sculpteur Giuseppe Penone ou encore Philippe Prost, architecte de l'anneau de la mémoire de Notre-Dame-de-Lorette. J'ai demandé au gouverneur militaire de la place de Paris de présider ce jury. Y siégeront également les associations d'anciens combattants OPEX, la mairie de Paris, en la personne de Mme Catherine Vieu-Charrier, et celle du XVe arrondissement, représentée par son maire et par M. Jean-François Lamour, qui sera son suppléant. Le jury annoncera le nom du candidat retenu dans le courant du mois de février. Une cérémonie de lancement des travaux pourrait alors être organisée à la fin du premier trimestre.
L'ensemble de ces politiques de reconnaissance et de réparation à l'égard du monde combattant ne serait pas possible sans les structures d'accueil, d'écoute, d'aide et d'accompagnement que sont l'ONACVG et l'Institution des Invalides. La première fête en 2016 son centième anniversaire. Le 11 novembre prochain doit être l'occasion de rappeler le coeur de ses missions depuis un siècle et sa capacité à s'adapter à l'évolution du monde combattant – avec notamment l'entrée des harkis et rapatriés, mais aussi des soldats de retour d'OPEX ou des victimes d'attentats terroristes au nombre de ses ressortissants. Les services départementaux, quant à eux, sont, dans nos territoires, un indispensable relais des politiques de réparation, de reconnaissance, de solidarité et de mémoire.
S'agissant du transfert des établissements médico-sociaux, les services de l'ONACVG travaillent en lien avec les agences régionales de santé et les comités départementaux afin de respecter le délai fixé au 31 décembre prochain par la loi de finances pour 2014. Ce transfert doit garantir les droits des personnels et les règles sociales existantes.
Dès mon entrée en fonctions, j'ai mesuré l'importance que les anciens combattants accordaient à l'Institution nationale des Invalides. Le jour même, j'ai reçu des représentants de l'INI. J'ai décidé de soutenir le projet de pérennisation de l'institution, afin qu'elle s'inscrive en complémentarité avec les autres structures du parcours de soins et continue d'offrir des prestations de qualité aux anciens combattants, pensionnaires et blessés en opérations. Aujourd'hui, outre les 12,1 millions d'euros accordés à l'INI, une dotation exceptionnelle de 5 millions d'euros permettra le lancement de ces travaux, qui devraient représenter 50 millions d'euros. Je n'ai pas trop d'inquiétude sur les financements, qui s'étendront sur plusieurs années budgétaires. Cela s'inscrit dans le prolongement de la nécessaire modernisation de l'INI. Bien entendu, ces travaux ne doivent en rien dégrader la qualité du service qui est rendu par l'institution à ces invalides. Je m'assurerai que la présidente de l'INI veille à cette prise en charge optimale pendant les travaux. C'est la moindre des choses que nous devons à nos invalides.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez évoqué le transport des blessés. Il doit bien entendu être confié à des professionnels. Nous privilégions une solution en partenariat avec une société d'ambulances. Le principe d'un accompagnement systématique lors du transport est mis en place. Tout cela devrait garantir une bonne installation des blessés et la mise en oeuvre de matériel adapté, comme du bon déroulement de la mission de transport des blessés. Dès le début, le monde combattant m'a alerté sur ce dossier. Une meilleure prise en compte des besoins des patients est désormais effective. Je reste vigilant à ce sujet.
Je reviendrai sur un sujet qui vous passionne, mesdames et messieurs les députés, puisqu'il se décline sur l'ensemble de nos territoires : j'ai décidé de consolider pour 2017 une ambitieuse politique de mémoire, avec des moyens maintenus à 22,2 millions d'euros. Derrière cette volonté, il y a plusieurs enjeux. Il s'agit d'abord de faire face aux défis de l'année 2017 qui sera celle du centenaire de la bataille de Vimy, de l'entrée en guerre des États-Unis ou de l'offensive du Chemin des Dames, ce qui permettra de préparer l'année commémorative 2018, dernier acte du centenaire de 1914-1918. Il y a ensuite l'enjeu de transmission de la mémoire aux jeunes générations à travers les actions pédagogiques et la mobilisation de ressources nouvelles, comme le numérique et les nouvelles technologies.
Il y a enfin l'enjeu de valorisation de nos lieux de mémoire et d'approche patrimoniale des sites sur lesquels l'histoire s'est jouée. C'est une manière de développer le tourisme de mémoire, sur l'ensemble de nos territoires, de faire parler nos lieux, quand tous les témoins se sont tus, et d'encourager les plus jeunes à s'y rendre. Même si l'on peut le regretter, la mémoire ne peut plus se transmettre exclusivement à l'occasion des cérémonies. Elle exige désormais une véritable politique patrimoniale qui trouve sa force dans les dimensions éducative et culturelle qui l'accompagnent.
J'ai brièvement évoqué les futurs temps forts du centenaire pour 2017, mais je n'oublie pas les autres mémoires que j'ai à coeur d'honorer : celles de la Seconde Guerre mondiale – j'étais la semaine dernière en Dordogne pour commémorer le premier parachutage simultané d'hommes et d'armes en 1941, et dimanche à Châteaubriant pour saluer la mémoire des fusillés d'octobre 1941 – ; celle des victimes de la guerre d'Algérie, que le Président de la République a honorées le 19 mars au quai Branly et le 25 septembre aux Invalides. Le temps est venu d'apaiser les mémoires, toutes les mémoires. Je m'inscris dans cette démarche d'apaisement. Les mémoires de la guerre d'Indochine dont nous célébrerons en décembre le soixante-dixième anniversaire du début du conflit seront également honorées comme il se doit. Enfin, je l'ai dit, les soldats morts en OPEX auront leur monument.
L'année 2017 sera aussi une année importante au regard de la valorisation du patrimoine de pierre. Je pense par exemple au mémorial du Mont Faron dont, le 15 août 2014, le Président de la République a annoncé la rénovation. Le futur mémorial sera inauguré, je l'espère, par le Président de la République à la fin du premier trimestre.
D'autres hauts lieux de la mémoire nationale connaissent actuellement un projet de rénovation, à l'image de l'ancien camp Natzweiler-Struthof. En lien avec les collectivités territoriales, notamment la région Grand Est, je m'y rendrai pour signer le rachat de l'auberge qui abritait le commandement nazi occupant ce camp.
Par ailleurs, à quelques jours du 11 novembre, je veux rappeler l'attention toute particulière portée aux sépultures de guerre. Le centenaire de la Grande Guerre a en quelque sorte engagé la société dans une sorte de patrimonialisation des sépultures, encourageant l'État à conduire des actions de rénovation et de valorisation. Aussi, le budget consacré aux sépultures de guerre et aux lieux de mémoire s'élèvera à 14,9 millions d'euros en 2017, dont 1,91 million d'euros consacrés au tourisme de mémoire, soit une augmentation de 16 % par rapport à 2016.
Les moyens alloués aux politiques de mémoire sont aussi l'occasion de soutenir des projets pédagogiques. Pour l'année scolaire en cours, plus de 500 projets éducatifs sont subventionnés par le ministère de la défense.
Le lien armée-Nation se renforce aussi autour de la Journée défense et citoyenneté qui accueillera près de 800 000 jeunes en 2017. J'ai reçu il y a quelques jours le général Pontiès, directeur du service national. Conjointement avec l'Éducation nationale, des réflexions sont effectivement menées pour essayer d'organiser une deuxième journée. Le travail de coordination mené par le général Pontiès aboutira à des propositions dans les prochaines années.
Telles sont les grandes lignes de ce budget. Elles traduisent financièrement l'ensemble des priorités que je me suis fixées, dans un souci de cohérence avec les budgets précédents et de justice à l'égard de nos anciens. J'ai obtenu les moyens nécessaires pour conduire ces actions grâce à l'appui du secrétaire d'État au budget et avec le soutien du Premier ministre.
Ces priorités traduisent aussi des engagements pris devant vous et devant le monde combattant, dont je réunis régulièrement les représentants. Elles traduisent enfin des choix politiques, ceux du Président de la République, qui sont celles de la justice sociale, de la démocratie apaisée et de la jeunesse.