Intervention de Franck Reynier

Réunion du 27 octobre 2016 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires culturelles - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFranck Reynier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les grands organismes de recherche :

Monsieur le secrétaire d'État, depuis le début du quinquennat, je l'inquiète du ralentissement continu de l'effort financier de l'État en faveur de la recherche. Le Gouvernement a beau présenter la recherche comme l'une de ses priorités, le compte n'y est pas. En apparence, le budget des organismes de recherche connaît une augmentation. Mon avis budgétaire vous alerte pourtant sur le fait que la subvention accordée aux grands organismes masque une stagnation, voire, pour certains d'entre eux, une baisse des crédits qui leur sont accordés.

Cette situation s'explique par des mesures gouvernementales qui affectent la politique française de la recherche : la hausse du point d'indice des fonctionnaires ; la mise en oeuvre de la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) au 1er janvier 2016 pour les grands organismes ; la multiplication des lettres de missions et d'expertises non accompagnées de financements appropriés de la part des ministères

L'ensemble de ces éléments consomme l'essentiel de la hausse des crédits budgétaires demandée pour 2017. Au-delà des discours volontaristes, mettant l'accent sur l'importance de la recherche, vous devriez consacrer les moyens nécessaires à ce secteur.

Si l'on prend en compte les contraintes résultant des obligations de mise en réserve, ainsi que l'impact du glissement vieillesse technicité (GVT) sur leur budget de fonctionnement, nombre d'organismes de recherche voient à nouveau leurs marges de manoeuvre réduites au minimum.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, attirer votre attention sur trois organismes qui, à mon sens, trahissent bien l'absence de vision stratégique du Gouvernement : l'INRIA, le CNES et le CEA.

Année après année, depuis 2010, l'INRIA a vu ses marges de manoeuvre se réduire. Une fois payée la masse salariale, les sommes disponibles pour le fonctionnement, les investissements et en particulier la capacité de l'INRIA à lancer de nouveaux projets scientifiques ou de mettre en oeuvre des actions de transfert, ont chuté de 13,3 millions d'euros en six ans, soit de plus de 26 %. Je regrette profondément la suppression du dispositif postdoctoral, qui pénalise l'attractivité de l'INRIA auprès des jeunes chercheurs. Le succès des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) devrait nous convaincre de faire du numérique une véritable priorité. Monsieur le secrétaire d'État, comment pouvez-vous ainsi réduire la capacité d'investissement d'un organisme comme l'INRIA, qui constitue pour la France un atout considérable en termes de retombées économiques et de croissance ?

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une stabilisation des ressources budgétaires du CNES. En effet, la hausse affichée est essentiellement due aux mesures sociales que j'ai évoquées (point d'indice et GBCP) et à la contribution française à l'Agence spatiale européenne, à hauteur de 74 millions d'euros. Cette stabilisation constitue un réel problème pour la politique spatiale de la France. Il est en effet essentiel qu'un établissement comme le CNES conserve une capacité à mener des dépenses de recherche et de développement significatives et maintienne dans sa programmation des ouvertures de nouvelles missions.

Enfin, pour 2017, le projet de loi de finances prévoit, pour le CEA, une subvention en hausse de 9,9 millions d'euros. Cette hausse correspond à l'annuité prévue par le contrat signé entre le CEA et l'État. Elle est pourtant en trompe-l'oeil. Un tel montant de subvention ne permet pas de couvrir les surcoûts liés aux réformes de la hausse du point d'indice et de la GBCP ni le renforcement de la protection des sites civils du CEA, estimé à 18 millions d'euros en 2017.

Ce budget ne permet pas au CEA de pérenniser son activité, car le Commissariat va connaître d'ici à quelques années des besoins d'investissement très importants liés au vieillissement de ses sites nucléaires qui arrivent en fin de cycle et qui devront être remplacées ou rénovées. Le CEA estime ainsi qu'il manque un investissement de 200 à 300 millions d'euros par an supplémentaire pour faire face aux problèmes de soutenabilité de la filière à moyen terme. Avez-vous déjà anticipé cette augmentation significative – mais néanmoins indispensable – des besoins du CEA à partir de 2017 ?

Cetteabsence de vision stratégique met en lumière un manque de pilotage de l'État, que trahissent également une absence de vision de long terme de la politique énergétique – la fermeture annoncée de réacteurs ne s'accompagne pas du développement suffisant de modes de production alternatifs – et une absence de diversification de l'offre nucléaire française qui se concentre sur le développement de réacteurs de type EPR, avec les aléas actuels connus en termes de coûts : il est important que l'État retrouve son rôle de stratège pour l'industrie nucléaire et pousse à une diversification au travers d'une gamme diversifiée de réacteurs, notamment avec des modèles de 1 000 mégawatts.

Au-delà de l'éclairage apporté autour de ces trois organismes, c'est une vision plus globale et plus ambitieuse pour notre recherche que nous sommes en droit d'attendre. Pour ces raisons, monsieur le secrétaire d'État, j'appellerai à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

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