Intervention de Thierry Mandon

Réunion du 27 octobre 2016 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires culturelles - développement durable

Thierry Mandon, secrétaire d'état chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche :

En ce qui concerne la progression de la démographie étudiante, on ne peut pas nous accuser de procrastination, monsieur Reiss. Tout le monde a été impressionné par la progression très importante, à partir de 2014, du nombre des étudiants, progression qui n'a rien à voir avec la démographie lycéenne. Il s'agit en effet d'un mouvement très profond de la société : un certain nombre de jeunes, appartenant à des catégories très larges de la population, considèrent désormais – ce qui nous réjouit, par ailleurs – qu'ils seront mieux armés pour les années qui viennent s'ils suivent une formation de l'enseignement supérieur.

Cette évolution est due, non pas à une simple translation des lycéens vers les universités, mais à un changement du rapport culturel que les jeunes générations ont à l'enseignement supérieur. De ce fait, elle ne pouvait pas être prédite. En revanche, vous avez raison, le système est soumis à une tension très forte qui nous oblige à repenser non seulement les moyens attribués à l'université – d'où l'effort consenti en 2017, qui devra probablement être prolongé durant deux ou trois années –, mais aussi la pédagogie, car, face à des étudiants très nombreux et très différents, les programmes doivent être plus personnalisés.

À ce propos, il n'y avait aucune malice dans mon interpellation, qui exprimait plutôt un regret, regret que je réitère, car il ne faut pas masquer nos désaccords lorsqu'ils existent. J'entends des candidats à la primaire nous annoncer qu'ils vont opérer des coupes drastiques dans les dépenses publiques, supprimer plusieurs centaines de milliers d'emplois. Or aucun d'entre eux ne précise que ces mesures ne toucheront ni l'école, ni l'enseignement supérieur, ni la recherche, où se trouvent, chacun le sait, les principaux bataillons de l'emploi public. Je suis donc inquiet. Quels que soient les reproches que vous puissiez nous faire, nous avons veillé, au cours de ce quinquennat, à ne jamais supprimer de postes dans ce secteur. Au contraire, nous en avons créé, tant à l'université que, même si cela a été plus difficile, dans la recherche. Ainsi, je me félicite que, cette année, nous recrutions plus de chercheurs qu'il n'en part à la retraite, ce qui n'était pas le cas les années précédentes puisque nous compensions simplement les départs. Encore, une fois, nous n'avons jamais touché aux effectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche, et ce qui s'annonce – sous réserve, évidemment, des résultats des élections – m'inquiète, et il est bien naturel que j'exprime cette inquiétude dans le cadre de la discussion prospective que nous avons. Lorsque j'entends un certain nombre de personnes nous critiquer sur ce point alors que les formations auxquelles elles appartiennent préparent des plans sociaux de grande ampleur dans l'université et la recherche, je m'interroge sur la cohérence de leurs positions.

Madame la présidente, les thématiques et les priorités de la recherche ont fait l'objet d'une discussion qui a abouti à la publication, l'an dernier, de la stratégie nationale de la recherche ; ce document est accessible à tous et il est bien connu de vous. J'ajoute que le choix a été fait de répartir les financements à parts égales entre la recherche fondamentale et la recherche applicative. Quant au crédit d'impôt-recherche, le Président de la République avait indiqué qu'il le sanctuariserait sur la durée du quinquennat. C'est ce qui a été fait : les règles n'ont pas été modifiées. Les crédits, en revanche, ont évolué. À ce propos, je dois vous dire ma perplexité. Je me souviens en effet que, lorsque j'en étais membre, au début de la législature, la commission des finances avait voté un crédit d'impôt-recherche qui s'établissait à 3,6 milliards d'euros. Aujourd'hui, il s'élève à 5,8 milliards. Or on constate qu'au cours de cette période, le taux des dépenses privées consacrées à la recherche n'a absolument pas évolué. Je ne comprends pas que la puissance publique, alors qu'elle a doublé ses financements, ne parvienne pas à déclencher une accélération du taux de financement de la recherche privée par les acteurs privés. J'ai donc décidé de commander à un laboratoire indépendant une étude sur ce sujet. Je le fais sans aucun esprit polémique ; je souhaite simplement comprendre pourquoi, plus les efforts de l'État sont importants, plus les dépenses privées stagnent.

Sur la maladie de Lyme, je vous répondrai par écrit, car je ne dispose pas des éléments nécessaires pour apporter une réponse à vos questions.

M. Serville m'a interrogé sur Kourou et sur l'université de Guyane. Le véritable enjeu, pour Kourou, est la réussite d'Ariane 6 ; or c'est bien parti. J'ai visité le futur pas de tir, qui est en cours de préparation, j'ai pu constater les efforts consentis pour renforcer les synergies entre Airbus Safran Launcher – ASL – ex-Arianespace, et le CNES : si Ariane 6 parvient à être aussi fiable qu'Ariane 5 – soixante-quatorze lancements successifs réussis – pour un coût deux fois moindre, la plateforme aura de très beaux jours devant elle. Aussi, je vous rassure : ces 93 millions d'euros suffisent largement à offrir un bel avenir à la plateforme de Kourou.

Par ailleurs, nous avons consenti un effort considérable en faveur de l'université de Guyane – qui en avait vraiment besoin – puisque soixante-quatre postes supplémentaires ont été financés entre 2013 et 2016. Elle bénéficiera en outre, en 2017, d'affectations supplémentaires au titre des 1 000 emplois. Enfin, cette université, dont j'ai pu constater le succès sur place, bénéficiera, selon les mêmes règles que celles qui s'appliquent aux universités métropolitaines, d'une partie de l'enveloppe de 100 millions réservée au financement de la progression démographique.

Mme Doucet, que je sais attachée à cette cause, m'interroge sur la manière dont nous pourrions mieux préparer les bacheliers à réussir à l'université. La stratégie que nous devons mettre en oeuvre dans ce domaine repose, selon moi, sur deux piliers. Premièrement, nous devons renforcer l'innovation dans le premier cycle universitaire. Certaines universités qui ont créé des troncs communs ou des orientations en fin de première ou de deuxième année, obtiennent des résultats stupéfiants : le taux d'échec en première année de licence y baisse considérablement. Nous devons donc nous inspirer de ces dispositifs et les transférer à une plus grande échelle en utilisant les crédits du PIA 3 consacrés à l'innovation pédagogique. Il faut repenser le déroulement des premiers cycles universitaires. Je crois également, à titre personnel, que l'année de césure – qui permet aux étudiants qui le souhaitent d'interrompre leurs études durant un an pour accomplir, par exemple, un service civique – pourrait se situer entre le baccalauréat et l'université, car les étudiants français ont la particularité d'être très jeunes. On leur demande ainsi de faire des choix définitifs pour leur carrière professionnelle à un âge où il peut être prématuré de prendre de telles décisions.

Second pilier : l'orientation. Je me réjouis que la nouvelle procédure d'Admission post-bac – APB – et les efforts que nous avons faits cette année aient commencé à produire leurs premiers résultats, mais je suis convaincu qu'en matière d'orientation, tout reste à faire. Au lycée, elle doit devenir presque une matière à part entière.

M. Ledoux est revenu sur les maladies neurodégénératives, thème qu'il avait abordé lors de sa première intervention, ce qui signifie que ma réponse ne l'a pas satisfait, peut-être à juste titre. Je lui propose donc que nous nous rencontrions prochainement, avec ceux de mes services qui sont spécialisés dans ce domaine, afin que nous comprenions bien les critiques qu'il nous adresse – et dont il n'y a pas lieu de considérer a priori qu'elles sont injustifiées – et que nous puissions examiner la manière dont nous pouvons renforcer et mieux adapter les financements consacrés à la lutte contre ce type de maladies. Mon sentiment est que les travaux sont très épars et qu'il y a donc peut-être un problème de visibilité. En tout cas, ce thème mérite que nous lui consacrions une séance de travail, car il est absolument majeur.

Enfin, M. Lebreton m'a interrogé sur l'avenir de l'université de La Réunion, dont l'attractivité est très forte, puisque le nombre de ses étudiants a augmenté de 793 au cours des trois dernières années, pour atteindre un total d'environ 12 500. Elle sera donc, bien évidemment, bénéficiaire d'une partie de l'enveloppe de 100 millions et du financement des 1 000 emplois prévus. Là encore, un effort assez important a été fait ces dernières années en matière de créations de postes – mais je suis tenu à une certaine réserve puisque des élections auront lieu, je crois, à la fin du mois de novembre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion