Intervention de Gabriel Serville

Réunion du 28 octobre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - défense nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Vous connaissez aussi bien que moi le contexte particulier de la région Guyane en matière d'insécurité et de délinquance. Vous ne m'en voudrez donc pas de cantonner mon intervention à ce territoire que j'ai l'honneur de représenter, en ayant une pensée particulière pour les policiers et gendarmes de Guyane, qui doivent faire face à une criminalité toujours plus violente. Je souhaite ici leur témoigner toute ma sympathie et mon soutien sans faille.

Monsieur le ministre, depuis mon arrivée à l'Assemblée en 2012, je n'ai cessé de lancer des appels afin que notre Gouvernement se penche sur ce territoire qui sombrait chaque jour un peu plus dans un climat de délinquance, désormais banalisé. L'absence d'un véritable électrochoc d'initiative gouvernementale nous laissait perplexes tandis que la moindre attaque à main armé à Marseille ou ailleurs faisait l'objet de toutes les attentions. Quatre ans plus tard, et par votre biais, monsieur le ministre, la représentation nationale commence à prendre conscience de l'ampleur des événements qui se trament sur cette partie du territoire de la République.

Mais la situation n'a cessé de se dégrader. Ainsi, en un an, on aura noté une augmentation des atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes, avec un pic de +13 % au cours des six derniers mois. Les violences physiques et crapuleuses ont aussi augmenté de 22 %. Concernant les homicides, les chiffres sont tout aussi négatifs puisque, depuis le début de l'année, 36 personnes ont été tuées par arme à feu ou arme blanche, dont cinq au cours du seul mois août. Je rappelle que la Guyane est peuplée d'à peine 280 000 habitants, ce qui signifie que le taux d'homicides y dépasse allégrement 10 pour 1 000. Les atteintes aux biens ne sont pas en reste : +4,5 %. Bref, comme on dit : ça urge !

Toutefois, je dois reconnaitre les efforts qui sont réalisés par nos forces de police et de gendarmerie en vue de sécuriser le territoire. Votre déplacement d'il y a quelques jours témoigne de la prise de conscience du Gouvernement ainsi que de votre détermination à endiguer ces phénomènes de violence. En effet, pour inverser la tendance observée depuis des mois, vous avez promis l'arrivée de soixante policiers à très court terme, auxquels viendront s'ajouter une centaine d'autres d'ici à juin 2017. Ainsi, trois postes de fonctionnaires en police technique et scientifique doivent être ouverts afin de remettre à niveau cette branche de la police en Guyane et permettre d'agir contre les cambriolages, les homicides et les vols avec violence.

Il s'agit aussi de mieux lutter contre les réseaux liés au trafic de stupéfiants puisque, depuis quelques temps, l'aéroport de Cayenne s'est transformé en véritable plaque tournante de la drogue entre les producteurs sud-américains et les consommateurs européens. C'est dans le cadre de la lutte contre ce fléau que vous avez également annoncé la création sur place d'une antenne de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS). Outre des effectifs renforcés, vous avez également décidé la création d'une zone de sécurité prioritaire à Saint-Laurent-du-Maroni et l'arrivée de nouveaux matériels – armes, casques et véhicules – à disposition des forces de l'ordre. Autant d'annonces qui ont été accueillies favorablement par la population.

Pourtant, je dois vous avouer mon inquiétude à la lecture du budget que vous nous présentez aujourd'hui qui, s'il a le mérite d'être en légère hausse d'un peu moins de 2 % par rapport à l'année dernière, pourrait difficilement traduire les annonces ambitieuses faites à Cayenne. Et pour cause : le programme 176 « police nationale » augmente d'un peu plus de 3 millions d'euros mais on voit mal comment cette somme permettra de couvrir non seulement l'arrivée des soixante policiers prévus mais également le renforcement matériel annoncé. Le programme 152 « gendarmerie » accuse, quant à lui, une baisse de ses crédits alors que les effectifs des brigades mobiles sont annoncés à la hausse avec l'arrivée de dix-sept gendarmes supplémentaires en 2017 à Macouria, Saint-Laurent-du-Maroni et Kourou, portant à 1 000 leur nombre sur le territoire guyanais.

Monsieur le ministre, vous le savez, la polémique gronde depuis les révélations d'un média local selon lequel trente-deux gendarmes affectés sur le Haut-Maroni ont été réaffectés en Guadeloupe pour faire face à la violence qui règne également dans ce département d'outre-mer. Les Guyanais sont aujourd'hui d'une extrême méfiance en raison des annonces et promesses gouvernementales dont les concrétisations se font attendre, discréditant en cela la parole publique que nous portons collectivement. Depuis quelques temps les appels à la création de milices privées, pour se faire justice soi-même, pullulent sur les réseaux sociaux, accompagnant pêle-mêle des incitations à la haine raciale et xénophobe – autant de pratiques que je condamne avec la plus grande fermeté.

Aussi, monsieur le ministre, sans jamais mettre en doute votre détermination à régler définitivement ces problèmes – qui traduisent par ailleurs d'autres difficultés ne pouvant être imputées à votre ministère –, je vous demande solennellement de bien vouloir rasséréner les potentielles victimes, et me rassurer quant à la budgétisation, dès l'année 2017, de toutes les mesures annoncées en faveur de la lutte contre l'insécurité en Guyane. La solidarité de mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine pourrait alors s'exprimer par le biais d'un vote pleinement significatif de satisfaction ou de déception.

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