Intervention de Christine Pires Beaune

Réunion du 25 octobre 2016 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances sur les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales des outre-mer :

Je suis très heureuse de venir parler devant vous de finances locales, mais je suis loin d'être une spécialiste. Le sujet est tellement vaste que notre hémicycle ne compte peut-être qu'un seul vrai spécialiste, Gilles Carrez, du fait de ses nombreux mandats et de son rôle au sein du comité des finances locales.

Pour ma part, je connais un peu le sujet de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour m'y être consacrée pendant de longs mois. J'ai malheureusement constaté, avec beaucoup d'entre vous, que le rapport que j'avais rédigé avec le sénateur Jean Germain a été enterré. L'année dernière, le PLF prévoyait une réforme de la DGF dont l'application avait été repoussée au 1er janvier 2017 : parce que de nouvelles communautés de communes étaient en train de se constituer et que la carte intercommunale en serait profondément modifiée, il paraissait préférable d'attendre. Or cette année, le PLF prévoit tout simplement la suppression de l'article 150 de la loi de finances pour 2016, c'est-à-dire la suppression de la réforme de la DGF…

Pour ma part, je regrette cette décision. Lors de la remise de notre rapport, il y a un peu plus d'un an, toutes les associations d'élus s'accordaient sur la nécessité d'une réforme d'une DGF devenue compliquée, illisible et inéquitable : il arrivait fréquemment que deux communes dans la même situation reçoivent des dotations différentes de la part de l'État.

Mais dès qu'il s'est agi d'entrer dans le détail des solutions proposées, les avis ont divergé, et à l'exception de l'Association des maires ruraux qui voulait maintenir la réforme de la DGF, toutes les associations d'élus ont demandé plus de temps pour mettre en oeuvre une réforme différente de celle proposée à l'article 150. Surtout, ces associations avancent maintenant qu'il faut une loi spécifique sur les finances des collectivités locales. Lors du dernier congrès de l'Association des maires de France, son président a accédé à la demande d'une loi spécifique à partir de 2018.

Je ne sais si cette loi verra le jour. De nombreuses questions compliquées à régler se posent, ne serait-ce que celle du calendrier. Devant quelle chambre cette loi spécifique va-t-elle venir en priorité ? En tant que loi de finances, elle devrait être présentée en priorité devant l'Assemblée nationale ; mais elle devrait être votée avant le projet de loi de finances, puisque nous avons un objectif de dépenses publiques à respecter. Je ne sais pas comment tout cela pourra s'articuler, et je suis plutôt dubitative sur les chances de voir un jour une loi de finances consacrée aux collectivités locales.

On parle souvent d'« araignée » pour décrire l'architecture de la notion globale de fonctionnement. En gros, il existe une DGF du bloc communal, une DGF des départements et une DGF des régions.

Pour ce qui est du bloc communal, la DGF se compose d'une dotation forfaitaire et de la dotation d'aménagement, qui inclut les dotations de péréquation et les dotations des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale). Il n'existe pas de DGF des EPCI à proprement parler. Une des pistes de la réforme que nous proposions était de créer une DGF propre aux EPCI, mais elle est aujourd'hui incluse dans la dotation d'aménagement, avec les dotations de péréquation.

Les communes d'outre-mer ne bénéficient pas d'un régime particulier pour la dotation forfaitaire : c'est le droit commun qui s'applique donc.

Il n'en est pas de même pour les dotations de péréquation. Rappelons qu'il faut distinguer deux formes de péréquation : la péréquation dite verticale, constituée des dotations versées par l'État aux collectivités, et la péréquation horizontale, constituée des dotations versées entre collectivités, gérée à travers le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC).

Il existe trois dotations de péréquation verticale principales : la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation nationale de péréquation (DNP).

Les communes d'outre-mer bénéficient de deux quotes-parts spécifiques, une quote-part DSUDSR et une quote-part dotation nationale de péréquation (DNP). Le montant des enveloppes est déterminé en appliquant au montant total de la dotation de droit commun un ratio de population majoré de 33 %. Le résultat est la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (DACOM). C'est ce calcul qui détermine l'enveloppe.

Le mode de répartition de cette enveloppe diffère également de celui appliqué en métropole ; certains critères sont communs, d'autres sont spécifiques. La répartition repose naturellement sur des critères de démographie, autrement dit sur la population, mais elle est également fonction de la superficie, de l'éloignement du chef-lieu du territoire et de critères financiers : impôts ménages pour les départements d'outre-mer et centimes additionnels pour la Polynésie Française et la Nouvelle-Calédonie

La loi de finances pour 2016 a un peu changé les choses afin que les territoires d'outre-mer soient moins pénalisés par la contribution au redressement des finances publiques (CRFP). La CRFP est payée par toutes les collectivités, qu'elles soient en difficulté ou non. Elle est calculée en prenant le total des recettes réelles de fonctionnement de la collectivité, auquel on applique un pourcentage identique pour tous. L'année dernière, celui-ci était d'un peu moins de 2 % pour les communes.

La loi de finances pour 2016 a modifié le périmètre des recettes réelles de fonctionnement pris en compte pour le calcul de la CRFP des communes des départements d'outre-mer : pour ces communes, l'assiette de calcul de la contribution est diminuée des recettes qu'elles perçoivent au titre de l'octroi de mer. Cela a eu pour effet d'en diminuer le poids pour elles.

Pour 2016, le montant de la dotation d'aménagement – qui regroupe l'enveloppe des EPCI et les dotations de péréquation – s'élève à 3,9 milliards d'euros au plan national, ce qui représente une augmentation de 8,14 % par rapport à 2015. Ces dernières années, un énorme effort de péréquation est réalisé. Mais cet effort énorme est supporté par toutes les collectivités, pas par l'État, puisque la péréquation se finance au sein de ce que l'on appelle l'enveloppe normée.

La somme des deux quotes-parts destinées aux communes d'outre-mer, après application du rapport majoré de population précité, s'établit à 210 millions d'euros, soit une progression de 7,7 % par rapport à 2015.

Dans le détail, c'est la quote-part DSUDSR qui a le plus augmenté, de 9,95 % par rapport à 2015, pour s'établir à 168,2 millions d'euros. Sur cette somme, 129,8 millions d'euros ont été répartis au profit des communes des départements d'outre-mer, y compris le département de Mayotte, et 38,3 millions d'euros bénéficient aux communes des collectivités de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La quote-part DNP des communes d'outre-mer s'établit quant à elle à 42,37 millions d'euros pour 2016, en diminution de 0,41 %.

Pour 2017, quelques mesures prévues dans le projet de loi de finances vont dans le bon sens.

La dotation d'aménagement des communes d'outre-mer (DACOM) est actuellement calculée par application au montant total de la dotation d'aménagement d'un coefficient majoré de 33 %. L'article 59, alinéa 15 du projet de loi de finances propose de porter cette majoration à 35 %. Faute de simulations, je ne peux pas vous dire la somme que cela représente, mais cela va plutôt dans le bon sens.

Le même article 59 prévoit l'attribution au département de Mayotte d'une part de DGF régionale pour financer l'exercice de certaines compétences régionales par le département. Cette dotation s'élèvera à 804 000 euros pour 2017.

Enfin, l'article 59 prévoit une augmentation générale, donc aussi pour les outre-mer, de 180 millions d'euros de la DSU et de 117 millions d'euros de la DSR. C'est la même progression que celle que nous avons connue en 2016. J'ai déposé un amendement pour porter l'augmentation de la DSR au même montant que celle de la DSU, soit 180 millions d'euros. Vendredi dernier, cet amendement a été repris par le Gouvernement et inclus dans un amendement global qui concerne également la ponction opérée sur les départements et les régions pour financer la hausse de la population, la carte de l'intercommunalité et les variables d'ajustement. Si cette mesure arrive au terme de la procédure, la DSU et la DSR augmenteront chacune de 180 millions d'euros.

La réforme de la DGF, telle qu'elle était proposée, aurait abouti à une augmentation de la DGF des communes des DOM de 2,2 %, car elle était favorable à certains territoires, dont les territoires d'outre-mer. Cette réforme n'est plus d'actualité, mais selon les simulations, la dotation de Saint-Benoît à La Réunion aurait augmenté de 468 000 euros, celle de Saint-Denis de 947 000 euros.

Enfin, je viens de recevoir un rapport de la Cour des comptes d'octobre 2016, réalisé à la demande du président Carrez, sur les finances publiques locales. Une partie de ses développements concerne les collectivités d'outre-mer ; il serait intéressant pour vous de le consulter.

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