Intervention de Marc Laffineur

Réunion du 25 octobre 2016 à 21:
Commission élargie : finances - affaires économiques - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances :

Madame la ministre,monsieur le président de la commission des finances,madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je suis très heureux d'assurer cette année, pour la première fois, la fonction de rapporteur spécial des crédits de la mission « Outre-mer » ; nous y sommes tous très attachés.

Comme chacun sait, l'effort financier de l'État en faveur des territoires ultramarins ne se limite pas à la mission « Outre-mer ». Il ne se réduit pas non plus à des crédits budgétaires.

Il m'est donc apparu naturel d'adopter une approche transversale dans mon rapport spécial, sans me cantonner au périmètre de la mission. J'ai par ailleurs consacré une partie de ce rapport à la Polynésie française, à la suite de mon déplacement au début du mois de juillet dernier.

Commençons tout de même par un rapide commentaire de l'évolution des crédits de la mission. De prime abord, on pourrait croire que le Gouvernement propose des crédits en augmentation par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2016. Malheureusement, il n'en est rien : cette croissance n'est qu'artificielle. Elle résulte seulement de transferts de crédits en provenance d'autres missions, pour 100 millions d'euros environ. Ces transferts concernent notamment des dotations en faveur des opérations de construction d'établissements scolaires en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, qui figuraient auparavant dans la mission « Enseignement scolaire ». À périmètre constant, les crédits baissent de 2,2 % en autorisations d'engagement et de 3,9 % en crédits de paiement.

Certes, on comprend que la mission doit prendre sa part à l'effort de redressement de nos finances publiques. On peut toutefois s'étonner de l'ampleur de cette baisse, surtout lorsque l'on sait que les crédits en question sont destinés à des territoires dont les taux de croissance démographique et les taux de chômage sont le double des taux métropolitains.

La diminution des crédits est, notamment, une conséquence de la restriction des dispositifs d'exonération de cotisations sociales. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement propose de réduire le champ des travailleurs indépendants éligibles aux exonérations. Je le déplore, compte tenu de l'importance des travailleurs indépendants pour l'économie en règle générale, et pour les économies ultramarines en particulier.

Je tiens tout de même à exprimer ma satisfaction de voir les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »augmenter. L'effort en faveur du logement est maintenu. C'est une bonne nouvelle compte tenu des besoins. Il s'agira désormais de veiller à ce que le rythme des constructions soit conforme aux ambitions – on n'en est pas encore là.

J'en viens maintenant aux différents dispositifs de crédits d'impôt et de défiscalisation. J'ai pu me rendre compte, lors de mon déplacement, de l'efficacité de ces dispositifs, pourvu que leur utilisation soit contrôlée. Rappelons qu'en loi de finances pour 2014, le législateur avait voulu que deux mécanismes de crédit d'impôt se substituent progressivement aux dispositifs de défiscalisation dans les départements et régions d'outre-mer. Mais contrairement aux mécanismes de défiscalisation, les crédits d'impôt ne permettent pas aux exploitants locaux de bénéficier de l'apport de fonds de contribuables hexagonaux. Un préfinancement est donc nécessaire.

Je vous pose donc les deux premières questions, madame la ministre : disposez-vous, à ce stade, d'éléments permettant d'évaluer l'efficacité des crédits d'impôt par rapport à la défiscalisation dans les DROM ? Les mécanismes de préfinancement de la Banque publique d'investissement (BPI) et de l'Agence française de développement (AFD) sont-ils aujourd'hui opérationnels ?

Toujours au sujet de la défiscalisation, j'ai constaté que la procédure d'agrément était très critiquée. Les délais d'instruction sont trop longs – dix-huit mois en moyenne – et certains projets économiquement utiles seraient bloqués. De deux choses l'une : soit les critères d'éligibilité prévus par la loi sont trop complexes, et dans ce cas une simplification législative pourrait être souhaitable ; soit l'application de ces dispositions n'est pas assez souple.

La vérité est sans doute entre les deux. En tout état de cause, une, simplification de la procédure me semble indispensable. Je pense qu'il faudrait déconcentrer au maximum l'instruction des dossiers. L'analyse de l'intérêt économique des projets pourrait se faire exclusivement au niveau local. Cette pratique existe pour les petits projets dans les DROM. Elle devrait être plus largement appliquée dans ces territoires, et mise en place également dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Qu'envisagez-vous, madame la ministre, pour simplifier la procédure d'agréments en faveur de l'investissement dans tousles territoires ultramarins, COM comprises ?

Enfin, je souhaiterais aborder deux sujets plus spécifiques à la Polynésie française.

Le premier concerne l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. En juillet 2016, la ministre des affaires sociales a présenté un projet de décret qui précise la notion de « risque négligeable » de la loi Morin. Où en est-on dans cette réforme de la méthode d'indemnisation ? Combien de victimes supplémentaires pourraient être indemnisées grâce à cette réforme ?

Le second est d'ordre symbolique : le remplacement du franc pacifique par l'euro est-il envisagé ? Si oui, dans quels délais ?

Madame la ministre, je trouve ce projet de loi de finances globalement décevant sur le champ de la mission, malgré quelques motifs de satisfaction.

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