Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les présidents de la commission des finances et de la commission des lois, madame la ministre, le budget de la mission « Outre-mer » du présent projet de loi de finances ne connaît pas d'évolutions majeures cette année.
Il faut saluer la stabilité globale de ce budget, qui concrétise plusieurs avancées, parmi lesquelles : le gel des abattements applicables aux entreprises dans les zones franches d'activité (ZFA) ; l'augmentation de 7,5 millions des crédits affectés au fonds exceptionnel d'investissement – même si on peut regretter que l'objectif des 500 millions ne soit pas atteint ; la hausse des crédits de la DGA (dotation globale d'autonomie) Polynésie, pour 10 millions d'euros ; l'aide au fret qui, avec la loi sur l'égalité réelle, pourra être étendue dans les relations DOMDOM, mais aussi dans les relations départements et pays tiers, ce qui est très important ; l'augmentation de l'appui au secteur public dans les outre-mer en matière d'accès aux financements bancaires et la création d'un « équivalent fonds vert » pour encourager les projets destinés à lutter contre les effets du changement climatique ; le maintien des crédits alloués au SMA (service militaire adapté) ; le financement des travaux de la future Cité des outre-mer pour environ 10 millions d'euros.
Toutefois, le fait que les nombreuses avancées concrétisées par le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle, enrichie au cours de son examen à l'Assemblée nationale, soient financées en supplément de ce projet de loi de finances amène à s'interroger. S'il n'y a pas de financement derrière, ce texte, qui est un bon texte, risque de n'être qu'un coup d'épée dans l'eau ; ce serait dommage.
Cela étant dit, le présent budget pour la mission outre-mer présente quelques écueils.
Comme l'a fait remarquer mon collègue Laffineur, la hausse des crédits de paiement d'une quinzaine de millions d'euros est de nature seulement comptable. La mission outre-mer connaît, en effet, deux transferts de financement entrants pour un total d'environ 100 millions d'euros. Or cela n'augmente pas le budget réellement affecté aux outre-mer. À structure constante, la baisse de crédits est de 80 millions d'euros, soit de 4 % du budget, par rapport à 2016.
Ensuite, le « coup de rabot » sur exonérations de charges sociales se poursuit : des coupes sont opérées dans les exonérations de cotisations sociales en faveur de l'emploi, à hauteur d'environ 70 millions d'euros nets – et même de 90 millions hors transferts. Elles concernent notamment, cette année, les charges sociales des indépendants.
Ces coupes s'ajoutent à celles appliquées depuis plusieurs années aux charges sociales patronales – à hauteur de 25 millions d'euros nets l'année dernière.
Ce choix comporte des risques : c'est une trappe à bas salaire ; il décourage la création d'emplois d'encadrement, malgré le nombre important de jeunes très diplômés qui sont formés à l'extérieur et qui ne reviennent pas chez nous ; il freine la montée en gamme des économies ultramarines. Il ne va pas non plus favoriser la création d'emplois et le développement endogène qui pourrait accompagner la mutation économique locale, pourtant bien nécessaire, que nous appelons de nos voeux.
Au-delà de cette analyse très rapide du budget, je voudrais aborder deux autres questions.
La première est celle de la jeunesse des outre-mer.
On déplore de fortes inégalités entre jeunes ultramarins et jeunes hexagonaux, qu'il s'agisse du niveau moyen de formation et du taux d'emploi.
Le système de formation est trop dépendant de la migration vers l'hexagone : après le BUMIDOM, on a l'impression que l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) créée un réflexe psychologique de départ vers l'hexagone sans espoir de retour – sauf pour des stages courts. Heureusement, le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle a pris des mesures très sérieuses, justement pour les bac +4, et les futurs contrats-cadres qui ont été mis en place pour Mayotte sont de bon augure.
Ainsi un pas a-t-il été fait en matière de migration retour. C'est très important, car le processus doit s'inverser. Il faut inciter les jeunes à revenir chez eux. Bien sûr, cela suppose que des mécanismes de développement permettent d'absorber leur retour, dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).
La seconde question est celle de l'accès à la télévision des populations ultramarines, victimes d'une double inégalité. Une inégalité quantitative d'abord, puisque nos populations n'ont accès qu'à huit, parfois onze chaînes gratuites sur la TNT (télévision numérique terrestre), contre vingt-sept dans l'hexagone – sans compter les chaînes locales. Une inégalité qualitative ensuite, puisque la TNT n'est pas diffusée en haute définition (HD) en outre-mer.
Cela étant, la mise en place de multiplex supplémentaires pour permettre la diffusion de davantage de chaînes et de passer à la HD ne sera pas sans conséquences : cela risque de mettre en difficulté les petites chaînes locales qui vont se trouver face à une concurrence inacceptable, comme la ministre l'a elle-même remarqué.
Quoi qu'il en soit, je considère qu'il faut absolument soutenir les petites chaînes locales, ce que l'on appelle les télévisions d'ultra-proximité (TUP), afin de leur permettre de tenir le coup. C'est la raison pour laquelle je proposerai un amendement, d'un coût de 1,5 million d'euros, mais qui vise surtout à inviter à la réflexion. Ces petites chaînes pourraient ainsi garder leur autonomie, sans devoir se contenter de diffuser des novelas qui viennent du Brésil, et présenter des productions clairement locales qui mettent en avant la vie locale et le peuple martiniquais.