Intervention de Ibrahim Aboubacar

Réunion du 25 octobre 2016 à 21:
Commission élargie : finances - affaires économiques - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIbrahim Aboubacar, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les Terres Australes et Antarctiques Françaises :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je ne m'appesantirai pas sur une présentation complète du budget. Je me bornerai simplement à en souligner, les lignes de force que Serge Letchimy a déjà détaillées, et à féliciter le Gouvernement, puisque la contribution du budget de l'État aux outre-mer est à nouveau en légère hausse cette année. C'est valable pour les 2 milliards d'euros de crédits de la mission « Outre-mer »que nous examinons aujourd'hui ; c'est aussi valable pour l'ensemble des crédits consacrés aux outre-mer dans ce projet de loi de finances, qui devraient avoisiner les vingt milliards d'euros.

Mais j'en viens au coeur du sujet que la commission des lois m'a confié la charge de rapporter, à savoir les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution.

En premier lieu, je veux aborder la situation de Saint-Martin. C'est une situation très spéciale puisque ce territoire, COM en droit français depuis 2007 mais RUP en droit européen, partage un environnement insulaire avec un territoire autonome néerlandais, PTOM (pays et territoire d'outre-mer) de l'Union européenne, avec une libre circulation des personnes et des biens depuis le traité de 1648, sans qu'une frontière physique ne les sépare. Les conséquences d'une telle situation se traduisent par un déséquilibre d'attractivité entre les deux parties de l'île, et une sollicitation dissymétrique des services publics situés des deux côtes de la frontière – et ce toujours en défaveur de la partie française.

Saint-Martin connaît des difficultés financières notables malgré ses efforts de redressement et son volontarisme, notamment dans la maîtrise de ses dépenses sociales. Le malaise résultant de la mise en place des institutions de 2007, s'il peut être considéré comme clos juridiquement par la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2016, ne l'est pas au regard de la nécessaire concertation entre l'Etat et les représentants locaux, qui doit présider à tout processus institutionnel outre-mer. Solder ce débat permettra de libérer les énergies, pour réussir le développement à venir de ce territoire. La commission des lois a produit en 2014 un rapport d'information en ce sens, qui peut servir de base.

Si l'on rapporte la contribution budgétaire de l'Etat sur les territoires ultramarins à leur population, Saint-Martin bénéficie très faiblement du soutien national : 1 873 euros par habitant, trois à dix fois moins que dans les autres COM – hors Saint Barthélémy. Je me demande encore cette année, madame la ministre, ce qui peut justifier un tel état de fait au regard des besoins immenses de Saint-Martin.

En deuxième lieu,les prochains mois et années vont poser avec acuité quelques questions institutionnelles.

Bien sûr, le grand rendez-vous sera celui de la Nouvelle-Calédonieen 2018, avec la consultation d'autodétermination prévue par les Accords de Nouméa. Je mesure la mobilisation du Gouvernement et du Parlement, ces deux dernières années, pour réunir les conditions du succès de ce processus. Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, de la poursuite de ces efforts, qui incluent le maintien d'un climat économique et social favorable à cette consultation ? Et dans quelle mesure la présente loi de finances peut-elle y contribuer ?

Mais au-delà de la Nouvelle-Calédonie, d'autres territoires pourraient voir leur action publique renforcée en efficacité et en lisibilité par des évolutions institutionnelles mineures et ciblées.

Je pense d'abord à Wallis-et-Futuna, archipel qui devrait bénéficier d'une loi organique dans le respect de l'article 74, mais qui est toujours organisé par une loi ordinaire de 1961, extrêmement centralisatrice. La récente visite du Président de la République semble avoir initié une dynamique d'ensemble sur tous les sujets. Pouvez-vous nous indiquer les principaux chantiers à venir dans ce cadre, et ceux devant être initiés ou portés éventuellement pas la présente loi de finances ?

La Polynésie françaiseest toujours marquée par sa transition post-nucléaire. La situation budgétaire et financière de ce territoire est en voie de stabilisation, grâce aux efforts duGouvernement local et à l'accompagnement de l'Etat. La récente visite du Président de la République a permis de débloquer un certain nombre de dossiers en souffrance. L'État a respecté ses engagements en maintenant le montant de la DGA à son niveau initial, ce que je salue. Et l'on annonce, dans les mois qui viennent, un accord entre l'État et la Polynésie. Madame la ministre, quelles en seront les répercussions sur le plan budgétaire ?

Par ailleurs, La Polynésie, très en pointe sur les sujets de lutte contre le changement climatique, s'est battue au nom des collectivités du Pacifique et au-delà, sur la mise en place d'un instrument financier équivalent au fond vert de la COP 21. Le rehaussement significatif des crédits dévolus à la bonification des prêts accordés par l'AFD, et la mise en place d'un prêt à taux zéro au profit des projets relatifs aux énergies renouvelables inscrit dans cette mission vont dans le bon sens, mais n'auront pas d'effet équivalent au fond vert. Peut-on faire des progrès dans cette direction ?

En troisième et dernier lieu, j'évoquerai les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). Ce sont des espaces fascinants que les pouvoirs publics pourraient facilement oublier au motif qu'ils n'ont pas de population résidente, donc pas de représentation au Parlement. Mais c'est un formidable enjeu de connaissance, de biodiversité et de développement durable pour une France qui s'est honorée à jouer un rôle moteur dans la négociation de l'Accord de Paris sur le changement climatique. Grâce aux TAAF, la recherche française est la première, ou peu s'en faut, dans les domaines polaires. Je veux saluer le travail fantastique réalisé par l'Institut polaire Paul-Émile Victor, pour un budget somme toute modeste.

Madame la ministre, des moyens sont inscrits depuis plusieurs années pour pérenniser la desserte par la mer de ces TAAF. Le Marion-Dufresne et l'Astrolabe ont été ou seront prochainement modernisés ou remplacés. Pouvez-vous nous assurer qu'ils resteront au service de l'activité des TAAF, comme cela l'a été jusqu'ici ? Le transfert de leur gestion à l'IFREMER, dont il est question, ne serait-elle pas de nature à disperser leur usage dans l'avenir, au détriment des TAAF ?

Pouvez-vous nous assurer enfin que la diminution de 17 % des crédits des TAAF ne menace pas les programmes de recherches menés sur ces sites et les missions de souveraineté, à un moment où, précisément, notre souveraineté sur certaines de ces îles est contestée ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion