Messieurs les présidents, madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me recevoir ce soir pour me permettre de répondre à vos questions et vous présenter le budget 2017 de la mission « Outre-mer ».
Mais avant cela, je souhaite partager avec vous la méthode que je développerai tout au long de mon action, et qui a présidé à la discussion du projet de loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer : la méthode de la coconstruction et de l'association permanente des parlementaires, pour répondre aux grands défis qui nous attendent – et que je compte appliquer également aux sujets budgétaires.
Nous sommes donc réunis aujourd'hui pour discuter ensemble du budget du ministère des outre-mer.
Il s'agit du dernier budget de ce quinquennat. Je crois profondément qu'il a été marqué par l'affirmation de la priorité que les outre-mer représentent pour le Gouvernement : des outre-mer pleinement inclus dans la République, des outre-mer au centre des priorités de la Nation, des outre-mer dotés des moyens de répondre aux défis qu'ils rencontrent.
Nous connaissons tous le contexte contraint, marqué par le redressement des finances publiques et la réduction des déficits, pour respecter nos engagements communautaires. Le sérieux budgétaire est assumé par ce Gouvernement.
La priorité outre-mer est inscrite dans le budget que nous vous présentons. Cette priorité s'est affirmée à plusieurs égards.
D'abord, parce que le budget de la mission « Outre-mer » a été maintenu au-dessus du seuil des 2 milliards sur l'ensemble de ce quinquennat, soit environ 150 millions d'euros de plus, par an, que la moyenne constatée sur la précédente mandature.
Ensuite, parce que cette majorité a renforcé les dispositifs les plus stratégiques : ceux qui participent à la création d'emplois, ceux qui tendent à donner des perspectives à la jeunesse, à soutenir l'activité économique et à favoriser l'accès au logement.
Enfin, parce que le Gouvernement s'est donné les moyens d'engager les investissements nécessaires pour construire l'avenir et accentuer tout le potentiel de nos territoires.
Telle est la stratégie que nous défendons, encore renforcée par la loi relative à l'égalité réelle outre-mer que nous discutons ensemble, et par ce budget qui se présente comme un budget entre continuité, responsabilité et investissements pour l'avenir.
La continuité dans notre action s'exprime d'abord au travers du maintien des priorités stratégiques définies dès 2012.
Nous savons que le logement est une préoccupation quotidienne pour nombre de nos concitoyens. Nous avons ainsi sanctuarisé la ligne budgétaire unique un an après le lancement du Plan logement Outre-mer. Cela réaffirme l'attention prioritaire portée au secteur du logement. Le secteur a par ailleurs bénéficié de la suppression de l'agrément fiscal des investissements en crédit d'impôt pour les opérations de construction de nouveaux logements, annoncée en juin dernier. Cette décision s'inscrit elle-même dans la continuité de la prorogation du dispositif de la défiscalisation jusqu'à 2025 dans les collectivités d'outre-mer, et du crédit d'impôt jusqu'en 2020 dans les départements d'outre-mer, actée en décembre dernier dans le projet de loi de finances pour 2016.
Je me réjouis que les arbitrages rendus par le Premier ministre nous permettent de conserver une enveloppe intacte pour la ligne budgétaire unique (LBU). Je poursuivrai les efforts entrepris pour l'amélioration et la rénovation du parc social, tout en restant attentive, comme le veut l'esprit du plan logement outre-mer, à la notion de parcours résidentiel.
Dans le travail de coconstruction qui a marqué le projet de loi relatif à l'égalité réelle outre-mer, auquel je faisais allusion tout à l'heure, vous avez, mesdames et messieurs les députés, enrichi le texte, par exemple en consolidant l'aide à la rénovation du parc locatif social ancien, en facilitant le recours à la location-accession ou en favorisant les investissements dans le logement intermédiaire. Je serai très attentive à ce que ce travail soit préservé.
Nous savons que le service militaire adapté (SMA) est une réponse efficace, adaptée et coordonnée, pour offrir des perspectives à la jeunesse. Il faut rappeler le taux, très élevé, de sorties positives : 73 %.
Nous préservons ainsi un niveau de dépenses pour le SMA compatible avec l'atteinte de l'objectif « SMA 6 000 ». Les effectifs du service militaire adapté progresseront de 196 équivalents temps plein en 2017, parallèlement à une recherche de gains d'efficience sur les dépenses de fonctionnement. Là encore, je crois que nous pouvons être satisfaits du travail accompli, parce que cette innovation ultramarine a été reprise par le Président de la République pour l'ensemble de l'hexagone.
Nous maintenons les crédits consacrés à la continuité territoriale pour faciliter la mobilité de nos compatriotes ultramarins, en plus de nombreuses dispositions sur lesquelles nous avons travaillé dans le projet de loi « Égalité réelle outre-mer ».
Le budget que vous serez appelé à voter comprend les dotations nécessaires aux trois volets classiques de la continuité territoriale. Ces dotations sont calibrées pour répondre à la progression de la demande et pour ne laisser personne sur le bord de la route. 2016 est l'année du changement de statut pour l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), opérateur public historique pour la mobilité, à la fois pour les étudiants, la formation professionnelle des demandeurs d'emploi et, plus largement, l'aide à la continuité territoriale pour tous les ultramarins.
Au global, le soutien de l'État s'établit à plus de 70 millions d'euros, dont la moitié pour la formation professionnelle. Je serai attentive à accompagner et à soutenir la montée en puissance de LADOM dans les nouvelles missions qui lui seront confiées.
Nous maintenons également les enveloppes destinées à soutenir les collectivités locales dans leur effort d'investissement. Là encore, tout au long de la législature, notre action s'est inscrite dans une logique de confiance et de respect vis-à-vis des collectivités, qui jouent, sur nos territoires, le rôle moteur de l'activité, au travers de la commande publique.
Favoriser la commande publique, comme nous le faisons en maintenant le niveau de l'enveloppe contractuelle et en nous battant pour préserver le Fonds européen d'investissement (FEI), c'est se donner les moyens d'entretenir la croissance et d'encourager l'emploi. Tout en m'inscrivant dans le prolongement de mes prédécesseurs, que je salue, Victorin Lurel et George Pau-Langevin, je veux également partager avec vous ma vision personnelle de l'utilisation de ces outils. Ils doivent être, à mon sens, maniés dans un souci de cohérence avec les priorités ou les urgences que nous rencontrons dans la réalité quotidienne, car il faut que l'action des pouvoirs publics soit au plus près des préoccupations des citoyens. J'ai ainsi souhaité répondre sans plus attendre aux besoins criants que j'ai pu identifier lors de mon passage à Mayotte, en décidant de consacrer 10 millions d'euros de plus à un programme accéléré de constructions scolaires pour le premier degré. Je vais également affecter, avec mon collègue Patrick Kanner, 10 millions d'euros à un plan de rattrapage en matière d'équipements sportifs.
Le Gouvernement ne se contente pas d'assurer la continuité de l'action menée. Il s'inscrit dans une démarche d'efficacité renforcée, et le budget de la mission « Outre-mer » pour 2017 s'inscrit pleinement dans cette dynamique.
Plus d'efficacité, c'est d'abord un pilotage rigoureux et cohérent des dispositifs outre-mer, qui a permis de dégager des marges de manoeuvre pour répondre à nos priorités sociales. Ce sont ces marges de manoeuvre qui nous ont permis, par exemple, de trouver les ressources nécessaires pour la sauvegarde et la pérennisation de l'Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS). Ce sont deux cents jeunes ultramarins qui trouvent, chaque année, une solution professionnelle.
Plus d'efficacité passe également par un meilleur ciblage des dispositifs de réduction du coût du travail.
Conformément à ses engagements, le Gouvernement ne réformera pas en 2017 le dispositif des exonérations de cotisations sociales pour les salariés, après les réformes successives de 2014 et 2015 qui ont permis de maximiser leur impact sur l'emploi. Je le dis clairement : au travers des moyens importants que mon ministère affecte à la compensation des exonérations de cotisations sociales, mon objectif fondamental est d'aider prioritairement le réseau des TPE-PME, qui sont le moteur de la croissance et de l'emploi.
Le recentrage de la dépense sur les bas salaires correspond à un choix politique assumé, qui s'appuie sur les constats concordants de la Cour des comptes et des corps d'inspection. Mais j'entends préserver l'équilibre qui a été atteint et conserver l'enveloppe financière de 1 milliard d'euros qui en résulte. Il s'agit pour moi de valoriser nos succès. Et nos succès sont très réels lorsqu'on considère l'évolution des chiffres du chômage, notamment ceux du chômage des jeunes, dans nos outre-mer. Oui, ce gouvernement commence à percevoir les dividendes de ses efforts sur le front de l'emploi, grâce à une politique d'abaissement du coût du travail non qualifié. Sur ce terrain-là, comme sur les autres, je n'entends pas relâcher la pression.
En ce qui concerne la réforme des travailleurs indépendants, le plafonnement d'un dispositif qui s'appliquait jusqu'à présent sans limite de montant ne me choque pas. Au-delà de la question du plafonnement, se pose celle de la dégressivité de l'aide, pour laquelle les arbitrages interministériels, à ce stade, ne sont pas figés.
Je vous le disais dans mon introduction : j'ai souhaité que ce budget consacre des investissements d'avenir, stratégiques pour nos territoires.
Les outre-mer sont une richesse immense pour notre pays : ils constituent des territoires pionniers en matière d'innovation, de recherche et de cohésion sociale. Il convient de le faire valoir auprès de l'opinion publique dans l'hexagone, qui, parfois, ne le perçoit pas pleinement. C'est pourquoi l'État souhaite valoriser cette richesse en engageant la création de la Cité des Outre-mer. Annoncée par le Président de la République, elle constituera un lieu de partage et de connaissance de l'autre.
La préservation de l'environnement, la valorisation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique se présentent aussi comme des enjeux d'avenir.
C'est pourquoi la mission « Outre-mer » prévoit la création d'un équivalent Fonds vert pour financer les projets de développement des énergies renouvelables et d'adaptation au changement climatique dans les collectivités du Pacifique. Le Gouvernement tiendra l'ensemble de ses engagements vis-à-vis de la Polynésie française, en accroissant parallèlement les moyens alloués à la dotation globale d'autonomie (DGA), qui atteindra 90 millions d'euros en 2017, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre.
Préparer l'avenir, enfin, c'est donner les moyens aux collectivités de réaliser les investissements à même de susciter la croissance de demain.
Pour cela, le Gouvernement a décidé d'accroître significativement les crédits alloués à la bonification des prêts accordés par l'Agence française de développement (AFD) pour les programmes d'investissement des collectivités. Il s'agira, lorsque c'est nécessaire, d'accorder des prêts à taux zéro à des fins de restructuration, pour aider les collectivités à reconstituer progressivement leur capacité d'autofinancement.
Notre action, naturellement, ne s'arrête pas là. Les plans de convergence feront une large place à l'innovation technologique, en s'adaptant aux atouts de chaque territoire. Nous encourageons le partenariat entre les universités et les entreprises innovantes au travers des outils que sont le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt innovation, avec des taux bonifiés pour les outre-mer. Enfin, je poursuis un dialogue avec le Commissariat général à l'investissement pour que les outre-mer soient pleinement partie prenante au futur programme d'investissements d'avenir, le PIA 3.
Pour terminer la présentation de ce budget, je souhaite vous présenter les dispositions fiscales qui visent à renforcer l'attractivité des territoires ultramarins. C'est en effet la clé pour assurer le développement économique de nos territoires et offrir de réelles perspectives aux habitants.
Tout d'abord, la fiscalité directe locale à Mayotte est particulièrement pénalisante. Nous nous engageons à réformer le système actuel au bénéfice des contribuables mahorais pour réduire la pression fiscale sur les ménages.
Par ailleurs, je souhaite soutenir l'activité du secteur privé. Cela nécessite évidemment des crédits, dont une partie sera constituée par les 70 millions d'euros qui correspondent à la zone franche d'activité (ZFA). La dégressivité de la ZFA a été stoppée à ma demande, par décision du Premier ministre. Je vais engager avec chacun d'entre vous les discussions qui nous permettront, sur la base de l'enveloppe de crédits qui a été ainsi sanctuarisée, de réfléchir à ce que seront les contours des dispositifs qui remplaceront la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) et qui accompagneront les outre-mer vers la croissance et l'emploi au-delà de 2018.
Ma vision des choses, vous la connaissez : avec une enveloppe globale qui s'approche des 1,2 milliard d'euros, si on fait masse des exonérations de charges sociales et de la ZFA, nous pouvons construire quelque chose qui soit cohérent avec notre objectif de rompre avec une situation d'inégalité économique entre la métropole et les outre-mer, tout en restant fidèle à notre engagement de laisser à chaque territoire le soin de construire sa propre stratégie de développement.
Mesdames et messieurs les députés, le budget 2017 ouvre des voies nouvelles pour les outre-mer. Il n'en fait pas des variables d'ajustement des équilibres macroéconomiques globaux. C'est même tout le contraire. Les investissements d'avenir qui y sont consacrés constituent des outils importants de notre politique pour inscrire pleinement les outre-mer dans la dynamique économique de leur époque, leur permettre de mobiliser tout leur potentiel et offrir des perspectives à chacun de leurs habitants.
Ce chemin, nous l'empruntons aussi avec le projet de loi « Égalité réelle outre-mer ». C'est en s'appuyant sur ces deux piliers que nous bâtissons un projet solide, ambitieux et efficace.