Intervention de Gabriel Serville

Réunion du 25 octobre 2016 à 21:
Commission élargie : finances - affaires économiques - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Madame la ministre, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter ainsi que Mme Pau-Langevin pour les arbitrages que vous avez su obtenir cet été : la mission « Outre-mer » voit ses crédits préservés alors qu'il y a quelques mois encore, des baisses étaient annoncées. J'imagine à quel point il a dû être difficile de convaincre Bercy de l'impérieuse nécessité de ne pas davantage pénaliser nos territoires qui vivent tous dans l'espérance d'une convergence de leur niveau de vie avec celui observé dans l'hexagone. Nul doute que ce budget, couplé aux efforts consentis lors des débats sur le projet de loi sur l'égalité réelle en outre-mer en première lecture, saura témoigner de l'attention particulière qui a été apportée aux citoyens ultramarins en ces temps de réduction des déficits. Je tiens ici à saluer le gel des abattements dans les zones franches, que nous savions menacés, ainsi que la création d'un équivalent du Fonds vert qui viendra renforcer la lutte contre les conséquences négatives du changement climatique dans nos territoires.

Si nos territoires savent s'unir dans des élans solidaires dès lors qu'il s'agit de défendre les réalités ultramarines, il existe de fait une multitude de situations d'un territoire à l'autre. Ce sont ces différences qui font nos richesses mais aussi la complexité des solutions à apporter à nos difficultés.

Nous l'avons une fois de plus réaffirmé dans le rapport de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État en outre-mer (CNEPEOM) adopté ce matin, que je vous remettrai très prochainement en tant que rapporteur.

C'est cette impérieuse nécessité de comprendre les réalités plurielles de nos territoires ultramarins qui me contraint à apporter un bémol à l'appréciation par ailleurs positive que je porte sur le budget que vous nous présentez aujourd'hui.

En matière de logement, le compte n'y est pas. Comment se contenter d'une « sanctuarisation » – je reprends vos termes, madame la ministre – des crédits de la ligne budgétaire unique quand la situation du logement est si critique dans des territoires comme la Guyane ou Mayotte ? Si nous n'y apportons pas de réponses efficaces de manière urgente, ces deux régions risquent de plonger dans le désordre – et je pèse mes mots. À Mayotte, la situation est déjà critique. Lors de la réunion de la CNEPEOM ce matin, nous avons également adopté la contribution sur la lutte contre l'habitat insalubre et indigne, lequel est un habitat informel et sans titre.

Comment espérer juguler ces désordres lorsque nous sommes incapables de faire face à la croissance démographique et à la crise migratoire sans précédent que connaissent la Guyane et Mayotte ?

La Guyane est le territoire qui connaît le plus fort taux de logements suroccupés. Des dizaines de milliers de nos concitoyens désespèrent de trouver un logement et doivent se résoudre à entrer dans l'illégalité en s'installant sur des terrains appartenant à autrui, avec tous les effets néfastes que cela suppose sur tous les pans de la société, rendant par là même totalement inefficaces les politiques publiques que nous nous efforçons de déployer.

À cette situation déjà compliquée s'ajoute l'afflux de 25 000 migrants qui, dans leur écrasante majorité, ont fui leur pays d'origine en proie à de multiples désordres économiques auxquels sont venus se rajouter des événements climatiques d'une rare intensité. Madame la ministre, je vous ai déjà interrogé à ce sujet lors de la séance des questions au Gouvernement la semaine dernière. Mon insistance auprès du Gouvernement n'a d'égale que l'ampleur de la catastrophe annoncée si rien n'est fait pour inverser la tendance.

Sans chercher à évoquer toutes les questions que soulèvent ces mouvements de populations, notamment celle du soutien financier aux collectivités, je voudrais m'arrêter sur les conséquences qu'entraîne l'arrivée massive de migrants pour notre politique de logement. Nous parlons de 25 000 personnes supplémentaires à loger dans des conditions humainement acceptables, l'équivalent de plus de 10 % de la population guyanaise à absorber en seulement quelques mois. Cela représente une gageure puisque nous ne sommes pas même capables de répondre favorablement à un taux de croissance démographique d'un peu moins de 4 %.

En clair, il nous sera extrêmement difficile de nous contenter d'une sanctuarisation des crédits, surtout pas au moment où les Guyanais attendent une véritable dynamisation du logement, notamment grâce à une opération d'intérêt national d'envergure et au déploiement du plan logement outre-mer.

À ce stade, je souhaite évoquer les espoirs suscités par le pacte d'avenir dont la signature et la mise en oeuvre constituent de pertinents indicateurs de confiance. Le mal-logement est à l'origine d'une grande partie des maux que connaissent nos territoires. En cela, il mérite de la part de l'État un véritable effort qui mettrait un terme aux mesures de saupoudrage qui ont jusqu'alors étaient mises en oeuvre et qui ont abouti aux résultats très mitigés voire insuffisants que nous constatons aujourd'hui.

Je vous accorde que les crédits sur le triennal ont augmenté et je reconnais que, chaque année, ce gouvernement a fait davantage en matière de logement que la droite pendant le quinquennat précédent. Certaines situations explosives méritent qu'on apporte enfin des réponses fortes. Cela passe notamment par le renforcement des nouvelles modalités de calcul de la LBU, que je réclame depuis mon arrivée sur les bancs de l'Assemblée, et par la prorogation de certains dispositifs de défiscalisation.

Malgré ces vives remarques, connaissant votre attachement à la lutte contre le mal-logement de nos compatriotes et votre action en faveur de la convergence des niveaux de vie entre territoires, en faveur de l'emploi, de la santé et de l'éducation, j'apporterai un vote positif aux crédits de la mission « Outre-mer » comme le fera mon groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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