Intervention de Emmanuelle Cosse

Réunion du 3 novembre 2016 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires sociales

Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable :

Je suis très heureuse de présenter ce budget devant vous. Il essaie de répondre à des questions importantes. Nous nous trouvons dans un contexte particulier, mais qui n'est pas anodin. Les chiffres de construction sont extrêmement bons, non seulement parce qu'ils sont élevés, mais parce qu'ils correspondent à une production de logements à des prix abordables dans des quartiers en tension. Dans le passé, des chiffres de même niveau, dopés par des dispositifs d'investissement locatif, s'observaient dans des quartiers qui n'avaient pas besoin de logement. Or le ministère est maintenant saisi par ces territoires, qui nous demandent des solutions devant le résultat de ces actions menées il y a plusieurs années.

Sur les douze derniers mois, nous sommes à 432 000 autorisations, soit une hausse de plus de 14 % par rapport à l'année précédente. Nous sommes déjà à 367 000 chantiers lancés, soit un niveau très important. Il faut noter que la production de logements est extrêmement dynamique dans le logement social. Les objectifs de programmation de 2016, fixés à 139 000 logements sociaux, seront tenus, voire dépassés. Ils sont fortement portés par le logement collectif, notamment dans les secteurs très urbanisés, comme par la production de logements individuels.

Les promoteurs immobiliers disent ne plus avoir de stock et ne sont plus en mesure de répondre à la demande. Certes, cela est lié aussi aux taux d'intérêt extrêmement bas, dont nous ne portons pas la responsabilité. J'observe néanmoins la conjonction de plusieurs phénomènes : des mesures lancées à partir de 2013, pérennisées et parfois modifiées, tels le prêt à taux zéro (PTZ) et le dispositif d'investissement locatif recadré dans les secteurs utiles ; la nouvelle version du PTZ que vous aviez soutenue l'an passé a aussi changé la donne, puisque le différé désormais prévu fournit des fonds propres à des ménages solvables, mais qui ont peu de moyens, ce qui bénéficie aux primo-accédants.

Les professionnels nous demandent aujourd'hui une pérennité des dispositifs. Quand je suis arrivée au ministère en février dernier, ils m'ont demandé ce que nous pourrions faire pour 2018. N'oublions pas que, en matière de logement, le temps est long : il faut compter un délai d'au moins trois ans entre les mesures que nous prenons et leur application pleine et entière. Le secteur nous demande de garder cette vision de long terme. Il est très important de le rappeler au moment où nous défendons un budget dont les très bons résultats apportent des réponses en matière d'accès au logement abordable et ont un impact sur l'emploi dans le secteur de la construction et, donc, sur l'économie.

La mission compte plusieurs programmes, mais la majeure partie des crédits est inscrite au programme 177, qui vise à renforcer l'action en matière d'hébergement d'urgence, mais aussi à avoir un budget qui soit plus en adéquation avec les besoins exprimés par les territoires, au-delà de la question des migrants.

Ces crédits expriment notre volonté de mettre en place, chaque nuit, sur tout le territoire, des places pérennes en hébergement d'urgence : ainsi, 118 000 places accueillent tous les soirs des personnes en grande difficulté. Mais nous voulons aussi en terminer avec cette politique d'ouverture massive de places à l'arrivée de l'hiver et de fermeture tout aussi massive le 1er mars. Cette rupture dans la prise en charge sociale produit des dégâts énormes. Aussi, notre plan de pérennisation de l'hébergement d'urgence a conduit, depuis plusieurs années, à la création de plus de 30 000 places. Au début de chaque période hivernale, nous ouvrons quelques places supplémentaires, mais nous nous efforçons aussi de les pérenniser : il y en a eu plus de 2 500 places en mars dernier. Nous cessons également de fonder notre action sur le recours à l'hôtellerie. Au-delà du coût faramineux que représentent ces nuitées d'hôtel, hors de tout suivi social et avec l'impossibilité de se préparer soi-même des repas, ce qui peut poser de graves problèmes alimentaires aux familles, cette mise à l'abri ne peut pas constituer en soi une politique. Pour ne plus avoir à recourir aux nuitées hôtelières, il faut continuer d'investir dans la création de places pérennes. C'est pourquoi nous avons besoin d'une augmentation de ce budget. Le plan pauvreté a fixé des objectifs de réduction du recours aux nuitées hôtelières, dont l'augmentation était exponentielle. Le premier, assez modeste, est de stabiliser leur usage. Non seulement l'augmentation a cessé, mais on enregistre même une baisse. Diverses propriétés foncières de l'État ont été cédées pour créer des logements pérennes, ce qui nous a été très utile.

J'en viens à l'hébergement d'urgence. S'agissant tout d'abord de la prise en charge des migrants, je tiens tout d'abord à remercier Christophe Caresche pour son intervention. Nous avons souhaité nous engager fortement sur la question de la mise à l'abri, et donc impliquer les services de l'État et tous les territoires. Aujourd'hui, cette politique de mise à l'abri se fait au sein des CAO, structures temporaires financées sur le programme 177. Elles accueillent les personnes avant qu'elles n'entrent dans le processus de l'asile ; après, elles relèvent des structures d'hébergement liées aux demandeurs d'asile. En Île-de-France, il a été nécessaire de créer plus de 5 000 places d'hébergement d'urgence de ce type – même si elles n'ont pas été appelées CAO – pour permettre les opérations de mise à l'abri. Il y a eu vingt-neuf opérations depuis 2015, et 17 000 offres de mises à l'abri ont été faites, uniquement pour les camps parisiens. Nous allons poursuivre cette action dans les heures qui viennent.

La plupart de ces 3 000 places de CAO ont été financées sur le programme 177. Les coûts ne sont pas très importants, parce qu'il ne s'agit que d'une mise à l'abri, d'une prise en charge intermédiaire. Il n'y a pas de prise en charge sociale comme dans un hébergement d'urgence. Le prix moyen est de 25 euros par personne et par jour. Nous avons institué une charte de prise en charge dans les CAO pour nous assurer que la prise en charge est uniforme. Nous avons ainsi exigé que l'agence régionale de santé soit associée à l'ouverture de ces places pour qu'elle déploie, au-delà des questions de suivi psychique, des missions de suivi de santé. Certaines personnes hébergées dans ces centres ont besoin d'un suivi médical très important.

Les CAO sont en fait une étape intermédiaire avant les places en centre d'accueil de demandeurs d'asile (CADA), car plus de 80 % des personnes qui y sont hébergées relèvent du droit d'asile. Nous hébergeons d'ailleurs aujourd'hui dans les CAO des personnes qui ont obtenu le statut de réfugié et qui sont en cours de transfert vers d'autres types de logements. C'est pour cette raison que le ministère de l'intérieur considère que le CAO pourrait rejoindre la mission « Asile ». Mais il nous semble important de ne pas oublier qu'il s'agit de missions de mise à l'abri, qui relèvent plutôt des questions d'hébergement, même s'il faut bien sûr que nous adaptions cette politique aux circonstances auxquelles nous sommes confrontés : lorsque nous avons entrepris ce travail en février, nous n'envisagions pas d'assister à des arrivées aussi importantes, mais nous essayons de rester souples. Vous serez d'ailleurs amenés, en novembre, à vous prononcer sur un décret d'avance, lié aux ouvertures de places en CAO et à notre engagement de prendre en charge les mineurs lors de la phase de mise à l'abri, avant que les départements ne prennent le relais dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. Nous nous sommes engagés à assumer l'hébergement lors de la phase de mise à l'abri pour accélérer les choses. Nous ne pourrons pas faire l'économie de ce débat, car 1 700 mineurs doivent être pris en charge, et, si certains d'entre eux vont partir pour la Grande-Bretagne, d'autres resteront en France.

En ce qui concerne le public hébergé, deux questions ont été soulevées. La première concerne les familles bloquées par manque de « situation administrative complète », dont beaucoup relèvent des circulaires de 2012 sur la régularisation des familles. Nous avons demandé que ces dossiers soient diligentés pour que les associations qui les suivent puissent entamer les procédures de régularisation.

D'autre part, il y a quinze jours, le préfet de la région Île-de-France a convoqué tous les bailleurs sociaux pour leur rappeler que plus de la moitié des personnes hébergées relèvent du droit commun, notamment du logement social. Pourtant, plus de la moitié des personnes éligibles n'ont jamais accès au logement dans les commissions d'attribution. Le fait qu'ils soient hébergés les empêche d'obtenir un logement de droit commun. Un grand nombre d'entre eux relève même des contingents du 1 %.

Nous avons donc souhaité mieux prendre en compte ces dossiers pour améliorer la fluidité dans les centres d'hébergement. Aujourd'hui, certains salariés n'ont plus accès au logement social parce que leurs salaires sont trop modestes, mais nous savons que l'hébergement d'urgence n'est pas une solution durable.

De la même manière, nous avons exigé qu'aucune famille ne reste plus plusieurs années en hébergement d'urgence à l'hôtel.

Madame Orliac, au-delà du nombre d'expulsions jugées, prononcées et exécutées, nous constatons que les expulsions concernant le logement social sont aussi nombreuses que celles dans le logement privé. La question essentielle est celle de la dette locative, et, dans une moindre mesure, le congé pour vente. Au printemps dernier, nous avons lancé le plan national de prévention des expulsions, qui prévoit une plateforme départementale, l'obligation de constituer des réseaux et, surtout, un examen plus rapide des dossiers. Aujourd'hui, la plus grande partie des expulsions exécutées et prononcées concerne des dettes locatives qui ne datent pas de deux ou trois ans, mais parfois de plus de dix ans. Nous ne pouvons plus laisser faire cela. Ce plan national, qu'il faut mieux appliquer sur tout le territoire, doit permettre de réduire les recours aux expulsions. La disposition de la loi ALUR prévoyant le maintien des APL pour les locataires de bonne foi constitue à cet égard une avancée considérable, puisqu'elle n'aggrave pas la dette.

S'agissant des différents statuts de l'hébergement et de l'insertion, je n'ai pas de réponse budgétaire à apporter, mais le secteur débat de l'opportunité d'un statut unique. La Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) a travaillé sur le sujet, qui dépasse le cadre du débat politique, en cela qu'il conduit les nombreux professionnels du secteur à mettre en question leurs pratiques et leurs projets associatifs. Il est néanmoins exact que nous devrions nous interroger sur la coexistence des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), des centres d'hébergement d'urgence (CHU) et d'autres structures qui répondent à des besoins très particuliers.

Comment pouvons-nous développer les logements accompagnés ? Nous avons pris des engagements liés à l'augmentation des pensions de famille, et à l'expérimentation « Un chez-soi d'abord », que nous allons prolonger en créant 400 places par an jusqu'en 2020. Nous allons changer certaines structures. Les pensions de famille, par exemple, sont plus efficaces, même si elles appellent un investissement de départ plus important. Au-delà, une des grandes réflexions à venir doit déterminer s'il est possible de simplifier et d'harmoniser les statuts, et donc les différentes prises en charge.

Je reste toutefois attachée à l'idée que certains publics ont besoin d'accueil dans des hébergements spécifiques. Je pense évidemment aux personnes qui ont des troubles psychiques importants, pour lesquels nous cherchons à avoir des places spécialisées. Je pense également aux femmes victimes de violence, qui se reconstruisent mieux dans des foyers créés pour répondre à ces questions et où elles ne sont pas mélangées avec des personnes souffrant, par exemple, d'addictions. Il me semble important de maintenir cette spécificité, mais on peut envisager des simplifications en prévoyant des accueils différenciés.

L'aide personnalisée au logement représente une dépense considérable pour le budget de l'État : le nombre de bénéficiaires et les montants versés sont en augmentation. Il ne s'agit ni d'une allocation de revenu ni d'un complément de revenu, mais d'une aide qui permet d'éviter certains impayés. À la suite des conclusions du groupe de travail sur les APL, vous avez décidé de plusieurs mesures que j'ai eu la charge de mettre en application. Elles étaient de plusieurs ordres : un arrondi au 1er janvier ; la mesure « loyers excessifs » et la mesure « patrimoine ». La mesure de suppression des APL pour les étudiants dont les parents sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune n'a fait l'objet d'aucun commentaire particulier, je n'y reviendrai donc pas.

Sur les loyers excessifs, nous avons repris les travaux que vous aviez menés pour aboutir à une mesure équitable. Les différents ministères concernés ont adressé une lettre à l'ensemble des caisses d'allocations familiales pour rappeler que nous étions disponibles pour examiner s'il fallait appliquer la mesure dans sa totalité pour tous les dossiers faisant l'objet d'interrogations ou de litiges. Nous avons été saisis de 120 demandes d'explications, et il y a eu 70 dégrèvements.

Nous avons surtout constaté, dans ces dossiers de loyers excessifs, que certains revenus n'avaient pas été déclarés, ou que les loyers étaient payés par des tiers, voire qu'il s'agissait de revenus intrafamiliaux. Il n'est pas question de remettre en cause la bonne foi des bénéficiaires, mais est-ce le rôle des APL ? J'ai aussi été saisie du cas d'une personne qui utilise son domicile pour travailler. Alors qu'elle pourrait défiscaliser une partie de ses dépenses, elle ne touche plus l'APL parce que son loyer est excessif. Est-ce à l'APL de financer l'activité professionnelle ?

Pour ce qui est de la mesure « patrimoine », je rappelle que c'est le Parlement qui a décidé de créer le plafond de 30 000 euros. Elle est déclarative et s'applique en deux temps : à partir de début octobre pour les nouveaux entrants, et, pour le stock des bénéficiaires, au cours de l'année prochaine, à l'occasion de la mise à jour de leur situation. Une étude d'impact fondée sur des éléments diffusés par la Caisse nationale d'allocations familiales faisait apparaître que 650 000 bénéficiaires pourraient être affectés. En réalité, nous ne saurons le chiffre exact que lorsque la mesure sera appliquée. Aujourd'hui, nous n'avons pas encore les retours des nouveaux entrants permettant de savoir ce qu'il en est dans le détail.

Sans débattre du symbole, qui est important, je rappelle que ce plafond de 30 000 euros n'est pas sorti de nulle part : il a aussi été utilisé pour d'autres études, notamment les minima sociaux tels que le revenu de solidarité active (RSA). Cette mesure ne s'appliquera ni aux personnes handicapées ni aux personnes âgées en EHPAD – c'est en tout cas ainsi que nous avons rédigé le décret, et nous vous proposerons de le graver dans le marbre lors de la discussion de la loi de finances rectificative. Je rappelle enfin que, si le plafond des livrets A est de 30 000 euros, l'encours moyen est plutôt de 4 000 euros. Même si un célibataire a 30 000 euros de patrimoine, son APL est dégressive ; l'APL n'est totalement supprimée qu'à des niveaux de patrimoine bien plus élevés.

J'entends bien le débat que cette mesure soulève, mais on ne peut vouloir s'attaquer continuellement à la rente et trouver cependant qu'elle peut être intéressante. Il faut que nous obtenions des retours très rapides des différentes CAF sur l'application de cette mesure pour déterminer si le curseur a été placé au bon endroit. Le rapport sur les APL montre bien que, pour une dépense si faramineuse, qui touche 6,5 millions de bénéficiaires, il faut faire des choix. Soit nous décidons de modifier quelques curseurs, soit nous décidons de mesures d'économies massives qui affecteraient tous les bénéficiaires, qui sont pourtant dans des situations très différentes. Il me semble que ces mesures d'économies sont plutôt bien calibrées et réintroduisent de l'équité dans le système. En tout état de cause, nous disposerons d'éléments de réponse plus précis dans les mois qui viennent.

Le Fonds national des aides à la pierre est une création inédite, qui rassemble des représentants de l'État, des bailleurs sociaux, des collectivités territoriales, un député et un sénateur. Il faut aujourd'hui construire, en coparticipation, la programmation pour 2017. Des groupes de travail régionaux font actuellement remonter les informations pour établir cette programmation, qu'il est prévu d'adopter lors d'un conseil d'administration au début du mois de décembre. La programmation sera alors transmise aux députés. Dans les années à venir, nous essaierons de faire correspondre ce calendrier avec l'examen des lois de finances. Nous n'avons pas réussi à le faire cette année, car le FNAP n'a été créé qu'en août de cette année.

Nous avons pu obtenir une certaine sécurisation des aides à la pierre, car les crédits du FNAP y restent d'une année sur l'autre. Cela permettra d'atteindre une masse financière importante pour lancer ces programmes chaque année, et permettre des déclinaisons régionales suffisantes pour tenir la programmation de 150 000 logements sociaux par an. Nous pouvons atteindre ce chiffre, au niveau national : nous constatons une dynamique des bailleurs sociaux et des maires. Nous avons laissé derrière nous la période difficile de 2014 et des élections municipales, qui ont ralenti les projets, et nous observons actuellement un effort très important. En outre, la forte pression exercée par l'État pour faire appliquer la loi SRU, notamment dans les communes carencées, et le fait que nous ayons repris les permis de construire de certaines communes entraînent un démarrage de la production dans des secteurs où elle était faible.

Christophe Caresche me demandait si je partageais les propos de Christian Eckert sur Action Logement : je les partage toujours. Il est vrai que l'équilibre financier d'Action Logement n'est pas menacé. Après l'adoption, en mai dernier, de la loi que j'ai défendue et la publication de l'ordonnance, Action Logement s'est lancé dans une très importante réforme de sa gouvernance, visant à améliorer son efficacité et à réduire certaines dépenses qui font doublon, afin de mieux se consacrer à ses actions de construction, d'accompagnement, de sécurisation, d'accession sociale ou aux programmes de l'association Foncière Logement. Je suis très attentive à ce qu'Action Logement ait tous les moyens de ses missions et fonctionne bien : le choix qui a été fait ne met pas la société en difficulté, même si l'on peut comprendre qu'il ait pu froisser ses gestionnaires.

En matière de dépenses fiscales, vous avez évoqué la question du Borloo dans l'ancien. Je vous proposerai, dans le projet de loi de finances rectificative, d'améliorer ces dispositifs en les recentrant dans les zones où nous en avons besoin, en simplifiant les dispositifs, en améliorant leur lisibilité et en renforçant la communication les concernant.

Cela va de pair avec une action que j'ai lancée aujourd'hui même : le réseau national des collectivités mobilisées contre les logements vacants. De nombreuses collectivités développent en ordre dispersé des actions fondées sur le fichier lié à la taxe sur les logements vacants. Notre objectif est de mieux les mobiliser autour de cet objectif, qui permet de libérer des logements pour des ménages aux revenus faibles. La vacance de logements – liée à la vacance commerciale, comme en témoigne un récent rapport remis à Martine Pinville sur la revitalisation commerciale des centres-villes – a des effets néfastes sur la dynamique de nombreux territoires. La situation n'est pas liée aux tensions du marché du logement, et nous serons certainement amenés, dans les années à venir, à créer de nouveaux outils de portage et de mobilisation, car nous nous heurtons à de grandes difficultés pour revitaliser les centres-bourgs.

Il est très compliqué de mesurer exactement le potentiel des logements vacants, car il existe des différences importantes entre le fichier INSEE et le fichier fiscal. Certains logements que l'on pense vacants ne sont pas des logements, ou ne sont pas vacants, ou ne peuvent pas être loués, car ils sont indécents. Il faut affiner le travail, mais, lors de la réunion de ce jour, qui réunissait une vingtaine de territoires, il est apparu que les objectifs pouvaient paraître modestes – 50, 100 ou 150 logements remis sur le marché –, mais que, à l'échelle de bien des agglomérations, ils sont loin d'être négligeables.

Sur les prêts de haut de bilan, le Premier ministre a annoncé que le montant initial de l'enveloppe – 2 milliards – serait augmenté de 1 milliard supplémentaire. Suite à l'ouverture de ces prêts de haut de bilan, qui sont bonifiés à parité par la Caisse des dépôts et par Action Logement, nous avons reçu des demandes à hauteur de 6 milliards. Constatant cette très forte dynamique et l'importance des besoins, il nous a paru utile d'augmenter l'enveloppe. Nous sommes en cours de négociation avec la Banque européenne d'investissement (BEI) pour le troisième milliard. La BEI était présente lors de la réunion où nous avons décidé de cette enveloppe supplémentaire, et elle est extrêmement volontaire pour avancer. La discussion est menée par la Caisse des dépôts, et la bonification se ferait essentiellement par la Caisse des dépôts, Action Logement s'en tenant à la bonification de la première enveloppe.

Les réponses aux demandes des bailleurs sociaux ont déjà été faites. Ces prêts de haut de bilan iront pour partie à la production neuve, et pour le reste à la rénovation, qui représente les trois quarts de la cible. Nous estimons que ces prêts de haut de bilan permettront de rénover 200 000 logements sociaux supplémentaires et d'en construire 80 000 de plus. Le but de ces prêts est d'augmenter l'activité. Nous pensons qu'ils seront très utiles.

Vous m'avez interrogé sur la ponction de 50 millions d'euros sur la Caisse de garantie du logement locatif social. Le ratio de solvabilité de la CGLLS est aujourd'hui de 22 %, alors que les règles prudentielles imposent de rester au-dessus de 10,5 %. À court terme, les fonds propres de la CGLLS nous semblent donc suffisamment solides. Néanmoins, nous restons vigilants, notamment en raison des prêts de haut de bilan, car c'est la CGLLS qui apportera une partie des garanties. Il est très important qu'elle puisse garantir ces prêts sur le long terme.

Le budget de l'Agence nationale de l'habitat reste fragile, c'est vrai, d'abord en raison de sa structure même, car ses ressources sont extrêmement instables. En tant qu'écologiste, je pense que la ressource « quota carbone » était une excellente idée, mais ces quotas carbone sont extrêmement instables et ont beaucoup baissé cette année, même s'ils ont augmenté ces derniers temps : la tonne vaut aujourd'hui 6,20 euros, alors qu'elle était à 4 euros il y a quelque temps. Cette volatilité complique l'élaboration d'un budget, qui, certes, n'est pas construit uniquement autour des quotas carbone et reçoit le soutien de différents fonds, dont Action Logement.

Nous avons souhaité augmenter les objectifs de rénovation de l'ANAH dans le cadre du programme « Habiter mieux ». Nous sommes passés de 50 000 à 70 000 logements en mars dernier, et l'objectif est d'arriver à 100 000 logements l'année prochaine. Pour pérenniser ce budget, et selon le niveau des quotas carbone, nous pouvons avoir besoin d'un maximum de 120 millions d'euros. Ségolène Royal a donné son accord pour que le fonds de financement de la transition énergétique (FFTE) participe au budget de l'ANAH à hauteur de 50 millions. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) contribuera, elle, pour 20 millions supplémentaires. Il s'agit pour nous d'un sujet très important, car l'ANAH est un outil qui fonctionne très bien : non seulement l'agence rénove des logements en lien avec les artisans locaux, dans le cadre de conventions départementales, mais elle sait aussi travailler dans les logements occupés – notamment chez les personnes âgées.

Cela dit, l'avenir du financement d'un grand nombre de nos actions tient à la mise en place d'un corridor pour le prix du carbone. Il ne faut pas abandonner l'idée des quotas carbone qui a d'autant plus de sens que, depuis l'entrée de l'accord de Paris, nous avons aussi à remplir nos engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le programme de l'ANAH, le CITE et l'éco-PTZ sont essentiels pour atteindre ces objectifs, puisque le secteur du bâtiment produit 20 à 22 % de ces émissions.

Enfin, je partage le point de vue de Mme Orliac concernant la maquette de performance : il nous faut en effet l'améliorer d'ici à l'année prochaine.

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