Après avoir entendu ce propos introductif, je voudrais simplement rappeler que l'augmentation des moyens consacrés à notre défense, la croissance de nos succès à l'exportation, mais aussi nos réussites militaires sur le terrain, monsieur Cornut-Gentille, ne sont pas une « belle histoire », comme vous le dites : c'est l'histoire. Je rappelle que nous parlons, ce soir, après le tableau que vous venez de dresser, d'un budget en hausse. Si nous nous en tenions à l'écume de vos propos, nous pourrions nous inquiéter du sort réservé à la défense dans ce PLF 2017…
D'un montant total de 32,67 milliards d'euros, en augmentation de 600 millions d'euros par rapport à 2016, le budget de la défense pour 2017 se situe au-delà de la trajectoire financière prévue par la loi de programmation militaire actualisée.
Il prend acte de la décision du Président de la République, confirmée par le Conseil de défense d'avril 2016, de mettre fin aux déflations d'effectifs et de renforcer les capacités de nos armées, qui sont aujourd'hui engagées sur de multiples théâtres d'opération, extérieurs comme intérieurs. Ce sont ainsi près de 400 postes qui seront créés en 2017, en plus des 2 600 emplois effectifs sauvegardés.
Je voudrais souligner que cet effort sur les effectifs s'accompagne, cette année, d'un effort pour la revalorisation de la rémunération des militaires. Cet effort s'opère d'abord à travers des mesures catégorielles, telles que la création d'une indemnité d'absence cumulée, le doublement de l'indemnité pour sujétion d'alerte opérationnelle ou l'extension de cette indemnité aux militaires exerçant des missions intérieures de sécurité et de protection. Il passe également par des mesures générales, qui concernent l'ensemble de la fonction publique, comme la revalorisation du point d'indice. Au final, ce sont près de 305 millions d'euros qui seront consacrés en 2017 à l'amélioration de la condition des personnels du ministère de la défense. Il ne s'agit pas de cadeaux, mais d'une mobilisation parfaitement légitime au regard de l'engagement des femmes et des hommes de la défense.
Ces mesures sont, en outre, complétées par les dispositions visant à l'amélioration des conditions de vie des militaires, notamment grâce aux effets du plan d'urgence pour l'amélioration des infrastructures de vie, qui a d'ores et déjà atteint près de 80 % de ses objectifs.
Je voudrais toutefois insister sur la problématique du recrutement et de la fidélisation des personnels des microfilières techniques. Les besoins sont conséquents en matière de spécialistes, que ce soit pour la maintenance des hélicoptères ou du matériel aéronautique dans son ensemble, mais aussi plus largement pour certaines capacités opérationnelles telles que le recrutement d'analystes d'images satellitaires. Certains manques se font aujourd'hui sentir et risquent de s'aggraver, en raison notamment d'une forte concurrence avec le secteur privé.
À cet égard, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si le ministère de la défense dispose d'une stratégie pour faire face à ce défi des microfilières ? Pourriez-vous, en particulier, nous indiquer quels seront les axes de travail du prochain Conseil supérieur de la fonction militaire ? Quelles perspectives, en termes de valorisation, pourraient s'offrir au statut et aux métiers des ouvriers d'État ?
J'en viens maintenant à deux questions qui échappent au strict cadre budgétaire, mais qui ont un impact certain en matière de financement et d'emploi de nos forces armées.
La première porte sur la rupture des négociations par la Pologne, concernant la vente de cinquante hélicoptères de transport Caracal, fabriqués par Airbus Helicopters, pour un montant de plus de 3 milliards d'euros, alors même que cet appareil semblait convenir aux besoins des armées polonaises et que l'industriel avait offert de nombreuses contreparties en termes d'emploi et de transfert technologique. Ce n'est pas la première fois que la Pologne préfère s'en remettre à des industriels extracommunautaires. Dans ces conditions, il est difficile de construire une Europe de la défense fondée sur la coopération. Quelle sera l'attitude de la France face à la Pologne, suite à cette décision dont le caractère politique ne fait aucun doute ?
Je compléterai cette question par une considération plus générale, relative aux exportations d'armement. Celles-ci ont atteint un record en 2015 – là encore, ce n'est pas la belle histoire, mais l'histoire –, grâce à votre action résolue, monsieur le ministre, et nous nous en réjouissons. Cela permet à notre base industrielle et technologique, en matière de défense, de consolider son activité, son savoir-faire et ses emplois.
Toutefois, ces succès commerciaux impliquent un fort accompagnement de la part de nos forces armées. Pour l'armée de l'air, c'est près d'un huitième des effectifs des escadrons de chasse qui est mobilisé pour le soutien à l'exportation (SOUTEX). Dans ce contexte, comment les armées peuvent-elles être mieux préparées pour cette mission d'accompagnement, qui prend de l'ampleur ? Vous semblerait-il nécessaire d'étudier la mise en place d'un service spécifiquement dédié au SOUTEX ?
Je terminerai mon intervention en faisant le constat, largement partagé, du retour des États puissants sur la scène internationale. Il en est ainsi, par exemple, de la Russie, dont sous-marins et bombardiers multiplient les approches de nos espaces maritimes et aériens. L'activité militaire russe a notamment conduit la France à prendre, avec ses partenaires européens, des mesures de réassurance, notamment au profit de la Pologne – qui nous le rend bien ! – et des États baltes. Elle a également conduit au déploiement de quatre avions de chasse en Lituanie dans des missions de surveillance de l'espace aérien et au déploiement prochain d'une compagnie de 150 hommes.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur l'engagement de la France et de ses forces armées dans ce dispositif dit de réassurance face à l'Est, et nous préciser dans quelle mesure il pèse sur nos capacités opérationnelles ?