Intervention de Charles de La Verpillière

Réunion du 2 novembre 2016 à 21h10
Commission élargie : finances - défense nationale - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de La Verpillière, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le programme « Soutien et logistique interarmées » :

Je voudrais mettre en évidence deux limites importantes de ce projet de budget 2017.

La première concerne la prise en charge interministérielle des surcoûts des opérations intérieures.

Le prolongement de l'opération Sentinelle suscite depuis 2015 des besoins de financement croissants. Ces besoins ne sont pas fidèlement pris en compte dans le budget, ce qui pose la question, d'une part, de la sincérité de l'autorisation que nous donnons, nous, parlementaires, et, d'autre part, des risques qui pèsent sur le financement des autres programmes sous votre responsabilité, monsieur le ministre.

Qu'on en juge : en 2015, les surcoûts liés à l'opération Sentinelle se sont élevés à 176,1 millions d'euros. En juillet 2016, avant même les événements tragiques de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray, vos services les ont évalués à 157 millions d'euros. Pourtant, en 2017, comme en 2016, la provision prévue en loi de finances au titre des opérations intérieures (OPINT) s'élève seulement à 26 millions d'euros.

Au cours des prochaines semaines, la prise en charge interministérielle des inévitables dépassements fera donc l'objet d'une négociation avant l'arbitrage du Premier ministre. Or cette négociation commence sur de très mauvaises bases, pour trois raisons.

Premièrement, contrairement à une pratique désormais admise pour les opérations extérieures (OPEX), la prise en charge interministérielle de ces surcoûts n'est pas garantie. Grâce à un amendement de nos collègues sénateurs, la loi de programmation militaire actualisée prévoit seulement que les surcoûts nets liés aux missions intérieures « peuvent faire l'objet d'un financement interministériel ».

Deuxièmement, si, dans le langage courant, les opérations intérieures tendent à désigner les missions ponctuelles de protection du territoire, que nous avons fortement amplifiées depuis 2015, il n'en existe aucune définition législative ou réglementaire qui permettrait de les distinguer des autres missions intérieures permanentes ou récurrentes.

Troisièmement, faute de définition, le périmètre des dépenses supplémentaires à prendre en charge fait débat entre votre ministère et Bercy. La direction du budget estime qu'une partie des surcoûts OPINT est déjà compensée par des redéploiements de crédits au sein de la mission « Défense » et que certaines dépenses auraient de toute façon dû être consenties, même en l'absence d'opérations intérieures. Une mission conjointe a été confiée, en mai 2016, à l'Inspection générale des finances et au Contrôle général des armées, pour élaborer une méthodologie partagée. Selon mes informations, son rapport était attendu pour le 20 octobre 2016.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer à combien vos services évaluent les surcoûts de l'opération Sentinelle pour 2016 ? Les travaux de l'Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées ont-ils abouti à une méthode de calcul partagée ? Les surcoûts seront-ils intégralement pris en charge au niveau interministériel ? Ce financement sera-t-il obtenu au détriment d'autres missions ou programmes ? Pourquoi n'avoir pas permis l'inscription dans la loi d'un principe de prise en charge systématique des surcoûts de certaines missions intérieures ? Enfin, pourquoi une provision si faible au titre des opérations intérieures dans le projet de loi de finances pour 2017 ?

J'en viens à la deuxième limite que je voudrais pointer : elle concerne les risques pesant sur les opérations d'infrastructures en 2017.

Certes, les crédits budgétaires en faveur des infrastructures sont en hausse dans votre projet de budget, ce qui mérite d'être salué. Mais leur financement – c'est le talon d'Achille – repose pour plus de 200 millions d'euros sur des recettes exceptionnelles. Il faudrait même réaliser 300 millions de recettes, d'après le Secrétariat général des armées, compte tenu des problèmes de trésorerie sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

D'où proviendront ces recettes ? D'après vos services, elles seront issues de la cession d'emprises parisiennes : l'îlot Saint-Germain et l'Hôtel de l'Artillerie, place Saint-Thomas-d'Aquin. Mais il faudrait impérativement les céder en 2017 et à un prix satisfaisant. Or plusieurs annonces récentes du Premier ministre nous permettent d'en douter. Il y a d'abord eu l'annonce de la préemption de 14 000 mètres carrés de l'Îlot Saint-Germain par la Ville de Paris pour la construction de logements sociaux. Il va y avoir inévitablement une décote de cette partie du terrain, mais aussi peut-être du reste du tènement. Quant à l'Hôtel de l'Artillerie, il est promis, nous dit-on, pour 87 millions d'euros à la Fondation nationale des sciences politiques, ce qui semble en deçà de l'évaluation réalisée par France Domaine.

En outre, ces cessions, si elles se réalisent, se feront au détriment de l'efficacité opérationnelle des militaires chargés des OPINT puisqu'ils seront désormais basés en dehors de Paris, ce qui allongera leur temps de déplacement.

Au vu de ces éléments, monsieur le ministre, est-il bien raisonnable, en tout cas pour 2017, de maintenir vos projets de cessions et de conserver un tel niveau de recettes exceptionnelles ? Si les produits des cessions escomptés n'étaient pas au rendez-vous, à quels travaux renonceriez-vous ?

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