Intervention de François Lamy

Réunion du 2 novembre 2016 à 21h10
Commission élargie : finances - défense nationale - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le programme « Préparation et emploi des Forces terrestres » :

Les crédits de l'armée de terre pour 2017 sont conformes aux orientations de la programmation militaire. Ils ont été revus à la hausse en Conseil de défense, le 6 avril dernier, et répondent aux besoins actuels de l'armée de terre. Je ne vais donc pas entretenir un long suspense : je vous recommanderai, mes chers collègues, de les voter.

Si l'on analyse le budget opérationnel de l'armée de terre, plus les dépenses de personnel qui s'y rapportent, ces crédits sont en hausse de 10,2 %. Ce budget permet de financer l'accroissement des effectifs de la force opérationnelle terrestre, tel que nous l'avons voté, les effectifs supplémentaires ressortant des décisions du Conseil de défense, ainsi que des renforts dans les domaines du renseignement, de la protection des sites sensibles, des moyens de commandement et des capacités de maintenance.

Je note toutefois que les objectifs de préparation opérationnelle des soldats ne seront toujours pas atteints. Je vous le disais déjà l'an dernier, monsieur le ministre : la préparation opérationnelle aura été la variable d'ajustement de l'armée de terre, face à la suractivité liée à l'opération Sentinelle. Les choses, certes, s'améliorent un peu avec la hausse progressive des effectifs.

Elles pourraient encore s'améliorer si l'opération Sentinelle évoluait plus rapidement. Nous avons débattu d'une révision de la doctrine au printemps dernier, et il est vrai que la force est déployée de façon un peu moins statique qu'avant. Néanmoins, à mes yeux, on reste encore largement dans le schéma « Vigipirate puissance 10 ». Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous puissiez nous dire comment, et pour quand, vous imaginez le « Sentinelle de demain », c'est-à-dire un emploi des militaires qui permette de dégager des effectifs pour des missions moins permanentes et relevant davantage de leurs compétences, comme le contrôle de zone aux frontières, ou encore la sécurisation de grands événements.

J'ai aussi, mes chers collègues, consacré une large part de mes travaux à étudier nos capacités d'aérocombat. Comme le disent aujourd'hui nos états-majors, sans hélicoptères, on ne fait plus d'opérations. Mais ces capacités critiques sont très bridées aujourd'hui par le très faible taux de disponibilité opérationnelle de nos hélicoptères, en moyenne de 38 %. De façon contre-intuitive, d'ailleurs, ce sont les hélicoptères les plus modernes qui sont le plus souvent cloués au sol… Et ce, au point que l'aviation légère de l'armée de terre ne réussit que très difficilement à entraîner ses pilotes. C'est un cercle vicieux : faute de voler à l'entraînement, on ne peut pas les engager en OPEX, et, de ce fait, ils volent de moins en moins et sont de moins en moins aptes à leurs futures missions.

Pourquoi cette situation ? J'ai le sentiment, monsieur le ministre, que ces défaillances tiennent moins au financement de la maintenance des hélicoptères qu'à son organisation.

En théorie, les choses sont claires : la maîtrise d'ouvrage est assurée par la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), qui passe des contrats avec des maîtres d'oeuvre privés, ou public, à savoir le service industriel de l'aéronautique (SIAé).

Mais, en pratique, cette mécanique ne fonctionne pas. Un seul chiffre : pour un hélicoptère Tigre, une visite périodique devrait durer 183 jours, ce qui est déjà très long, alors qu'elle dure en moyenne 383 jours !

Lorsqu'on cherche à démêler les responsabilités dans ces retards, chacun des acteurs a de solides reproches à adresser aux autres : les armées, la DGA, la SIMMAD, Airbus, le SIAé… Un plan d'action « hélicoptères » a paré au plus urgent, c'est-à-dire les OPEX, mais la situation reste mauvaise dans l'hexagone.

Monsieur le ministre, quelle appréciation portez-vous sur ce problème récurrent, et quelles sont, selon vous, les solutions ? Fondamentalement, un système qui partage la tâche entre industriel privé et industriel public est-il viable ? Personnellement, j'ai l'intuition qu'il faut choisir un maître d'oeuvre unique, véritable chef de file, porteur de la responsabilité pleine et entière.

Enfin, cette analyse doit nous conduire à une grande prudence dans la définition du marché de l'hélicoptère interarmées léger (HIL). Il s'agit de remplacer six flottes par un appareil unique, et Airbus propose, avec une certaine insistance, son H160. Où doit-on placer le curseur entre, d'une part, l'idée de simplifier la maintenance en uniformisant les flottes et, d'autre part, les besoins spécifiques des armées ? Peut-on vraiment remplacer six modèles, allant de deux à sept tonnes, par un seul appareil ? Ou, ce qui reviendrait à la situation actuelle, par un seul appareil ayant plusieurs versions ?

Par ailleurs, n'y a-t-il pas un risque que les considérations d'un industriel, pour lequel, certes, nous avons beaucoup de sympathie, ne pèsent trop lourd dans le choix d'un appareil qui doit répondre aux besoins de nos armées pendant quarante ans ? Vous trouverez dans mon rapport, monsieur le ministre, quelques-unes de mes réponses, qui compléteront certainement les vôtres.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion