Intervention de Christophe Guilloteau

Réunion du 2 novembre 2016 à 21h10
Commission élargie : finances - défense nationale - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Guilloteau, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le programme « Préparation et emploi des forces : Air » :

Nous constatons que les crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2017 sont en cohérence avec les prescriptions de la loi de programmation militaire. Toutefois, l'intensité de l'activitéopérationnelle qu'illustre l'accroissement du nombre des sorties aériennes et des frappes en Irak et en Syrie, couplé au maintien des missions traditionnelles de l'armée de l'air, invitent à la plus grande vigilance au moment d'examiner les crédits dédiés à cette armée au sein du programme 178.

En effet, le dépassement des contrats opérationnels est plus que jamais une réalité. L'intensité du rythme des OPEX est connue et reconnue : depuis septembre 2014, le niveau d'engagement est très supérieur aux hypothèses initiales.

Le nombre important des sites de déploiement, la rudesse des opérations et les distances à couvrir sur les théâtres suscitent aussi des contraintes importantes : les matériels et les personnels s'usent plus vite, les besoins de maintenance sont de plus en plus importants, les flux logistiques plus tendus.

Au-delà des conséquences induites par un engagement particulièrement intense, la disponibilité des aéronefs est également mise à mal par la montée en puissance des activités de soutien à l'export, le SOUTEX, qui tend de plus en plus à prendre la forme d'une mission opérationnelle à part entière.

Cette situation emporte plusieurs conséquences néfastes. Alors que les perspectives pour l'année 2017 ne sont pas rassurantes, puisque l'activité devrait augmenter de 14 % par rapport à 2016, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous adresser quelques questions.

La situation de suractivité et de surintensité pourrait-elle non seulement fragiliser la régénération organique de l'armée de l'air, mais aussi obérer à court terme la poursuite de l'effort de remontée d'activité globale ?

Selon vous, les activités liées au SOUTEX ne sont-elles pas trop paralysantes pour l'armée de l'air ? Au-delà des heures qui y sont consacrées, nous prêtons des matériels, comme les pods, dont nous manquons cruellement.

Le cas des Mirage 2000 me semble nécessiter une attention particulière : ils sont limités à 7 500 heures de vol pour une durée de vie programmée sur trente ans, alors qu'ils ont volé quasiment 1 000 heures par an dans le cadre de l'opération Chammal. Comment gérer leur épuisement accéléré ? Je suis au fait de la bascule entre Mirage et Rafale du Levant à l'Afrique, mais n'a-t-on pas déjà tué l'outil ?

M. François Cornut-Gentille a déjà évoqué l'avion de transport A400M. Peut-on vraiment garantir qu'il volera un jour sans faille ?

S'agissant des ravitailleurs en vol, le constat est toujours le même : avec quatorze KC-135, nous n'en avons pas assez.

Concernant les hélicoptères, la diversité des nombreux modèles composant la flotte est trop importante, ce qui crée des difficultés en termes de MCO. Où en sommes-nous du plan hélicoptères ?

Où en sommes-nous également du programme de formation modernisée et entraînement différencié des équipages de chasse (FOMEDEC) ? La prise de décision ne cesse d'être retardée, ce qui n'est pas sans conséquence pour l'armée de l'air.

J'en viens au sujet auquel j'ai consacré la seconde partie de mon rapport : les frappes aériennes en Irak et en Syrie dans le cadre de l'opération Chammal.

Je me suis rendu, en juillet dernier, sur la base aérienne 104 d'Al-Dhafra, aux Émirats Arabes Unis, et sur la base aérienne projetée en Jordanie. Je tiens à remercier les femmes et les hommes qui s'y trouvent, et à saluer l'incroyable performance de l'armée de l'air française, engagée de manière particulièrement intense puisqu'elle est la deuxième contributrice de la coalition internationale en termes de bombes larguées. Les hommes et les femmes déployés dans le cadre de cette opération sont d'un professionnalisme sans égal, et font preuve d'un courage devant lequel il convient de s'incliner.

Pour des raisons évidentes, je n'entrerai pas ici dans les détails de l'activité de nos bases aériennes, mais je vous interrogerai, monsieur le ministre, sur quelques points qui méritent selon moi une attention particulière.

Premièrement, il est indispensable de garantir les moyens d'action de nos forces sur place. Si les munitions ne manquent pas pour l'heure, nous utilisons de plus en plus des bombes guidées GPS excessivement coûteuses. Les pods dont dispose l'armée de l'air sont anciens, ils souffrent de la chaleur et présentent une qualité d'optique perfectible. Ils sont par ailleurs hétérogènes, ce qui complique les flux logistiques en cas de panne. La disponibilité actuelle en pods laser, de 55 %, est insuffisante pour couvrir les besoins opérationnels de l'armée de l'air comme les besoins organiques et l'entraînement des jeunes pilotes. Le déficit de pods de désignation est souligné depuis quasiment vingt ans. Pourquoi ne lance-t-on pas des commandes en grand nombre en plus de l'acquisition en cours des pods Talios, successeurs des pods Damoclès ?

Deuxièmement, il faut nous assurer d'être capables de tenir dans la durée. Cela implique une réflexion budgétaire : l'opération Chammal a vu ses surcoûts croître avec l'intensification de l'engagement français, et cette tendance s'est poursuivie tout au long de l'année 2016 avec l'accélération des opérations.

Je conclus en répétant que les hommes et les femmes qui servent notre pays sur des territoires extérieurs sont remarquables et qu'il convient de saluer leur engagement.

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