Le budget que j'ai l'honneur de vous présenter concerne les crédits d'équipements et de dissuasion. Je ne peux que partager le constat de mes collègues : ils sont supérieurs à ce que prévoit la programmation militaire et, comme cela n'a pas toujours été le cas, on peut s'en féliciter.
Globalement, les crédits de paiement du programme 146 « Équipement des forces », sont en hausse de plus de 1 %, et dépassent les 10 milliards d'euros. Le montant des crédits est une chose, et leur nature en est une autre. À cet égard, il faut se féliciter de ce que ces crédits soient exclusivement des crédits budgétaires : c'en est fini, en tout cas pour ce programme, des ressources exceptionnelles et de l'aléa qu'elles faisaient peser sur les programmes d'armement.
Ces crédits permettront de poursuivre les grands programmes en cours, et 2017 sera marquée par d'importantes commandes : un Barracuda, 45 Mirage 2000D rénovés, 20 Jaguar et 319 Griffon, 243 véhicules adaptés aux forces spéciales, 12 000 fusils HK416, et j'en passe.
L'année 2017 est aussi importante du point de vue des livraisons de matériels, avec, notamment, une FREMM, trois Rafale, six Tigre, 5 340 fusils HK416, 50 postes de tir de missiles de moyenne portée et 150 missiles, trois A400M – qui voleront, mon cher Christophe Guilloteau –, un C-130, neuf Caïman, cinq Cougar rénovés, et 379 porteurs polyvalents terrestres.
Voilà qui marque un effort significatif et redoublé en faveur des équipements, inscrit dans un mouvement plus large de redressement de l'effort de défense. Ce redressement est un retournement : après les années des « dividendes de la paix », selon l'expression consacrée, vient le temps des « 2 % ». On voit en effet se former un consensus pour porter le budget de la défense à ce niveau du PIB, ce qui est d'ailleurs préconisé par l'OTAN depuis 2014. J'ai consacré une large part de mes travaux aux questions que cela pose.
Pour commencer, 2 %, ça fait combien ? La question du périmètre peut avoir l'air technique, il y a fort à parier que, dans les discussions interministérielles, certains auront tendance à « bourrer l'enveloppe », si j'ose dire. Aujourd'hui, dans l'agrégat présenté à l'OTAN, la France n'inclut plus ni la gendarmerie, ni la retraite du combattant, ni la recherche duale. À mes yeux, choisir d'emblée ce que l'on met dans le périmètre des 2 % est un préalable à toute réflexion plus poussée, et, par souci de clarté, je pense qu'il ne faut pas modifier le périmètre actuel. Le budget de la défense atteint aujourd'hui 1,78 % du PIB ; notre marge de progression est donc considérable.
Ensuite, 2 %, oui, mais quand ? Un programme d'armement ne se lance pas rapidement, et ne s'accélère pas facilement. Il y a des effets d'inertie dans tous les processus industriels. Ainsi, par exemple, il est certainement souhaitable d'accélérer SCORPION, mais qu'on ne se leurre pas : compte tenu des délais de test des matériels, la production de masse – et donc son accélération – n'interviendra pas avant 2020 ou 2021.
Dans l'attente, il y a des investissements immédiatement possibles, comme les achats sur étagère – par exemple de ravitailleurs –, et surtout la progression des études amont. Depuis le début de la LPM, monsieur le ministre, vous avez fixé le montant consacré à ces études à 730 millions d'euros. De l'avis de tous, il serait bon que nous y consacrions 1 milliard d'euros, tant sont vastes les champs technologiques dans lesquels nous avons encore beaucoup à faire pour conserver un avantage ou simplement rester au niveau de nos grands concurrents.
C'est toute la question : 2 %, pour quoi faire ? Après des décennies de restrictions budgétaires, les armées ont toutes des besoins nombreux, et même avec 2 % du PIB, on ne pourra pas tous les satisfaire. Il faudra donc y apporter une réponse cohérente, c'est-à-dire hiérarchiser les projets.
Pour moi, il faut avant toute chose résoudre les points faibles dans la soutenabilité de la programmation actuelle, c'est-à-dire réduire le report de charges et mieux prendre en compte l'impact des OPEX, notamment sur les matériels.
Ensuite, on ne peut pas faire l'économie d'un investissement dans les infrastructures ; durant trop longtemps, leur entretien a été repoussé. Or la procrastination a un coût : à reporter de menues dépenses d'entretien, on finit par devoir consentir de lourdes dépenses de rénovation.
Dans le même temps, il faudra réduire en priorité nos restrictions dites « temporaires » de capacités, par exemple en matière de ravitaillement en vol. Les contrats opérationnels sont déjà dépassés, et les moyens des armées pour y répondre présentent encore des lacunes. Commençons par les combler.
Enfin, il nous faut aussi financer l'inéluctable renouvellement des composantes de la dissuasion, qui créera un besoin de financement supplémentaire de 3 milliards d'euros par an à partir de 2020.
Mes chers collègues, telles sont les orientations à la hausse du budget pour 2017, et l'horizon dans lequel il s'inscrit. Je vous recommande de voter ces crédits. Le prochain exercice de programmation militaire devra permettre de poursuivre l'effort engagé dès à présent, et vu l'ampleur de la tâche, peut-être qu'une programmation décennale, et non plus quinquennale, sera plus adaptée.