Intervention de Nicole Ameline

Réunion du 2 novembre 2016 à 21h10
Commission élargie : finances - défense nationale - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Ameline, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le ministre, faut-il rappeler devant vous l'évolution d'un contexte géostratégique qui a considérablement modifié notre perception collective de la sécurité ? Ce contexte, marqué par l'ampleur d'une menace globale, le terrorisme, qui affecte directement notre pays, mais aussi par des menaces plus inédites, comme la « cybermenace », nous oblige à opter pour une montée en puissance rapide, durable, et significative de nos capacités militaires. Ce constat s'appuie également sur un contexte de réarmement mondial, sur l'affirmation de nouvelles stratégies de puissance qui, de la Chine à la Russie, marquent un retour de la force au détriment du droit. Chacun comprend qu'il existe désormais un continuum entre sécurité intérieure et extérieure : nous devons aller chercher notre sécurité toujours plus loin.

Nous avons l'avantage de bénéficier dans notre pays d'un consensus politique à tous les niveaux pour répondre non seulement à l'urgence, mais aussi pour engager durablement l'effort qu'impose le maintien du spectre global de nos armées. Les Français sont derrière leurs armées qui ont su répondre de manière exemplaire et efficace aux sollicitations croissantes, avec un sens de l'adaptation et du dévouement qui fait notre admiration. Je tiens ici à leur rendre hommage et à rappeler que nos militaires sont engagés en ce moment même, en France, en Europe, en Afrique, au Levant, et dans tous les milieux : terre, air, mer, espace et cyber.

Votre budget s'inscrit-il dans cette exigence ? À court terme, oui. Il s'appuie sur la réactualisation de la loi de programmation militaire, effectuée en 2015, et il répond à l'urgence sécuritaire. Il confirme également l'arrêt de la décroissance des moyens et des effectifs, qui constitue désormais un acquis. Avec des crédits de 32,7 milliards d'euros, soit une augmentation de plus de 600 millions, l'effort est réel. L'affectation aux urgences opérationnelles, à la maintenance et au renouvellement des matériels, à la réaffirmation de notre composante nucléaire, mais aussi au renseignement et à la cyberdéfense, est positive. Mais mes interrogations sont ailleurs, dans les conditions de la réalité de l'exécution de ce budget. Chaque année, ces règles d'exécution ont été synonymes d'annulations de crédits et de reports de charges, de sous-estimations tangibles des OPEX – estimées à 450 millions d'euros alors, qu'à l'évidence, leur coût avoisine le milliard d'euros –, et de leur financement sur crédits de réserve ministérielle. J'insiste aussi sur le fait qu'aux dépenses des OPEX, nous avons au moins ajouté 183 millions d'euros liés aux opérations militaires menées sur notre propre territoire. Je subordonnerai donc un avis que je souhaiterais positif aux garantis d'exécution que vous apporterez sur ces points.

Ce budget d'ajustement positif apporte une réponse de court terme aux questions fondamentales posées sur la soutenabilité de l'effort que nous consentons, autrement dit, sur l'adaptabilité de notre modèle militaire au nouveau contexte stratégique. Nous sommes en fait encore dans l'ajustement, quand le contexte national et international appelle un changement de paradigme.

Monsieur le ministre, il est essentiel d'assumer la transition capacitaire qu'appelle la juxtaposition durable de menaces aussi diversifiées et intenses. L'engagement de porter à 2 % du PIB nos dépenses militaires mérite, sous réserve d'en redéfinir les critères, de figurer parmi nos objectifs de court terme. Cela suppose une redéfinition du périmètre de la dépense publique au profit du régalien et d'une diplomatie de puissance et d'influence. Cela suppose aussi la réaffirmation de nos missions de souveraineté dans le monde, et la recherche de nouveaux dispositifs financiers à l'échelle européenne. Cela suppose enfin que l'on engage au plus vite la réflexion sur la nouvelle loi de programmation militaire, en tenant compte de ces exigences. Je souhaite connaître votre approche de ce nécessaire changement de paradigme.

La France doit enfin renforcer ses stratégies d'alliance, et cela passe d'abord par le pilier européen de l'OTAN. Le cadre national ne peut plus répondre à l'ampleur des menaces ni fournir les moyens nécessaires pour cela. Je rends hommage à l'initiative franco-allemande que vous portez, monsieur le ministre. Elle devrait s'élargir à d'autres pays – dont, sans doute, la Pologne, dans une perspective d'après-crise –, mais aussi aux coopérations déjà engagées au niveau bilatéral avec le Royaume-Uni. La puissance des États européens est liée à leur capacité à aller plus loin dans la coopération, dans l'interopérabilité, et aussi dans la mutualisation. Cette stratégie doit également viser les partenariats extérieurs à l'Europe, notamment en Afrique et en Méditerranée, sachant que la stabilité de ces régions constitue un enjeu majeur. Le déploiement de nouvelles missions d'assistance, d'expertise et de formation, unissant l'Union européenne et l'OTAN, à l'image de l'opération Sophia, peut servir de référence. Monsieur le ministre, comment voyez-vous cette coordination toujours plus indispensable pour réussir l'approche globale ?

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