Le fait d'avoir une loi de programmation militaire permet, à condition de bénéficier d'un arbitrage favorable, de maintenir l'évolution des coûts des facteurs à l'intérieur du budget de la défense, compte tenu de l'évolution de l'inflation, des prix des matières premières, etc. Cela se traduit par des gains de pouvoir d'achat qui se sont accrus cette année encore de 250 millions d'euros issus des indices retenus en mai 2016. Cette trajectoire nous permettra en 2017 de tenir nos engagements.
En ce qui concerne les effectifs, tout le monde a bien pris note que nous allons sauvegarder 10 000 postes pour la période 2017-2019, qui s'ajoutent aux 18 750 postes déjà préservés lors de l'actualisation de la LPM de juillet 2015, soit un total de 28 750 postes supplémentaires par rapport aux prévisions initiales de la LPM – excusez-moi du peu. Et il s'agit de postes bien réels. Nous changeons d'époque : je rappelle qu'il était prévu, initialement, de supprimer 33 675 postes sur six ans, dont plus de 10 000 devaient résulter de déflations programmées antérieurement. Autrement dit, la défense disposera, en 2017, de 3 000 postes de plus que prévu par la LPM actualisée de juillet 2015 et de 7 800 postes de plus que prévu par la LPM de décembre 2013.
Cela ne signifie pas, et j'appelle votre attention sur ce point, que les programmes de réorganisation de l'ensemble des forces armées doivent être interrompus. Si le redéploiement de ces effectifs doit se faire au bénéfice de la cyberdéfense, du renseignement et de certaines unités opérationnelles – en particulier dans l'armée de terre –, les autres secteurs vont être amenés à évoluer. Je maintiens donc la nécessité de poursuivre le modèle « Au contact » de l'armée de terre, le plan stratégique « Horizon marine 2025 » pour la marine et le plan de transformation « Unis pour faire face » pour l'armée de l'air, afin que nous adoptions vraiment une culture de l'adaptation. Il est en effet frappant que nous soyons passés d'une culture de la déflation, ancienne, qui ne date ni de cette législature ni de la précédente, à une culture de l'adaptation aux nouvelles menaces, aux nouveaux besoins. Or cette nouvelle culture nécessite impérativement que nous puissions réorganiser, réorienter nos capacités, restructurer nos armées en fonction des objectifs fixés par les états-majors en application de la LPM et en application du Livre blanc.
M. Colas y a fait allusion : nous avons, dans le cadre de la fidélisation mais aussi de l'amélioration de la condition du personnel militaire et civil de la défense, pris un certain nombre de mesures en application des décisions du conseil de défense du 6 avril 2016. Je pense à l'indemnité d'absence cumulée (IAC) qui sera payée au premier semestre 2017 sur la base des jours d'absence constatés en 2016 – et ils furent nombreux puisque l'opération Sentinelle a mobilisé énormément à un moment où les recrutements de l'armée de terre étaient en cours. La situation s'est sur ce point améliorée en cette fin de second semestre et continuera de s'améliorer au cours de l'année 2017.
Il est vrai qu'au début de l'opération Sentinelle, face à une situation dramatique, nous avons dû aller vite : les modalités de logement, de fonctionnement, le contenu des missions ont dû être décidées très rapidement. Aujourd'hui, la quasi-totalité des opérations menées par les soldats du dispositif Sentinelle, en termes de mobilité, de réactivité, correspondent aux missions de nos forces armées. Tout ne s'est pas fait d'un seul coup, mais aujourd'hui, par exemple, les postures aux frontières ont remplacé les gardes statiques. Cette évolution a renforcé le moral des militaires, ainsi que vous avez pu le constater en visitant les unités stationnées près de chez vous : la perception de l'opération Sentinelle par les militaires a changé, singulièrement chez ceux de l'armée de terre. Cette opération a trouvé son bon mode d'action.
L'indemnité d'absence cumulée, pour en revenir à elle, est de 10 euros par jour pour tout jour dépassant 150 jours d'absence pour raison opérationnelle lissés sur l'année civile, et de 85 euros par jour pour tout jour dépassant 250 jours d'absence pour les mêmes raisons. Nous avons par ailleurs doublé le montant de l'indemnité pour sujétion spéciale d'alerte opérationnelle (AOPER), qui passe de 5 à 10 euros par jour. Enfin, les deux jours supplémentaires d'indemnité pour temps d'activité et d'obligation (ITAOPC) seront payés dès la fin de l'année 2016. Toutes ces mesures font partie du plan d'amélioration de la condition du personnel (PACP).
Par ailleurs, un plan catégoriel civil de 18 millions d'euros est prévu pour 2017, en nette augmentation par rapport au projet de loi de finances pour 2016. Il permettra, entre autres, aux personnels civils de bénéficier du parcours professionnel des carrières et rémunérations (PPCR).
M. Colas a évoqué les microfilières nécessitant des incitations spécifiques. Nous sommes en train de mettre au point un dispositif, à la demande du Président de la République, devant permettre une meilleure fidélisation d'un certain nombre de métiers. J'inclus d'ailleurs à vos préoccupations, monsieur Colas, la question des ouvriers d'État – vous y faites référence dans votre rapport. Je rappelle que, lorsque je suis arrivé au ministère de la défense, le recrutement des ouvriers d'État était interrompu depuis déjà un certain temps et qu'il était même envisagé de supprimer ce statut. J'ai pris la décision, parce qu'il y avait des spécialités critiques qui touchaient, entre autres, à l'entretien des matériels militaires, de recommencer à recruter des ouvriers d'État, d'abord modestement puis de façon beaucoup plus nette en 2017 puisque 418 postes de recrutement concerneront des compétences particulières liées à l'armement. Il s'agit donc bien plutôt de redéfinir le statut d'ouvrier d'État que de le supprimer, cela en fonction de carrières spécifiques, de métiers spécifiques, de compétences spécifiques que l'on ne peut trouver par ailleurs et qu'il est important que la défense conserve. Aussi une discussion est-elle en cours sur les implications de ce nouveau statut. Le moment y est particulièrement propice du fait de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique qui doit amener celle du traitement des ouvriers d'État qui n'y sont pas assujettis. Cette discussion devrait rapidement aboutir, permettant de renforcer l'attractivité de certains métiers, j'y insiste, indispensables au ministère de la défense et à l'efficacité de nos services.
Je reviens à présent sur certaines données capacitaires et commencerai par un sujet important : les hélicoptères. Je rappelle au préalable que le budget du ministère de la défense, en matière d'investissements, était en 2012 d'un peu moins de 16 milliards d'euros alors que le budget que je vous propose en la matière est de 17,3 milliards d'euros, soit un milliard supplémentaire. J'ai récemment évoqué, devant la commission de la défense, l'ensemble des programmes commandés et des livraisons effectuées au cours de l'année 2016 et de ce qui est prévu pour 2017. Reste un problème que je ne cache pas et qui provoque chez moi une irritation parfois mal contenue : l'entretien de l'aéromobilité.
L'armée de terre en particulier a fait le choix du renforcement de l'aéromobilité. Le général Bosser a raison d'en faire un élément extrêmement important de son projet ; je le soutiens totalement. J'ai ainsi décidé de relever les cibles de livraisons par rapport à la loi de programmation militaire initiale : de 60 à 67 appareils pour les Tigre, et de 90 à 101 appareils pour les NH-90 Caïman. L'aéromobilité est un outil considérable pour riposter aux nouvelles menaces. Il s'agit donc là d'une inflexion déterminante.
Vous exprimez la crainte, monsieur Lamy, que l'hélicoptère léger ne devienne un mouton à cinq pattes, ce qui n'est pas un gage de performances… Je suis très attentif à la question. Ce qui est certain, c'est qu'il faut préparer la suite. Quel modèle pour remplacer les générations Alouette, Gazelle, Lynx, etc. ? Pour l'instant, je n'ai pris aucune décision.
Certains d'entre vous, notamment MM. Cornut-Gentille et Lamy,ont soulevé, à juste titre, la question de la disponibilité. Les chiffres que vous donnez les uns et les autres, sont exacts, et cette situation est insupportable. Je souhaite qu'un certain nombre de mesures structurelles nous permettent d'aboutir à une disponibilité de 50 % à la fin de la loi de programmation militaire. Cette dégradation est insupportable. Nous disposons d'un parc neuf, de machines, mais notre dispositif d'entretien est pensé pour un temps de paix. Or c'est du MCO de temps d'intervention qu'il nous faut ! Il faut raccourcir les délais ; sans doute moins d'exigences, mais plus de performance. Cela vaut pour l'entreprise, sûrement, mais aussi pour les circuits de décision et l'organisation. Je vais d'ailleurs avoir des réunions d'une importance majeure à ce sujet, car c'est vraiment préoccupant.
Je voudrais que l'on fasse un exemple avec les Tigre, avec un contrat d'objectifs sur leur niveau de disponibilité, dans les plus brefs délais, avec une cohérence de mise en oeuvre, dans le cadre d'une expérimentation qui pourrait ensuite être étendue aux autres programmes d'hélicoptères. Je ne veux pas en rester au stade des bonnes intentions et des déclarations de principe : je m'engage sur ce sujet, et le chef d'état-major des armées, qui partage mon courroux, est sur la même position. Je pense que nous serons amenés dans les prochains jours à prendre des décisions sur le Tigre, nous irons vérifier régulièrement leur mise en oeuvre et je vous convierai éventuellement, mesdames, messieurs les députés, vous joindre à moi. Il s'agit de répondre aux exigences opérationnelles de demain ; il n'est pas possible de rester dans une situation aussi insupportable. Certains pourront, certes, nous reprocher de ne pas nous en être rendu compte plus tôt, mais peut-être les opérations n'étaient-elles auparavant pas assez nombreuses pour faire apparaître un tel taux d'usure et des retards aussi préoccupants. En tout cas, je m'engage vraiment très fermement sur ce point.
Monsieur Guilloteau, l'armée de l'air dispose de vingt et un pods Damoclès avec une disponibilité moyenne de 57 %, ce qui est à peu près convenable. Le problème est qu'il n'y en a que quatre Damoclès disponibles en métropole, ce qui n'est pas acceptable. C'est en fait votre rapport, monsieur le député, qui m'a alerté sur le manque de pods pour la formation des jeunes équipages. Croyez bien que je vais en tirer immédiatement les conséquences, même si nous avons besoin des pods Damoclès pour les opérations.
Vous avez également fait référence, monsieur Guilloteau, au contrat opérationnel de l'armée de l'air. D'un côté, oui, c'est une réalité, le contrat opérationnel est dépassé, puisqu'il prévoit douze avions de chasse en activité opérationnelle et qu'il y en a aujourd'hui vingt-six – douze avions sur l'opération Chammal, auquel il faut ajouter les avions basés à Niamey, à Djibouti et ailleurs. D'un autre côté, nous avons aujourd'hui 96 Rafale disponibles, dont douze déployés. Il nous faut donc entendre les observations de l'armée de l'air sur le contrat opérationnel mais aussi constater que nous avons une flotte significative de Rafale. Notre objectif de 225 avions de combat en 2025 sera atteint avec la livraison de la quatrième tranche Rafale et la modernisation des cinquante-cinq Mirage 2000D, qui assureront la transition avant la cinquième tranche des Rafale, qui interviendra un peu plus tard. Cela nous emmène à une époque où je ne serai plus ministre de la défense, mais la trajectoire est tout à fait maintenue.
J'en viens à l'A400M, autre souci, évoqué par plusieurs d'entre vous. Le problème, c'est l'entreprise. Aujourd'hui, les A400M livrés ne sont pas opérationnels – et le problème ne concerne pas seulement la France : c'est le cas partout. Cette réunion étant publique, peut-être mes propos seront-ils entendus chez M. Enders… Toujours est-il que j'ai avec les responsables d'Airbus une discussion… tonique. J'ai réclamé un plan de rattrapage, à la fois sur les capacités de l'appareil et sur le niveau des livraisons. Les retards ne sont pas admissibles et l'absence de capacités de largage, d'autoprotection et l'impossibilité de poser sur des terrains sommaires me préoccupe beaucoup. Nous avons passé un premier accord pour l'année 2016 ; j'espère qu'il sera tenu. En tout cas, nous avons un dialogue extrêmement serré avec l'entreprise.
En complément du plan de sauvegarde A400M, j'ai décidé, par sécurité, d'acheter sur étagère quatre C-130J pour répondre à une nécessité de transport tactique ; il fallait remédier au vieillissement de cette flotte et répondre à des engagements urgents. Ce n'était pas prévu du tout au départ.
J'en viens à la marine. En ce qui concerne les frégates de taille intermédiaire (FTI), la décision que j'ai prise il y a quelques jours sera appliquée, et les commandes seront passées au premier trimestre 2017. Ce calendrier est nécessaire. Nous avançons quasiment de deux ans l'ensemble du processus pour être à un niveau de quinze frégates de premier rang en permanence, dès la livraison de la première en 2023. Ces FTI seront des frégates d'un nouveau type, plus compact que les frégates multi-missions (FREMM), mais aussi performantes, des frégates complètement numérisées, « cyber », d'une certaine manière, et qui devraient séduire à l'exportation.
L'opération BATSIMAR, dans le cadre du programme « patrouilleur futur », n'est pas engagée dans le cadre de cette programmation-ci – il y avait eu des discussions au moment de la loi de programmation militaire. Effectivement, il faut attendre 2024 pour la livraison du premier bâtiment ; c'est un peu long. Cependant, d'ici à cette date, aideront quand même à l'action hauturière les quatre bâtiments multi-missions (B2M) dont j'ai décidé le lancement et dont le premier vient d'être livré, ainsi que quatre bâtiments de soutien et d'assistance (BSA), dont le premier sera livré en 2018. Je partage votre souhait d'avancer l'opération BATSIMAR, même si ce n'est pas possible avant la fin de cette loi de programmation militaire-ci. Il faut que nous commencions très vite à réfléchir sur le patrouilleur du futur pour être au rendez-vous.
C'est moi-même qui ai décidé, en 2013, la rénovation de vingt-deux Atlantique 2 ; j'en parle donc d'autant plus facilement, mais vous n'en avez pas moins raison, il y a eu un retard. Sans être identiques, les raisons ont quelques points communs de celles qui sont à l'origine du retard dans la maintenance des hélicoptères. J'ai donc décidé au mois de mars dernier de réorganiser complètement le programme. Mais d'ores et déjà, cette réorganisation se déroule normalement, et vos inquiétudes devraient normalement être dissipées. Les vols de qualification du radar, intervenus au premier semestre, se sont bien passés.
En ce qui concerne l'armée de terre, nous commanderons en 2017 vingt engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC Jaguar) et 319 véhicules blindés multirôles (VBMR Griffon), pour remplacer de vieux véhicules de l'avant blindés (VAB). Les premières livraisons auront lieu en 2018. C'est là l'application du programme Scorpion, décidé l'an dernier ; l'armée de terre l'attendait avec une certaine impatience, il se déroule normalement. Précisons que c'est également en 2017 que sera mis en service le missile de moyenne portée (MMP), remplaçant du Milan. C'est aussi une nouveauté significative pour l'armée de terre.
Madame la députée Bruneau, je sais que la situation de l'ONERA reste fragile, mais les axes sur lesquels les efforts pour la consolider doivent porter sont identifiés dans le contrat d'objectifs et de performance 2017-2021, COP en cours de finalisation, dont une première version a été présentée au comité central d'établissement au mois de juin dernier ; j'envisage la signature de cet accord à la fin de cette année. C'est un premier point très important, une première étape sur la voie de la revitalisation de l'ONERA.
Le plan de renforcement de la soufflerie de Modane-Avrieux est mis en oeuvre. Je l'ai autorisé au mois de mars dernier et les crédits nécessaires aux opérations de consolidation de cette installation ont, pour partie, été engagés dès cette année. Cela étant, la vocation de l'ONERA dépasse de loin le seul ministère de la défense, puisque c'est vraiment, très largement, un ensemble dual. Le contrat d'objectifs et de performance prévoit une contribution sensiblement accrue des autres ministères concernés ; ils seront au rendez-vous. Nous n'avons plus à nous inquiéter pour l'avenir de l'ONERA. J'avais eu l'occasion de me rendre à Saint-Jean-de-Maurienne pour évoquer la question avec les élus du secteur.
Effectivement, madame la députée, sans doute faudrait-il augmenter le montant des crédits de recherche amont, actuellement de 720 millions d'euros ; mais j'ai déjà fait en sorte qu'ils ne servent plus de variable d'ajustement, et j'ai quelque peu sanctuarisé le montant de programmes qui nous amèneront à dix ou quinze ans d'ici. Soyons vigilants sur leur maintien. Et, si l'on peut toujours souhaiter qu'ils dépassent un jour 1 milliard d'euros, cet objectif devra être arbitré dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.
J'ai noté vos observations sur l'Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis. Je vais examiner cela avec ma collègue allemande. Il faudrait aussi un accroissement des ressources nettes issues de contrats tiers et que cet organisme ne vive pas uniquement de financements étatiques – mais je sais que c'est l'une des préoccupations des responsables de l'Institut.
Puisque vous m'interrogez sur le programme Futur Combat Air System (FCAS), nos relations avec le Royaume-Uni et le projet de drone de combat, j'en profite pour répéter ce que j'ai déjà dit à la commission de la défense : le Brexit ne signifie pas la fin de notre relation stratégique avec le Royaume-Uni, Celle-ci repose, d'abord, sur une histoire et, ensuite, sur des engagements, des traités, notamment celui de Lancaster House. C'est dans le cadre de ces traités que nous avons convenu avec les Britanniques le lancement de deux prototypes de drone de combat pour 2019. Ce programme lancé en 2014 représente un montant de 150 millions d'euros, réparti paritairement entre les deux pays. Ensuite viendra la phase de démonstrateur, qui durera jusqu'en 2025. Enfin viendra la phase de la généralisation et de la mise en oeuvre de capacités réelles. Le programme suit son cours sans perturbation particulière.
MM. Guilloteau et Colas m'ont interrogé sur le soutien aux exportations (SOUTEX), notamment sur la manière dont nous pouvions accompagner les exportations sans handicaper nos forces, singulièrement l'armée de l'air. Dans la loi de programmation militaire, nous avons prévu 90 millions d'euros pour l'ensemble du SOUTEX. Cela se traduit aussi par 400 équivalents temps plein sur la même durée. Sans doute cet effort en termes de financement et de postes devra-t-il être aménagé pour accompagner nos succès à l'exportation, bien réels. J'ai demandé à la DGA et aux armées de proposer un projet pour mieux structurer cet effort, notamment grâce à des financements conventionnés avec des entreprises concernées. La DGA et le chef d'état-major des armées remettront leurs conclusions au début de l'année prochaine ; je vous en ferai part.
Vous le savez, monsieur Colas, je déplore la rupture par la Pologne du contrat Caracal, d'autant plus surprenante que le niveau d'offset consenti par Airbus pour répondre aux attentes exprimées par la Pologne était exceptionnel : il couvrait la totalité du contrat. En outre, l'accord avait été signé en 2015 en toute transparence, après appel d'offres, après compétition. Cette rupture est un acte politique, qu'il faut prendre comme tel, qui pénalise la France, mais aussi l'Allemagne. Nous avions proposé que la Pologne devienne l'un des partenaires fondamentaux d'Airbus dans le cadre de ce contrat ; ce ne sera donc plus le cas. Avec mon homologue allemande, nous avons donc décidé des démarches communes auprès du gouvernement polonais pour souligner le mauvais coup porté à l'approche européenne de la défense. Cette décision perturbe aussi l'entreprise, notamment le site de Marignane, même si la commande de trente Caracal par le Koweït a permis un certain apaisement. Reste qu'une mauvaise manière nous a tout de même été faite, d'autant que deux jours après la rupture de cet accord, sans appel d'offres, une commande a été passée au concurrent d'Airbus…
En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », il est prévu par la loi de programmation militaire que des crédits budgétaires soient mobilisés si nous n'avons pas les sommes suffisantes pour atteindre le montant inscrit. Il n'a cependant jamais été nécessaire de recourir à cette possibilité, introduite par voie d'amendement parlementaire – ajout pertinent à mes yeux. Par ailleurs, ce montant de 200 millions d'euros inscrit au CAS est un droit à consommer. Cela veut dire que des fonds peuvent être utilisés du fait de recettes antérieures.
L'ensemble Bellechasse a été vendu pour 137 millions d'euros, celui de la Pépinière pour un montant de 118 millions d'euros. Ces cessions nous ont donc procuré plus de 250 millions d'euros, alors que le montant inscrit au CAS de 2016 était de 200 millions d'euros.
Des discussions sont en cours, avec Sciences Po, en vue de la cession de l'Hôtel de l'Artillerie place Saint-Thomas-d'Aquin. L'opération devrait aboutir prochainement. Tel qu'il est configuré, ce site ne permet pas l'accueil des soldats dans le cadre de l'opération Sentinelle ; une discussion est en cours avec Sciences-Po, qui n'a pas encore pour l'heure abouti. L'îlot Saint-Germain est quant à lui concerné par deux opérations. Une fraction sera cédée à un bailleur social de la ville de Paris afin de réaliser des logements sociaux ; l'autre sera cédée conformément aux procédures en vigueur, sans contrainte de logement social. Cette aliénation devrait intervenir entre 2017 et 2018. Au Val-de-Grâce, la partie du site devenue inutile aux besoins du service de santé des armées est libérée depuis le 1er juillet dernier, et sa cession fait l'objet de discussions. Il s'agit, pour le ministère de la défense, de conserver la partie monument historique et de céder la parcelle de l'ancien hôpital des armées. Le projet est inscrit en programmation 2017, mais le prix de cession n'est pas encore connu.
Je ne suis donc guère inquiet quant à ma capacité à mobiliser 200 millions d'euros sur l'année 2017, même si nous n'avons pas encore engagé de discussions ni lancé d'appels d'offres à propos de l'îlot Saint-Germain et du Val-de-Grâce – l'un et l'autre servant aujourd'hui comme lieux d'hébergement pour l'opération Sentinelle. Nous avons par ailleurs engagé des travaux au fort de l'Est, au fort de Nogent et à Vincennes pour offrir aux soldats de Sentinelle des conditions d'hébergement et de vie collective dignes. Ce n'est que lorsque ces trois équipements seront achevés que nous pourrons libérer les deux emprises du Val-de-Grâce et de l'îlot Saint-Germain pour engranger les produits de cession – je me suis rendu récemment au fort de l'Est pour me rendre compte du déroulement des opérations.
Mme la présidente de la commission des affaires étrangères m'a interrogé sur la relance de l'Europe de la défense, en particulier sur le fonds européen. Ma collègue allemande et moi-même avons déposé un texte, auxquels se sont ralliés nos collègues italien et espagnol, qui propose des initiatives pragmatiques, opérationnelles, efficaces, concrètes, dans trois domaines. Tout d'abord, il s'agirait de viser une meilleure efficacité des opérations décidées dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), avec l'identification des capacités critiques, l'identification des unités à mobiliser, la révision du mécanisme Athena, un ensemble de dispositions que nous allons soumettre au Conseil formel des ministres de la défense le 15 novembre prochain. Deuxièmement, nous proposons des initiatives relatives au soutien de l'Union européenne aux pays africains, pour rendre plus flexibles les instruments européens existants, en particulier l'instrument contribuant à la paix et à la sécurité ; il s'agit aussi, à moyen terme, de disposer d'un instrument dédié en matière de renforcement des capacités non létales des armées africaines.
Enfin, nous avons des propositions très concrètes pour consolider la base industrielle et technologique de défense européenne ; le blocage du Royaume-Uni sur l'Agence européenne de défense pourra donc se faire moins fort. Cela nous permettra d'avancer plus vite dans ce domaine et aboutir à un accord. Très concrètement, l'Union européenne est en train de commencer à former l'armée centrafricaine qui en a vraiment bien besoin – je me suis rendu à Bangui ce week-end. Si nous formons l'armée centrafricaine sans qu'elle dispose d'un minimum d'équipements, ne serait-ce que d'uniformes, pour assurer tout à la fois sa reconnaissance et sa capacité d'action, notre action de formation n'aura servi à rien. Notre initiative vise précisément à renforcer la capacité des Africains à assurer eux-mêmes leur sécurité, à leur permettre de disposer d'armées structurées, ne dépendant pas de clans et capables d'assurer la sécurité de leur pays ; l'exemple de la Centrafrique est sans doute le plus spectaculaire et le plus évident pour l'instant. Je n'exclus pas non plus que, dans le cadre que je viens de présenter, soit donnée à l'Eurocorps une dimension opérationnelle qui, jusqu'à présent, lui manque.