Nous sommes réunis ce soir en commission élargie pour examiner le dernier projet de budget de la défense de ce quinquennat.
Je tiens en premier lieu, au nom de mon groupe, à rendre hommage au courage et à l'abnégation de ces femmes et de ces hommes qui servent notre pays fidèlement, à l'heure où nos armées sont particulièrement sollicitées, engagées sur de nombreux théâtres d'opération : Mali, bande sahélo-saharienne, Centrafrique, Irak, Syrie et, depuis les attentats de 2015, sur le territoire national dans le cadre de l'opération Sentinelle.
Ces engagements très au-delà des contrats opérationnels définis par le Livre blanc sont parfaitement illustrés par les vingt avions de combat projetés par l'armée de l'air en lieu et place des douze prévus. Ils génèrent des tensions extrêmes et des besoins que votre projet budgétaire, monsieur le ministre, ne saurait satisfaire. Je rappelle que le CEMA nous a indiqué en Commission que ce projet de budget « permet seulement d'éviter le décrochage des moyens par rapport aux missions et aux menaces » – un vrai langage de diplomate –, en attendant des jours meilleurs !
La disponibilité technique des matériels et des systèmes d'armes est notoirement insuffisante, pour ne pas dire dramatiquement inquiétante. La faiblesse des crédits de MCO ne permet pas le maintien en condition des matériels déployés en OPEX. La régénération des matériels terrestres revenant des théâtres d'opération est devenue tout simplement impossible, compte tenu de l'engagement de notre armée de terre. Les moyens aériens de l'armée de l'air sont depuis plus de deux ans suremployés en opérations, ce qui génère des surcoûts de maintenance très significatifs tout en réduisant leur durée de vie. La multiplication et la prolongation des déploiements du groupe aéronaval produisent les mêmes effets.
Par ailleurs, à l'heure où nos combattants sont très fortement sollicités, l'amélioration des conditions d'exercice du métier en garnison dans le fonctionnement quotidien au sein des casernes, des bases aériennes, des établissements industriels, des infrastructures opérationnelles devrait être une priorité, de même que les conditions de vie des familles. Or quelle ne fut notre stupéfaction d'apprendre du CEMAT que les primes Sentinelle, dont le Président avait annoncé la revalorisation en juillet, n'ont toujours pas été versées !
La présentation des crédits du bleu budgétaire indique un budget à 32,4 milliards d'euros, en hausse affichée de 600 millions, et une stabilisation de l'effort de défense à 1,77 % du PIB. En réalité, vous savez bien, monsieur le ministre, que vos 600 millions d'euros d'augmentation ne sont au final que 320 millions. En effet, seuls un peu moins de 320 millions d'argent frais supplémentaires sont alloués à ce budget, le reste étant constitué de crédits 2016 non consommés et reportés sur 2017, donc comptés deux fois ; à savoir, 100 millions de travaux d'infrastructure et 180 millions liés au coût des facteurs. Cette somme de 320 millions ne couvre d'ailleurs que les dépenses liées au personnel. Il n'y a donc en réalité aucun effort sur les équipements et le MCO.
La question du financement du surcoût des OPEX doit également être posée. Je rappelle à ce sujet notre hostilité à la participation du ministère de la défense à la réserve de précaution. La défense ne peut plus payer deux fois, compte tenu de son engagement au-delà de son contrat opérationnel.
Quant au report de charges et aux gels de crédits successifs – déjà plus de 3 milliards d'euros rien que sur le programme 146 –, l'ensemble des spécialistes s'accordent à dire que votre bilan sera à l'image de celui de Lionel Jospin, qui a laissé nos armées dans un état que nous aurions souhaité ne plus jamais connaître.
L'heure, monsieur le ministre, n'est certes pas encore au bilan, même si l'heure des comptes révélera bientôt que vous avez exigé l'impossible de nos armées, faute de budget en adéquation avec les missions demandées. Un audit en profondeur du ministère que nous appelons de nos voeux dès le printemps prochain permettra aux Français de mesurer réellement les conséquences désastreuses de votre action. Vos annonces successives et multiples, faites pour entretenir un flou, pour ne pas dire un brouillard, n'ont eu pour seul but que de dissimuler les carences de votre politique. Vous nous faites penser à ces mauvais élèves qui cachent leurs mauvaises notes à leurs parents et répètent à l'envi les bonnes pour leur faire croire que tout va bien.
À ce sujet, monsieur le ministre, vous avez osé répondre, lors de notre débat au sujet des OPEX, que nos forces armées n'étaient pas plus engagées en 2016 qu'en 2012. Nos armées apprécieront ces propos à leur juste mesure. Comment, en effet, oser comparer des théâtres d'opération qui n'ont strictement rien de comparable ? Comment oser tenir de tels propos devant la représentation nationale, quand les chiffres des kilomètres parcourus et le nombre de munitions délivrées au cours de ces deux périodes sont connus de tous et n'ont strictement rien d'identique, et pour cause ?
Si un certain consensus se dégage au sujet de la nécessaire augmentation du budget de la défense, pourquoi avoir attendu 2016 pour commencer à l'intégrer – si faiblement –, alors que, depuis l'opération Serval en 2013, nos armées n'ont jamais été autant sollicitées ?
Le groupe Les Républicains refuse de cautionner votre politique depuis votre LPM initiale, qui n'a pas su faire face aux nouveaux engagements de nos armées, puis votre LPM actualisée, qui, moins d'un an après la loi initiale, a reporté l'augmentation des crédits après les échéances électorales de 2017, ainsi que le règlement de vos annonces non financées.
Je le dis clairement : cette très faible augmentation de crédits en 2017 n'est rien comparativement à l'engagement de nos hommes et à l'état d'attrition de nos matériels. Votre majorité nous le confirme elle-même ce soir en déclarant, après tant d'OPEX, qu'il est nécessaire de calibrer notre système de MCO de temps de paix en MCO de temps de guerre. Les bras nous en tombent. Cela fait quatre ans que nous vous alertons à ce sujet : que de temps perdu !
Avec ce budget 2017 insincère, vous tentez donc une nouvelle fois de tromper les Français. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicaine votera contre.