Avant de répondre aux questions des rapporteurs, je voudrais dresser moi aussi un rapide portrait de la mission telle que proposée par ce projet de loi de finances. Dans le champ de cette mission, ce projet de loi de finances propose deux réformes structurelles de l'action de l'État. Je connais l'attachement de tous au caractère structurel des réformes que nous menons et cette mission en donne deux bons exemples.
C'est d'abord le plan « préfectures nouvelle génération », qui est une réforme majeure pour la modernisation des préfectures. Après plusieurs reports, il entre enfin dans sa phase opérationnelle de mise en oeuvre, puisque le premier centre d'expertise et de ressources des titres sera lancé dans quelques jours à la préfecture des Yvelines. Ce plan vise à adapter les missions du réseau des préfectures, en particulier en matière de production et de délivrance des titres. En allégeant certaines de leurs missions, il doit permettre de renforcer leurs quatre missions prioritaires : la lutte contre la fraude, précisément en matière de titres ; le contrôle de légalité et la fonction juridique ; la sécurité et la gestion locale des crises ; enfin, l'animation interministérielle des politiques locales, et en particulier l'ingénierie territoriale, qui doit permettre de mieux accompagner les projets portés par les élus locaux sur le territoire. L'objectif de ce plan est donc de concentrer les moyens sur les missions prioritaires de l'État : c'est bien là une réforme structurelle de l'action publique.
L'année 2017 sera également marquée par l'organisation de trois élections majeures, présidentielle, législatives et sénatoriales pour la moitié des représentants. Pour la troisième fois dans cette législature, le Gouvernement vous propose de mettre en oeuvre la dématérialisation de la propagande électorale : je sais que, cette année, les réticences ne sont pas moindres que les années précédentes, et je voudrais m'y arrêter un instant. Je ne suis pas certain de tous vous convaincre, mais je crois utile de rappeler les raisons pour lesquelles le Gouvernement est aussi insistant sur cette réforme.
Il s'agit de substituer à l'envoi des circulaires des candidats leur mise en ligne sur un site internet public. D'un point de vue budgétaire, cette réforme permettrait de mieux maîtriser les coûts liés à l'organisation des élections avec une économie attendue de 170 millions d'euros, et, pour le secrétaire d'État au budget, c'est déjà une bonne raison de tenter sa chance une troisième fois en quatre ans, en plein accord avec le ministre de l'intérieur. Mais cette réforme a aussi un impact environnemental positif, puisqu'elle éviterait de gaspiller des tonnes de papier dans des envois dont on ne mesure pas toujours complètement l'utilité. Et, en un sens, elle permet aussi un meilleur accès à l'information puisqu'elle s'accompagne d'une mise en ligne de ces informations, ce qui est souvent un accès plus pratique pour beaucoup, notamment pour les plus jeunes.
Nous avons désormais rodé nos dispositifs techniques, lors des départementales puis lors des régionales de 2015. Surtout, la consultation relative au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, réalisée en juin dernier, a bien démontré l'absence de lien entre participation électorale – elle a été forte – et dématérialisation de la propagande – elle a été totale.
Par ailleurs le Gouvernement propose d'entourer la réforme de garanties : une importante campagne de communication, la mise à disposition pour consultation, dans chaque mairie et dans chaque préfecture, d'une circulaire de chaque candidat.
Bien entendu, l'Assemblée est libre d'adopter ou de rejeter la réforme : s'il y a rejet, le manque à gagner pour l'État sera simplement compensé par des économies supplémentaires sur l'ensemble des ministères.
J'en viens plus précisément aux questions posées par les rapporteurs.
Monsieur Habib, vous avez rappelé la progression des crédits et celle des plafonds d'emplois. Je m'interroge moi-même sur l'augmentation des plafonds d'emploi en termes d'équivalents temps plein travaillé, mais aussi sur la réduction des schémas d'emplois dans un certain nombre d'actions, notamment celles relatives aux préfectures.
S'il y a bien une réduction des schémas d'emplois, qui nous fournissent une photographie en fin d'année budgétaire, il y a néanmoins une augmentation des ETPT. Ces variations sont significatives : elles représentent 500 emplois en moins grâce à la mise en oeuvre du plan « préfectures nouvelle génération ». J'avoue que, depuis plusieurs années, c'est un point discuté, de manière régulière et assez vive, entre le secrétaire d'État au budget et le ministre de l'intérieur. Le PPNG m'avait été présenté comme étant source d'importantes économies, notamment en termes d'emploi. J'ai évoqué les reports successifs, que l'on peut comprendre. Il est vrai que, en termes de schémas d'emplois, le PPNG conduira à une diminution de 500 emplois. Mais les ETPT sont calculés quant à eux en fonction des départs et des arrivées. Tandis que les premiers se font de façon uniforme et continue tout au long de l'année, les secondes ont lieu de manière groupée et parfois plus tôt, en termes de moyenne. En calculant la moyenne pondérée, nous arrivons donc au paradoxe que les emplois augmentent de 180 unités dans les plafonds d'emplois, malgré une diminution nette de 500 postes. J'ajoute que les plafonds d'emplois incluent les modifications d'emplois qui ont eu lieu en 2016, notamment relativement aux opérations de sécurité ou aux effectifs nécessaires à l'accueil des migrants. À la lecture des documents budgétaires, le résultat peut étonner.
Pour 2018, le mouvement de réduction des emplois au sein de la mission sera beaucoup plus significatif, puisqu'on observera un effet en année pleine de la diminution du schéma d'emplois intervenue en 2017.
Monsieur Habib, vous avez demandé la rédaction d'un rapport sur la mise en oeuvre du PPNG. Le Gouvernement est bien entendu à la disposition du Parlement, mais un rapport n'est peut-être pas nécessaire : les documents budgétaires et votre propre rapport constituent des sources d'information de nature à répondre aux attentes des parlementaires en la matière.
S'agissant de la formation, je tiens à préciser que, depuis le début de 2016, 2 300 agents des services des titres d'identité ou de circulation ont suivi un programme certifiant de huit modules portant sur des thématiques nécessaires à une remise à niveau et à une évolution des missions : droit public, budget, rédaction administrative, bureautique, collectivités territoriales, déontologie, etc. Cet effort inédit sera poursuivi et amplifié en 2017 avec trois types de formation : des formations pour tous les agents qui prennent de nouvelles fonctions, y compris pour l'encadrement ; des programmes de formation complets pour les agents appelés à exercer les missions prioritaires que vous avez citées ; des formations pour les nouveaux cadres A et B promus au choix ou après la réussite d'un examen professionnel, afin de leur apporter le niveau de connaissances et de compétence nécessaire à l'exercice de ces missions prioritaires.
Concernant la dématérialisation de la propagande électorale, j'ajoute, pour répondre à la question de M. Molac, que les dépenses nécessaires à la mise en oeuvre des nouveaux systèmes, notamment des sites internet, ont bien été prises en compte, à hauteur de 8 millions d'euros, dans le calcul des économies. Le montant de 170 millions d'euros que j'ai cité est donc un solde.
La réforme de la carte des arrondissements consisterait notamment à mettre en cohérence le nombre d'arrondissements avec la nouvelle carte intercommunale, en procédant le cas échéant à des fusions ou à des jumelages. Elle impliquerait en outre une rénovation des missions confiées aux sous-préfets et aux sous-préfectures. Au niveau infradépartemental, nous devons pouvoir faire évoluer la carte des arrondissements – qui n'a pas été remaniée en profondeur depuis 1926 – et les missions des sous-préfectures en fonction des attentes des usagers, en veillant à la présence et à la performance de l'État territorial, en cohérence avec les intercommunalités renforcées, qui prennent force et vigueur.
Le ministre de l'intérieur a souhaité mettre en oeuvre une démarche d'évolution du réseau des sous-préfectures. Celle-ci ne pourra résulter que d'une réflexion conduite auprès des territoires.
Une expérimentation conduite en 2014 dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin a tout d'abord permis de définir la méthodologie de rénovation de la carte : après un diagnostic complet, axé notamment sur l'accessibilité des services et les impacts des moyens humains, les préfets ont organisé une large concertation avec les élus. Plusieurs décisions ont été prises avec les décrets du 29 décembre 2014 : huit arrondissements ont été supprimés et six sous-préfectures ont été fermées, soit un tiers des arrondissements et des sous-préfectures de ces trois départements ; les limites des arrondissements ont été adaptées à celles des intercommunalités.
Le ministre de l'intérieur a décidé de déployer cette méthode de concertation sur l'ensemble du territoire, tout en l'inscrivant dans l'objectif plus large de l'amélioration de l'accessibilité des services publics. Ainsi, par instruction ministérielle du 12 février 2016, l'ensemble des préfets de département ont été sollicités afin de transmettre, après concertation avec les élus et les organisations syndicales, un projet territorial visant à réorganiser l'échelon infradépartemental de l'État à l'échéance du 1er janvier 2017. Je précise que les maisons de services au public et les maisons de l'État jouent un rôle dans le déploiement de ce dispositif.
Monsieur Zumkeller, vous avez soulevé à juste titre la question des dépenses de contentieux à la charge du ministère de l'intérieur, qui a effectivement fait l'objet d'une importante étude de l'IGA, ainsi que d'un article, hier, dans le Canard enchaîné. Vous avez évoqué une sous-budgétisation chronique ou, en tout cas, des dépenses qui sont supérieures aux crédits accordés de manière récurrente. Ainsi que vous l'avez reconnu vous-même, la mission de l'IGA a considéré que le rebasage de ces crédits ne pouvait pas être envisagé sans un réel plan d'action visant à maîtriser la dépense. La DLPAJ se dote progressivement d'instruments permettant un meilleur contrôle de la dépense dans le cadre d'un tel plan d'action, avec des indicateurs de performance, des référentiels de coût relatifs à chacune des thématiques contentieuses et l'identification des bonnes pratiques locales. Cela devrait permettre de poursuivre la maîtrise de la dépense, dont les déterminants sont stabilisés.
Les dépenses d'indemnisation liées aux attroupements ont effectivement été faibles au premier semestre 2016 en dépit des événements que vous avez signalés. Plusieurs raisons peuvent l'expliquer. S'agissant, par exemple, des événements de Sivens, l'indemnisation a fait l'objet d'un protocole : le conseil départemental du Tarn a pris en charge certaines dépenses, et différents ministères ont contribué à l'indemnisation, le ministère de l'intérieur prenant à sa charge 10 % des dommages, soit environ 200 000 euros. Quant aux dommages et aux importantes pertes de chiffre d'affaires subis par certains commerçants lors des manifestations contre le projet de loi « travail », ils sont pris en charge par d'autres mécanismes, qui associent notamment l'État – via les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) –, les collectivités territoriales et les chambres de commerce et d'industrie. Les crédits de contentieux du ministère de l'intérieur ne sont pas sollicités à ce titre.
Dans le cadre du plan d'action du ministère de l'intérieur relatif à la maîtrise des dépenses de contentieux, des analyses approfondies ont été menées pour déterminer les modes d'organisation les plus efficaces du point de vue de la qualité de la défense contentieuse et du point de vue de son coût. De ce double point de vue, le recours aux réservistes de la police nationale, que vous avez évoqué, apparaît comme un mode d'organisation pertinent. Des travaux sont actuellement menés par le ministère – la DLPAJ, la direction générale des étrangers en France (DGEF), la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) et la direction de l'évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières (DEPAFI) – pour examiner les modalités d'un recours accru à ces réservistes, notamment pour le traitement du contentieux des étrangers.
Les deux premiers pôles d'appui juridique, qui seront consacrés à la police administrative, sont effectivement en cours de mise en place. Composés de cinq agents, ils commenceront officiellement à fournir leurs prestations dès le 1er décembre 2016. Un appel à candidatures sera lancé prochainement afin de déterminer la localisation de six nouveaux pôles d'appui : deux pôles supplémentaires consacrés à la police administrative, deux pôles consacrés au concours de la force publique et à la responsabilité de l'État, un pôle consacré au contentieux statutaire et au droit de la fonction publique, un pôle consacré aux contrats et marchés publics. L'analyse des candidatures devra être menée avant la fin de l'année 2016 pour permettre la mise en place de ces pôles au cours du premier semestre 2017.
La DLPAJ, qui est compétente pour l'ensemble du contentieux relevant du ministère de l'intérieur, mène d'ores et déjà une importante politique d'appel et de pourvoi en cassation, afin de prévenir le développement des contentieux les plus coûteux. Les effets de cette politique pourraient être démultipliés par la mise en place des pôles d'appui juridique que je viens d'évoquer : les contentieux les plus sensibles et dont les effets budgétaires potentiels sont importants pourront être détectés plus en amont, les pôles d'appui intervenant en soutien des préfectures, que ce soit en première instance ou en appel, dans les domaines pour lesquels les préfets sont compétents en appel.
Monsieur Molac, s'agissant de la propagande électorale, il est exact que les dispositions pertinentes relèvent de la loi pour certaines élections et du règlement pour d'autres. Le débat aura lieu en séance publique, et nous verrons bien si l'article 52 du projet de loi de finances survit. Le ministre de l'intérieur aura l'occasion de faire part des conclusions qu'il en tirera en ce qui concerne cette seconde catégorie de scrutins.
S'agissant du financement des cultes, l'effort de l'État est assuré, à titre principal, à partir de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », pour un montant qui a été de l'ordre de 2,5 millions d'euros en 2016. Il faut y ajouter 56,8 millions d'euros pour l'Alsace et la Moselle. Ces montants sont certes significatifs, mais relativement moins importants que d'autres dépenses du budget de l'État. Je ne suis donc pas nécessairement favorable à l'élaboration d'un « jaune » budgétaire pour cette politique. Selon moi, les échanges que nous pouvons avoir et les travaux que vous menez en tant que rapporteur pour avis éclairent assez largement le Parlement.
En ce qui concerne la formation des ministres du culte, l'État a engagé depuis plusieurs années une politique qui consiste à offrir des formations civiles et civiques qui soient utiles non seulement aux ministres du culte de toute confession, mais aussi aux responsables d'association à objet cultuel et aux agents publics ayant à connaître des questions de laïcité. Ces formations, qui débouchent sur des diplômes universitaires, incluent des enseignements portant sur les institutions françaises, sur le droit des religions et de la laïcité, sur l'histoire et la sociologie des religions. En 2014, il existait trois de ces diplômes universitaires, à l'Institut catholique de Paris, à Lyon et à Strasbourg. À la suite d'un effort volontariste, ce nombre a été porté à quatorze à la rentrée universitaire de 2016, et il sera de vingt en 2017. En 2015, 273 étudiants se sont inscrits dans l'une de ces formations ; 35 % d'entre eux étaient des cadres religieux musulmans.
Aux termes d'un décret qui sera pris avant la fin de l'année, les nouveaux aumôniers des prisons, des hôpitaux et aux armées devront, quelle que soit leur confession, être titulaires d'un tel diplôme ou s'engager à le passer dans les deux ans qui suivront l'obtention de leur agrément. En outre, des négociations ont été engagées et menées avec des gouvernements étrangers concernés, notamment ceux de la Turquie, de l'Algérie et du Maroc, afin que les imams détachés dans les mosquées françaises s'engagent à suivre une telle formation à leur arrivée en France.
Dans un régime de laïcité, l'État ne saurait bien entendu influencer le contenu de la formation théologique des imams. Cependant, le Gouvernement a souhaité que les universités publiques renforcent leur offre d'enseignements dans le domaine de l'islamologie. Les futurs imams français pourront ainsi bénéficier d'une telle formation en complément de celle qu'ils reçoivent dans les instituts privés de théologie musulmane, au même titre que les autres étudiants intéressés par cette discipline, dans le respect des normes scientifiques de l'université française. La ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministre de l'intérieur ont confié à trois universitaires – Mme Catherine Mayeur-Jaouen, M. Rachid Benzine et Mme Mathilde Philip-Gay – la mission de formuler des propositions dans cette perspective.
La Fondation des oeuvres de l'islam de France, que vous avez mentionnée, avait été créée en 2005, mais n'avait jamais pu fonctionner en raison d'un défaut de gouvernance. Le Gouvernement a donc entrepris de dissoudre cette première fondation et de créer, sur des bases entièrement nouvelles, une Fondation de l'islam de France, reconnue d'utilité publique. Cette nouvelle fondation n'aura pas d'objet directement cultuel : elle sera appelée à soutenir ou à susciter des initiatives à caractère culturel, éducatif ou social favorisant la connaissance de l'islam et sa bonne insertion dans la société française. Le projet de décret lui accordant la reconnaissance d'utilité publique devra être examiné par le Conseil d'État dans le courant du mois de novembre, afin qu'elle puisse démarrer ses travaux avant la fin de cette année.
Le conseil d'administration de cette fondation comptera six membres de droit : trois représentants de l'État – un du ministère de l'intérieur, un du ministère de la culture et de la communication et un du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche ; le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) ; deux représentants du comité des donateurs. Ces membres de droits désigneront cinq personnalités qualifiées. Le conseil d'administration ainsi constitué élira son président en son sein. Le directeur de la fondation sera nommé par le conseil d'administration sur proposition de son président. Ces désignations interviendront lors de la première réunion du conseil d'administration, prévue au mois de décembre prochain.
La création d'une telle fondation ne saurait constituer une manifestation de méfiance à l'égard des Français de confession musulmane ni envers les responsables du culte musulman. Elle vise à leur permettre de se doter d'un outil comparable à celui dont bénéficient déjà d'autres cultes, à travers des fondations d'inspiration confessionnelle telles que la Fondation Notre Dame, la Fondation du judaïsme français ou la Fondation du protestantisme. Cette fondation n'aura pas plus qu'elles pour objet l'exercice du culte.
À rebours, la question du financement du culte musulman – construction et entretien des lieux de culte, formation théologique et rémunération des imams – sera abordée dans le cadre d'une association culturelle nationale, en cours de constitution, dans laquelle l'État n'aura bien entendu aucune part.