Intervention de Olivier Marleix

Réunion du 3 novembre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - défense nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

J'imagine que, lorsqu'on gère l'administration territoriale de l'État, le réseau des préfectures, qui incarne, à bien des égards, la continuité de l'État, on doit avoir le sentiment d'oeuvrer dans ce que Fernand Braudel appelait le « temps long ». Je suis le budget de ce ministère à titre personnel depuis 2012, et le fait est que je commence à trouver le temps assez long : depuis cinq ans, ce sont exactement les mêmes questions qui reviennent sur la table – réforme des préfectures, carte des arrondissements, titres d'identité électroniques –, sans qu'elles aient jamais été tranchées et sans que les choses aient beaucoup avancé, faute de choix politiques volontaires.

S'agissant de la réforme des préfectures, vos documents budgétaires nous vendent une « évolution majeure d'une ampleur inédite » : le plan « préfectures nouvelle génération ». Vous annoncez que cette réorganisation, qui ne concerne en réalité que les services de délivrance des titres et qui est mise en oeuvre depuis cette année, produira ses effets les plus significatifs en 2017 et 2018. On a envie de dire : il était temps !

Depuis 2012, vous avez tout de même procédé à de nombreuses suppressions de postes dans l'administration territoriale de l'État : en trois ans, de 2012 à 2015, vous avez supprimé près de 1 000 emplois – 814 précisément – et cette tendance va se poursuivre, puisque vous annoncez la suppression de 1 300 ETPT dans les deux ans à venir. Or il y a un problème de méthode : vous avez commencé par supprimer des postes avant de vous interroger sur la réorganisation des missions, contrairement à ce qui avait été fait dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), que vous aimez tant décrier. Cela vous fait sourire, monsieur le secrétaire d'État, mais, à l'époque, il y avait un pilotage au plus haut niveau de l'État, assuré par le directeur de cabinet du Premier ministre et le secrétaire général de l'Élysée, et l'on réfléchissait d'abord aux missions de l'État et à leur évolution avant de supprimer les postes. Il aura fallu attendre quatre ans pour que la réflexion rejoigne l'action et que vous nous proposiez enfin une solution !

En ce qui concerne la carte des sous-préfectures, nous aurons subi, là encore, cinq ans de tergiversations. Dès juillet 2012, le ministre de l'intérieur Manuel Valls avait annoncé, avec le volontarisme qu'on lui connaît, une réforme de la carte des sous-préfectures qui semblait très ambitieuse. Un rapport commandé à trois hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur et remis au ministre au printemps 2013 prévoyait la fermeture de quarante-sept sous-préfectures. Or il a été rapidement enterré et, dans la foulée, M. Valls a confié à deux préfets la mission d'expérimenter une méthode pour fermer éventuellement des sous-préfectures. Tout cela n'a, semble-t-il, pas abouti à grand-chose, puisque seules six sous-préfectures ont été supprimées. Quatre ans plus tard, M. Cazeneuve nous annonce à son tour une grande réforme de l'administration territoriale, qui, je le cite très scrupuleusement, « ne [sera] pas le grand soir des sous-préfectures » – on l'avait bien compris –, mais qui se veut néanmoins « historique », la plus importante depuis Raymond Poincaré. Nous attendons désormais de savoir très précisément ce qui va se passer, de quelle manière et selon quel calendrier. Vous nous avez en partie répondu en indiquant que tout devrait être fait avant le 1er janvier 2017, ce qui vous laisse assez peu de temps.

Au nom du groupe Les Républicains, je regrette surtout que ces cinq années n'aient pas été l'occasion d'engager au moins une réflexion sur le rôle du corps préfectoral, des préfets et des sous-préfets, en tant qu'acteurs de la simplification – on avait pourtant cru comprendre qu'il s'agissait d'un des grands chantiers du Président de la République – et du déverrouillage administratif du pays.

Il y avait traditionnellement, dans le « bleu » budgétaire, un indicateur de performance passionnant : le délai d'instruction des dossiers relatifs aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et des dossiers déposés au titre de la loi sur l'eau. Je le citais tous les ans : j'espère ne pas lui avoir porté malheur, car il a disparu ! En tout cas, les chiffres étaient effarants : la dernière fois que nous avons eu connaissance de cet indicateur, il révélait que ce délai était passé de 263 jours en 2012 à 320 jours en 2014 ! En d'autres termes, il fallait désormais presque un an pour obtenir une simple autorisation administrative. Voilà une illustration parfaite de ce que sont les blocages administratifs !

Le fait est que toutes les réformes de l'administration territoriale, y compris celles qui ont été engagées avant vous, se sont traduites par une régionalisation de l'administration, ce qui l'a éloignée des citoyens et des entrepreneurs. Il y a là un vrai problème : un droit qui se complexifie et une administration qui s'éloigne. Un des grands chantiers des années qui viennent doit être de redonner du pouvoir aux préfets et aux sous-préfets pour déverrouiller notre pays. Il faut créer les conditions d'un véritable réarmement juridique du corps préfectoral, quitte à renforcer le pouvoir discrétionnaire des préfets dans notre droit.

Je termine par quelques mots sur la carte nationale d'identité électronique. Le ministre de l'intérieur fait preuve d'une modestie qu'on ne lui connaît guère : depuis quarante-huit heures, il minimise la portée du fameux décret qui prévoit la fusion des fichiers comportant les données relatives aux détenteurs de titres d'identité. Pourtant, ce décret n'est pas rien : au lieu de deux fichiers, il y en aura désormais un seul, qui concernera 65 millions de Français, contre 15 millions actuellement pour le fichier des passeports. Un pas immense a donc été franchi. De notre point de vue, cela va dans le bon sens, mais il est dommage que vous n'alliez pas jusqu'au bout des choses : la carte d'identité électronique ne sera toujours pas mise en oeuvre, ce que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) elle-même a regretté. Dès lors, les Français auront droit au fichage, mais pas à la sécurité des titres.

Quant à la suppression de la propagande électorale, c'est le pire moment pour la faire. De plus, si l'on appliquait la mesure que vous proposez pour 2017, cela créerait une véritable rupture d'égalité devant la loi, dans la mesure où 20 % des Français n'ont toujours pas accès à internet. Cela fait cinq ans que vous hésitez et que vous atermoyez. Je crois que vous pouvez attendre une année supplémentaire.

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