Nous examinons aujourd'hui le budget alloué à la mission « Administration générale et territoriale de l'État », en augmentation d'environ 300 millions d'euros par rapport à 2016, que ce soit en autorisations d'engagement ou en crédits de paiement, pour revenir à peu près au montant alloué en 2015. De plus, la ventilation des crédits entre les missions partenaires entraîne un report de crédits d'environ 525 millions d'euros alors qu'il était de 484 millions en 2016.
Cette mission comporte plusieurs volets, dont le programme 307 « Administration territoriale », ayant pour objectif de garantir la présence de l'État sur l'ensemble du territoire de la République et la mise en oeuvre des politiques publiques nationales au niveau local grâce aux crédits alloués aux préfectures.
Ce budget prévoit aussi la création, au titre du groupement d'intérêt public (GIP) « Réinsertion et citoyenneté » au sein du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », d'une nouvelle action intitulée « Fonds interministériel de prévention de la délinquance », pour un montant de 89,4 millions d'euros – nouvelle action que nous soutenons et qui explique l'augmentation des plafonds de cette mission. Je tiens à saluer le travail accompli par les préfectures dans le domaine de la déradicalisation.
L'action « Réglementation générale », qui garantit la délivrance des titres d'identité, est en augmentation de quelque 35 millions afin d'accompagner les préfectures et les sous-préfectures. Un autre objectif est assigné à celles-ci : délivrer plus rapidement les titres afin d'arriver à 90 % de passeports biométriques mis à disposition dans un délai de quinze jours. Il faut aussi saluer le partenariat avec les communes et les collectivités, et le fait que 90 % des permis de conduire aient été délivrés dans un délai de dix-neuf jours, ce qui est un réel progrès.
Enfin, le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » est celui qui bénéficie de la plus importante augmentation. Je veux insister surtout sur les 210 millions d'augmentations consacrés à l'organisation des élections. Paul Molac a rappelé l'organisation d'élections présidentielle et législatives en 2017, mais il faut aussi parler des élections sénatoriales, sans oublier les élections territoriales de Corse, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna.
Je reviendrai plus précisément sur le budget de la propagande électorale qui se voit allouer 53,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit 31 % des crédits de fonctionnement. J'ai exprimé pendant trois ans – et ce sera aujourd'hui la troisième fois en quatre ans – ma crainte et notre opposition totale à la dématérialisation de cette propagande, prévue à l'article 52 du PLF. Les promoteurs d'une solution « tout dématérialisé » soulignent que cette réforme, aujourd'hui techniquement possible, permettrait une meilleure information des électeurs et s'avérerait utile pour améliorer le taux de participation aux élections, notamment auprès des jeunes électeurs. Permettez-nous d'en douter. Des sociologues comme Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen, qui étudient le phénomène de l'abstention, montrent que ce sont d'abord les catégories les plus fragiles de la population – jeunes, chômeurs, précaires et peu diplômés – qui s'abstiennent. Votre projet ne va donc pas dans le bon sens, monsieur le secrétaire d'État.
Vous exprimiez un satisfecit concernant Notre-Dame-des-Landes. Or le bilan de l'expérimentation de la propagande électronique dans cinq départements, entre le 9 et le 29 mars 2015, à l'occasion des élections départementales, est contrasté. Il confirme la faible appétence des électeurs pour cette pratique. Le site internet en question a reçu 48 002 visites pour un total de 343 621 documents, professions de foi et bulletins de vote consultés. Ce sont donc, si l'on fait le décompte des visites uniques, 1,92 % des électeurs inscrits qui ont consulté ce site – ainsi que le souligne dans son rapport pour avis notre collègue Sergio Coronado sur le PLF 2016. En comparaison, selon l'enquête réalisée par l'institut Mediaprism en décembre 2013, la propagande électorale envoyée par courrier est excellemment mémorisée : 86 % des personnes interrogées disent s'en souvenir.
Plus de 17 % de la population ne bénéficient toujours pas d'une connexion internet. Dans les communes rurales, il n'y a pas de très haut débit. N'oublions pas non plus que la consultation sur internet permet au gestionnaire du système informatique de savoir, par le biais des cookies, quelles professions de foi ont été consultées sur quel territoire et de connaître les évolutions entre le premier et le second tours. La détention de ces informations pose un problème de protection de la vie privée dans la mesure où elle est susceptible d'indiquer une préférence politique.
Enfin, sans rappeler ici les fausses allégations concernant l'environnement, permettez-moi de vous demander le coût d'une telle mesure à long terme. Nous ne disposons d'aucune étude d'impact quant au rapport coûts-avantages de cette dématérialisation. On nous parle de 215 millions d'euros d'économie : sur quoi repose une telle estimation ? La démocratie, si elle a un prix, n'a pas de coût. Ces 215 millions ne représentent rien quand elle est menacée. N'oublions pas, comme le disait Jean de La Fontaine dans sa fable « Le renard et le bouc », qu'« en toute chose il faut considérer la fin ».