Intervention de Monique Rabin

Réunion du 4 novembre 2016 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Rabin, rapporteure spéciale de la commission des finances, pour le commerce extérieur :

Dans le temps limité qui est le mien, je ne m'appesantirai pas sur la situation de notre commerce extérieur. Je me contenterai de faire observer que 2015 a confirmé le redressement de notre balance commerciale observé depuis 2011. En cinq ans, le déficit commercial a reculé de près de 30 milliards d'euros, pour atteindre 45,7 milliards d'euros l'année dernière, au lieu de 74,5 milliards en 2011. Mais les chiffres du premier semestre 2016 ont montré que cette amélioration restait fragile.

Mon champ d'intervention, en tant que rapporteure spéciale en charge du commerce extérieur, est modeste puisqu'il ne porte que sur une partie des crédits de la mission « Économie »,plus précisément sur l'action 07 du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ».

Comme je l'ai fait les années précédentes, je déplore cet éclatement de la thématique du commerce extérieur et de l'attractivité de la France dans l'architecture du budget de l'État. Peut-être les crédits concernés sont-ils d'un montant trop faible – je vous renvoie à mon rapport pour comparer avec les moyens mis à disposition dans les autres pays de l'Union européenne – pour justifier une mission spécifique. Toujours est-il que cette situation ne facilite pas une vision d'ensemble.

C'est la raison pour laquelle j'ai fait adopter, à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement des comptes de 2015, un amendement prévoyant la création d'un document de politique transversale consacré à cette politique faisant intervenir plusieurs départements ministériels. Je regrette que ce document n'ait toujours pas été transmis au Parlement. Cela étant, je connais vos efforts, monsieur le secrétaire d'État, pour communiquer avec le Parlement.

La majeure partie des crédits dont j'ai la charge concerne la subvention pour charges de service public que l'État verse à Business France.

Je crois que c'est un avis très largement partagé : la fusion entre Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) est une réussite. Elle a été menée avec célérité et efficacité, et notre pays dispose désormais d'un outil performant. La rationalisation de l'opérateur se poursuit d'ailleurs avec le rapprochement, en deux étapes, de certaines activités de la Sopexa et de celles du département Agrotech de Business France.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il en projet d'autres rapprochements de ce type autour de Business France ?

La création de Business France a permis d'instaurer des synergies entre les métiers « Export » et « Invest »,y compris au sein du réseau régional de Business France.

La mise en oeuvre effective de la fusion n'a pas non plus perturbé l'activité de Business France. Les premiers résultats du contrat d'objectifs et de moyens 2015-2017 sont, à cet égard, encourageants. L'analyse des principaux indicateurs d'activités montre que l'implication des équipes de Business France a permis de maintenir un niveau d'activité élevé. Les résultats atteints pour la première année font même apparaître un niveau d'exécution en légère surperformance.

Il convient cependant de souligner que le modèle économique de Business France reste fragile. En effet, il repose sur une subvention de l'État encore en baisse, cette année, et sur un taux de couverture de ses coûts totaux trop faible et devant être augmenté par ses ressources propres. D'ailleurs, le contrat d'objectifs et de performance (COP) liant l'État à Business France fixe à celui-ci un objectif de 42 % de ressources propres. Or, la possibilité pour Business France de générer des ressources propres ne porte pas sur l'ensemble de son activité.

En effet, la très grande majorité des actions menées dans le cadre de l'activité « Invest »est réalisée à titre gracieux. La concurrence qui s'exerce entre les pays, notamment européens, pour attirer sur leur territoire les implantations des investisseurs étrangers ne permet pas la mise en oeuvre d'une facturation, même limitée, de ces derniers.

S'agissant de l'activité « Export », Business France facture ses interventions, selon un principe de ticket modérateur, qui varie selon le type de prestations ou le profil de l'entreprise bénéficiaire, la facturation étant moins élevée pour une PME que pour une grande entreprise, par exemple. Le principe de la participation des entreprises n'est pas choquant en soi, mais il convient de rester prudent en la matière, parce que les PME estiment que les prestations de Business France sont trop onéreuses. Je rappelle que seulement 10 % environ des PME exportatrices recourent aux prestations de Business France. C'est pourquoi je me félicite que l'Assemblée nationale ait maintenu parallèlement le crédit d'impôt pour dépenses de prospection commerciale ciblé pour les PME, refusant ainsi la suppression d'une niche fiscale de 23 millions d'euros.

Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que la subvention versée à Business France, de par sa diminution continue et du fait qu'elle n'échappe pas à la régulation budgétaire en cours d'exercice, a aujourd'hui atteint un seuil ? Par ailleurs, l'objectif qui lui est assigné, soit 42 % de ressources propres, n'est-il pas beaucoup trop élevé ?

Il existe un paradoxe dans l'attitude de l'État à l'égard de son opérateur. Business France est soumis à un plafond d'emplois et à l'obligation d'accroître ses ressources propres. D'où l'impossibilité de se lancer sur des marché porteurs, pour lesquels l'État lui a fixé une feuille de route. Business France ne devrait-il pas être autorisé à recruter, au-delà de son plafond, des emplois exclusivement financés par ses propres ressources ?

Business France n'est pas, loin de là, le seul acteur du commerce extérieur de notre pays. Mon rapport spécial présentera l'action, en ce domaine, des régions – dont les responsabilités en la matière ont été renforcées par la loi NOTRe –, des chambres consulaires – aussi bien françaises que celles installées à l'étranger –, des conseillers du commerce extérieur et des opérateurs privés du commerce extérieur.

Cette multiplicité des acteurs rend indispensable un effort de coordination, seul de nature à renforcer l'efficacité de notre action en matière de commerce extérieur. Je suis frappée, au fil de mes rencontres, de constater que nombre d'entreprises se sentent souvent perdues. Dès lors, je me félicite que Business France s'inscrive dans une politique de signature de convention ou d'accord-cadre. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, où en est la signature d'une convention entre Business France et l'organisation des opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), que vous avez annoncée lors du 2e Forum des PME à l'international ?

Enfin, puisqu'il est indispensable d'évaluer l'efficacité de certaines stratégies, je souhaiterais vous interroger sur le bilan que vous tirez de l'action des représentants spéciaux, mais aussi de la démarche des familles prioritaires à l'export. Comment ces représentants coordonnent-ils leurs actions avec votre ministère ? Il ne s'agit pas de remettre en cause l'engagement ni l'expertise des intéressés, mais je ne suis pas sûre que leur intervention contribue à la lisibilité de notre dispositif.

Comme c'est le dernier budget de la législature, je dirai que nous avons à notre actif d'avoir, pendant cinq ans, structuré le commerce extérieur. Mais nous ne pouvons pas faire l'économie de l'élargissement du sujet. Il est indispensable, sur le plan éducatif et culturel, que nous incitions nos PME, et nos entreprises en général, à avoir une vision plus ouverte sur le monde. Nous avons un effort à faire pour accueillir des cadres étrangers, mais si, aujourd'hui, la structuration est positive, il nous reste à investir ce champ culturel et éducatif dans les années à venir. C'est ce que je souhaite à notre majorité à partir du mois de mai prochain.

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