Intervention de Jean-Paul Bacquet

Réunion du 4 novembre 2016 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Bacquet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le commerce extérieur :

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai présenté mon premier rapport sur le commerce extérieur il y a quinze ans. J'en ai présenté un tous les ans, à deux exceptions près – je présidais alors Business France ; je le regrette, car il était inutile que je préside un organisme dont la directrice générale, que vous connaissez bien, n'a de comptes à rendre qu'à elle-même…

Vous connaissez ma liberté de parole : je refuse la langue de bois. Vous ne m'entendrez pas tenir des propos selon lesquels nous serions « satisfaits de la diminution de la hausse de… » Ce n'est pas mon langage. Je n'en aurais pas moins aimé finir – puisque je ne me représenterai pas – sur un rapport extrêmement favorable. Il n'en sera malheureusement pas ainsi. J'ai même l'impression – peut-être est-ce l'âge – de radoter et de dire la même chose qu'il y a quinze ans, ce qui me gêne beaucoup. (Sourires.) Le déficit commercial de la France grève le PIB de 0,3 point, tandis que la part de marché de la France ne cesse de reculer : elle était de 6,1 % en 1990, elle est de 3,1 % aujourd'hui. Les exportations augmentent – tant mieux ! – de 3 % en 2015, mais le nombre d'entreprises françaises exportatrices n'est que de 125 000 entreprises – l'Italie fait deux fois mieux, l'Allemagne trois fois plus. Le taux de maintien des primo-exportants est de 40 % et, surtout, les 1 000 premiers exportateurs représentent 71,3 % des exportations. Nous ne pouvons nous en satisfaire, même si nous savons qu'il y a derrière cela un vrai problème linguistique et culturel.

Cette année, dans un contexte international pourtant favorable, nous déplorons le repli de nos trois principaux excédents : un repli de 5,7 % pour l'aéronautique ; un repli de 2,1 % pour l'agroalimentaire ; un repli de 4,9 % pour la chimie, les parfums, les cosmétiques. Pire, le nombre de molécules sortant des laboratoires pharmaceutiques français n'a jamais été aussi faible.

J'ai tout entendu, j'ai connu beaucoup de ministres, j'ai connu l'opération Cap Export, l'équipe de France de l'export, le Pacte PME… Las ! Les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions. Surtout, nous sommes incapables d'évaluer les moyens mobilisés, qui sont plus souvent mobilisés les uns contre les autres que de manière complémentaire – j'ai dénoncé cette situation à Business France, mais en pure perte. La question de l'efficacité se pose.

Si nos résultats, quoique inférieurs à nos espérances – disons cela pour ne pas les qualifier de médiocres – se sont améliorés, c'est essentiellement grâce à la parité euro-dollar et au cours du pétrole. Les causes de leurs faiblesses sont, elles, structurelles. Nous n'avons pas toujours envie d'aller à l'export, et nous n'avons pas toujours conscience de la nécessité d'adapter nos produits aux marchés plutôt que d'attendre que les marchés s'adaptent à nos produits. Et il faut chasser en meute ! Cela fait quinze ans que je le dis, cela fait quinze ans que nous le disons, que les ministres successifs le disent. Il faut mieux structurer les filières – les familles, mises en place par Christophe Lecourtier, représentent de ce point de vue une avancée tout à fait notable.

Je suis surtout frappé par les corporatismes. Quand nous recevons les uns et les autres, ils ne parlent que d'eux-mêmes. Surtout, quand nous parlons aux uns des autres, ils font en sorte de les « habiller pour l'hiver »... Et, cela a été dit, la majorité des entreprises ne connaissent même pas les outils mis à leur disposition. Je félicite le Gouvernement pour l'action menée tout au long de la législature, ce qui concerne Sopexa, les accords avec CCI International, les réformes de Bpifrance ou de COFACE. Malheureusement, seule la diplomatie économique a vraiment marché ; nous ne pouvons que remercier Laurent Fabius de l'avoir mise en place. Nous mesurons aujourd'hui le poids des ambassadeurs en matière économique ; c'est ainsi que l'ancien directeur général d'Ubifrance, Christophe Lecourtier, a été l'un des acteurs principaux de la vente de sous-marins à l'Australie. Il a démontré combien la diplomatie économique était nécessaire et combien elle était une réussite, a fortiori si on la compare au reste des dispositifs mis en place, qui ne fonctionnent pas très bien. La complémentarité est nécessaire, et si cela s'impose, il faut prendre des mesures contraignantes.

J'en viens à mes questions.

La première concerne le modèle économique de Business France. Il est inacceptable que les tarifs ne cessent d'augmenter. Nous savons que les entreprises ne peuvent plus payer. Bien sûr, il n'y a jamais assez de moyens – mais dites-moi donc quelle structure a jamais dit à un responsable politique qu'elle avait trop de moyens. Je veux bien que l'on fasse des comparaisons avec les moyens mobilisés par le Royaume-Uni ou d'autres, mais la direction du trésor dit que les moyens existent bel et bien ; simplement, il faut restructurer et redéployer. Et puis, quand on veut montrer qu'on manque d'argent, on n'augmente pas d'emblée de 24 % la rémunération du comité exécutif de la structure !

Ma deuxième question a trait aux volontariats internationaux en entreprise (VIE), au nombre de près de 10 000 aujourd'hui – je vous en félicite – et aux 60 000 candidats qui ne trouvent pas de poste. Quand on voit le bénéfice réalisé par Business France avec les VIE, ne peut-on s'interroger ?

Un mot, aussi, de l'évaluation des résultats, que j'ai toujours demandée. En la matière, nous sommes complètement à côté de la plaque. Il ne s'agit pas de savoir si tel ou tel a été rencontré, s'il y eut de bons repas, si les voyages se sont bien passés ! Il ne faut pas simplement se féliciter de rencontres Business to business, il faut un bilan au bout de six mois, un an, deux ans, mesurer le courant d'affaires qui en est résulté !

Et puis, vous avez donné des ordres, monsieur le secrétaire d'État. Vous avez, à raison, demandé à Business France d'aller rencontrer toutes les régions, dans le cadre de la mise en place des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), mais quand CCI International demande à Business France de l'accompagner pour rencontrer les régions, Business France refuse ! Est-ce là la coordination que vous souhaitez ? Est-ce là l'efficacité que vous attendez ? J'attends vos réponses, monsieur le secrétaire d'État.

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