Intervention de Frédéric Reiss

Réunion du 2 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Merci à nos trois rapporteurs pour avis de la qualité de leurs travaux et de l'éclairage qu'ils apportent à l'activité budgétaire et médiatique.

Quelques mots, pour commencer, sur le rapport de Mme Buffet, que je soutiens dans sa volonté de promouvoir la lecture publique : c'est un outil essentiel pour prévenir et corriger les inégalités sociales et culturelles. Les offres en direction de la jeunesse sont essentielles. Je confirme que, dans la ruralité, les élus locaux n'ont malheureusement pas toujours conscience que de réels efforts intergénérationnels en faveur de la lecture publique sont indispensables.

En ce qui concerne le rapport de M. Pouzol sur le lancement de Franceinfo, notre groupe est sensible à la nécessité de garantir à nos concitoyens des contenus d'information estampillés « service public ». La nouvelle chaîne d'information publique compte chez nous des partisans mais d'autres sont plus sceptiques ; certains me parlent parfois de « propagande gouvernementale », ce qui montre que la perception de l'indépendance est relative. L'avenir nous dira si Franceinfo a choisi la bonne stratégie éditoriale. Il me semble que le choix d'être avant tout « réseau social voire mobile compatible » représente une opportunité pour la chaîne de gagner en légitimité et de s'installer durablement dans le paysage audiovisuel, même si ce format peut en dérouter certains.

La grande question concerne son coût et j'ai lu avec intérêt la partie du rapport à ce sujet. Il importe de ne pas confondre surcoût et embauches supplémentaires, d'autant que le coût est principalement supporté par France Télévisions, dont le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) nous laisse circonspects quant à sa capacité à éviter les déficits dans les années à venir. L'entreprise est structurellement déficitaire et dépend d'un niveau important de ressources propres pour maintenir son budget à l'équilibre. Vous avez, monsieur le rapporteur, reconnu l'absence de pilotage de l'État ; elle n'excuse pas les dérives de gestion. C'est pourquoi il convient aussi de parler de la gestion de l'entreprise, dont la Cour des comptes a souligné les défauts.

Le lancement de Franceinfo rappelle cruellement, en creux, l'absence de réforme de l'audiovisuel public sous cette législature, la majorité s'étant contentée d'augmenter continuellement la contribution à l'audiovisuel public (CAP) ainsi que le taux de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques pour reverser à l'entreprise l'équivalent du produit de cette augmentation, en gardant le reste de la ressource dans le budget de l'État. Le débat en PLF sur cette question a démontré les limites de cette navigation à vue puisque c'est même de la rapporteure générale qu'est venu un amendement refusant une nouvelle hausse de la CAP. Estimez-vous que France Télévisions puisse faire face, sans risque industriel, au coût que représente cette nouvelle chaîne ?

En ce qui concerne le rapport de Virginie Duby-Muller sur le développement de la presse en ligne, qu'il s'agisse des pures players ou du développement numérique des rédactions historiques, j'ai noté le parti-pris assumé de rééquilibrer les aides entre les acteurs et de repenser la ligne de démarcation entre presse IPG et non IPG.

La quatrième recommandation préconise la création d'« un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse » dans le cadre de la révision de la directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique. Cette orientation nous semble prometteuse, même si son échec relatif chez nos voisins ternit un peu l'espoir de voir les « infomédiaires » prendre leur juste part dans la chaîne de création de la valeur éditoriale. Ce sera un sujet intéressant à évoquer avec les députés du Bundestag, lors de la prochaine rencontre de notre Commission dans un mois.

Pensez-vous que l'Europe pourrait faire plier Google, malgré les précédents espagnols et allemands, les accords signés dans ces pays n'ayant pas permis la mise en place de compensations financières significatives en échange de droits de reproduction et de communication ? Il ne faudrait pas que ce débat si nécessaire, alors que les acteurs de notre pays ont pris le virage numérique mais peinent encore à créer des modèles économiques viables, ne se termine aussi mal que la taxe Google, le fonds Google en faveur de la presse ayant certes le mérite d'exister, mais sans doute plus pour très longtemps. Ce n'est pas, en tout cas, par des subventions de plus en plus importantes que nous pourrons envisager sereinement l'avenir.

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