Intervention de Virginie Duby-Muller

Réunion du 2 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse écrite :

Frédéric Reiss m'a interrogée sur la recommandation n° 4, qui vise à appuyer activement la reconnaissance d'un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse, prévue par la proposition de directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique, publiée par la Commission européenne le 14 septembre dernier. L'intention de la Commission européenne est de trouver une solution structurelle et plus pérenne que le Fonds Google-AIPG ou le DNI à travers la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse.

Tous les représentants que j'ai pu rencontrer, qu'il s'agisse du SPIIL, du syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) ou du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) se sont félicités de ce changement d'approche, qui modifiera profondément la donne et permettra aux éditeurs de presse de décider ex ante de céder, ou non, leurs droits à titre gratuit ou onéreux.

Il faudra veiller à ce que les représentants des États membres auprès des institutions européennes dépassent ce rapport conflictuel entre les éditeurs de presse et les infomédiaires. Les tentatives de régulation de 2013 et 2014 en Espagne et en Allemagne ont connu un échec relatif, mais on imagine mal que Google puisse, aujourd'hui, refuser de négocier avec l'ensemble des éditeurs de presse au niveau européen. C'est effectivement à l'échelon européen qu'on pourra peser davantage face au géant du numérique.

Michel Françaix a rappelé que la presse papier avait un coût beaucoup plus important que le numérique, qu'il s'agisse de l'impression ou de la distribution. Pour autant, le numérique impose également des investissements très lourds, en particulier les outils de gestion de l'abonnement numérique, les plateformes numériques, qui doivent être renouvelées tous les deux ans, la numérisation des fonds physiques et les dispositifs pour lutter contre le piratage. Plus récemment, nombre de sites en ligne ont mis en place la vidéo, élément très attractif et dynamique, qui permet d'augmenter l'audience.

Je rappelle quelques chiffres. Aujourd'hui, 93 % des aides bénéficient à la presse papier, alors que près de 60 % du lectorat de la presse se fait actuellement via le numérique. Il y a donc une marge de progrès pour rééquilibrer la situation. L'exclusion de la presse en ligne des aides au pluralisme pose question, le président de la CPPAP lui-même en convient.

J'en viens au débat sur la presse IPG et non-IPG. Certes monsieur Françaix, la presse en ligne n'a pas « droit à tout ». Mais, dans la mesure où 98 % des aides directes à la presse sont ciblées sur la presse IPG et que de nombreux pure players associant IPG et non-IPG sont exclus de ces aides parce qu'ils n'ont pas l'agrément de la CPPAP, cela pose question et montre l'inadaptation actuelle par rapport à l'évolution de la presse en ligne. Là encore, il y a place pour un rééquilibrage.

Le Huffington Post, par exemple, n'a jamais bénéficié de la moindre aide à la presse depuis sa création. Or, aujourd'hui, c'est le premier pure player et il touche près de 45 millions de pages vues, avec 25 millions de visites en juin 2016 et 4 millions de visiteurs par mois, ce qui n'est pas anodin.

Madame Arribagé, je regrette, comme vous, l'impossibilité, pour la presse en ligne, d'accéder au marché des annonces légales, ce qui pose question sur leur modèle économique et leur viabilité.

Vous m'avez également interrogée sur les modalités de fonctionnement du Fonds européen Google DNI. Effectivement, ses modalités seront différentes de l'actuel fonds Google, qui arrive à échéance en 2016. Il avait d'ailleurs été prolongé parce qu'il n'avait pas été intégralement consommé. Je rappelle que ce fonds a permis de mobiliser 60 millions d'euros sur trois ans. Le Fonds DNI n'aura pas la même gouvernance que le Fonds Google-AIPG puisque les éditeurs de presse ne sont pas présents au sein de son conseil d'administration. Les griefs en termes d'opacité et de collusion devraient donc perdre en légitimité, ce qui a parfois été relayé au cours de nos auditions. Le SPIIL a également loué ce mode de gouvernance, ainsi que l'ouverture à la presse non-IPG. Il s'agit, là encore, d'une évolution importante.

Par ailleurs, ce fonds a déjà lancé deux appels à projet, l'un au début de l'année 2016, l'autre en cours. Son conseil d'administration est appelé à se prononcer sur tout financement compris entre 30 000 euros et 1 million d'euros. Toutefois, il faut souligner que ce fonds n'est doté que de 150 millions d'euros sur trois ans, soit 50 millions par an, et qu'il est ouvert à l'ensemble des éditeurs de presse à l'échelle européenne. Par conséquent, les éditeurs français ne pourraient espérer des financements qu'à hauteur de 5 à 10 millions d'euros par an au maximum, soit, au final, quatre fois inférieurs au financement annuel actuellement prévu pour le Fonds Google-AIPG.

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